Observatoire social Tunisien
Depuis sa création en Mars 2011, le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) – en tant qu’organisation non gouvernementale – œuvre pour le respect et la diffusion de la culture des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux indivisibles et universels.
Le FTDES joue dès lors un rôle majeur dans la défense des droits des tunisien-ne-s et des migrant-e-s. Ses activités sont principalement axées sur les thématiques de la migration, de la précarité sociale et du renforcement de capacités à travers des approches genre et écologique intégrées.
Pour en savoir plus sur les activités du FTDES
Ses quatre sections régionales fonctionnelles situées à Monastir, Kairouan, Kasserine et Redeyef, lui permettent en outre d’impulser des actions au plus près des citoyen-ne-s et d’identifier les besoins des populations, notamment dans les régions marginalisées de la Tunisie.
Un modèle de développement insensible aux questions sociales
Les quinze dernières années ont témoigné d’un essoufflement structurel du développement en Tunisie. D’un point de vue analogique, les politiques de dumping multidimensionnel ont particulièrement permis à l’ancien régime d’afficher et de consolider un taux de croissance moyen de 4 à 5 % par an qui masquait des réalités inquiétantes :
- le dumping social engendrait la flexibilité et la précarité sans réduire le chômage ;
- le dumping fiscal – aides, privilèges et appuis exorbitants accordés au secteur privé – augmentait la pression fiscale exercée sur les salariés, la classe moyenne et les couches les plus défavorisées sans que cela ne se traduise par des investissements significatifs;
le dumping commercial pratiqué particulièrement par le secteur touristique et textile contribuait à accroître la fragilité de ces secteurs et la précarité de l’emploi ; - le dumping financier s’exprimait par un taux élevé de créances douteuses fragilisant le secteur bancaire ;
- le dumping monétaire se traduisait par une perte continue de la valeur du dinar tunisien par rapport à l’euro et au dollar, provoquant un alourdissement des coûts à l’importation pour les entreprises, une augmentation de la valeur en dinars de la dette extérieure – publique et privée – et une diminution du pouvoir d’achat des citoyens corrélative à l’inflation.
Ce modèle de développement a par conséquent systématiquement et excessivement donné la priorité à la croissance aux dépens du développement, aux équilibres financiers aux dépens des équilibres réels, à l’intégration internationale aux dépens de l’intégration nationale – tant sectorielle que territoriale –, à la flexibilité aux dépens de la sécurité. Dès lors, la révolution de janvier 2011 fut fondamentalement le produit de l’échec d’un modèle de développement insensible aux questions sociales avec pour revendications principales : le droit au travail, le droit à un développement régional, le droit à une répartition équitable des richesses, le droit à une vie digne et respectueuse des libertés et des droits humains.
Des données fallacieuses
D’un point de vue empirique, les chiffres officiels estimaient le nombre de chômeurs avant la mi-2011 à 700.000 individus. Cette estimation s’était cependant fondée sur des extrapolations et sur des hypothèses concernant la situation économique du pays. En septembre 2011, l’Institut National des Statistiques (INS) venait confirmer ce chiffre lors de la publication des résultats de ses enquêtes de terrain de mai 2011. Un tel nombre de chômeurs portait alors le taux de chômage à 18,3 % de la population active. Ce dernier cache néanmoins des réalités très disparates. D’un point de vue du genre, lechômage affectait 27.4% des femmes. Aussi, le taux de chômage à l’échelle nationale pour les diplômés du supérieur était estimé à 29,2 %. En outre, il est communément admis que 47% des diplômés du supérieur dans la région de Gafsa étaient concernés par le chômage en 2010. Au cours du premier trimestre 2012, le nombre de chômeurs avait atteint les 800 000, voire un million d’actifs, selon certains représentants d’organisations de la société civile. Cette évolution du taux de chômage en 2011, année de crise par excellence, est alors un indicateur de la fragilité des emplois occupés par les actifs d’une part, et de l’incapacité de l’économie à créer suffisamment d’emplois d’autre part.
Actuellement, il n’existe aucune structure autonome et indépendante qui prenne en charge la question sociale. Les seules sources qui fournissent des informations – souvent incomplètes –, tant sur les mouvements sociaux que sur l’analyse de la question sociale, restent des sources gouvernementales. Ces dernières se limitent quasi-exclusivement au monde du travail salarié – grèves, arrêt de travail, occupation de lieu, etc. – en négligeant totalement d’autres mouvements comme ceux des paysans, des artisans, des pêcheurs, des chômeurs ou encore des citoyens. A cet égard, la Tunisie compte environ 550 000 exploitations agricoles dont la très grande majorité est gérée par des petits et moyens agriculteurs familiaux. Le nombre d’artisans opérant dans le secteur est de l’ordre de 350 000, répartis sur 76 activités. Les emplois directs et indirects liés au secteur de la pêche atteignent les 100 000. En outre, sur le plan des indicateurs sociaux correspondant au chômage, à l’évolution des prix à la consommation, à la pauvreté et à la précarité, les sources gouvernementales tendent systématiquement à réduire l’ampleur de ces phénomènes en adoptant des méthodes peu rigoureuses. Ces indicateurs sociaux ne permettent pas non plus de couvrir tous les aspects de la question sociale ou encore de dégager les spécificités régionales, territoriales, catégorielles et sectorielles pour pouvoir mener des analyses plus approfondies et à des échelles locales.
A partir de ces considérations, le FTDES note l’urgence de créer une structure chargée de prendre en charge d’une façon continue, empirique et analytique la question sociale – parallèlement à la défense des droits économiques et sociaux sur le plan juridique et politique.
Des mouvements sociaux divisés
La mobilisation des travailleurs de la baie de Monastir concernant leurs conditions de travail et celle des personnes victimes de la pollution rejetée par les industries de la région sont liées à l’implantation des usines et au mauvais traitement des eaux usées qui entraînent des réactions en chaîne impliquant toute la population. Or, les mobilisations restent isolées et axées d’une part sur la situation sanitaire et les conséquences économiques pour les pêcheurs/agriculteurs, et de l’autre sur le droit du travail dans les usines.
De surcroît et malgré un contexte tunisien marqué depuis l’ancien régime par de multiples mobilisations sociales relatives aux problématiques juridiques, sociales, économiques, politiques et environnementales, le FTDES constate un manque d’interconnexion entre les différents acteurs sociaux.
Cette intervention est d’autant plus fondamentale qu’un certain nombre de mobilisations ayant lieu en Tunisie se trouvent dans l’impasse, en partie du fait de ne pouvoir aller au-delà du stade de la contestation, c’est-à-dire sans pouvoir formuler de propositions alternatives. Il est donc nécessaire de lier les luttes les unes aux autres et de fournir des espaces pour consolider des solutions qui résolvent ces problèmes de manière intégrale et structurelle.
La baie de Monastir requiert un changement d’activités des entreprises vers des productions moins polluantes parallèlement à une régulation gouvernementale concernant le droit du travail, ajoutée à une meilleure gestion des biens publics (centrales d’épuration adaptées en localisation et en volume) afin de satisfaire le bien-être des populations et relancer l’économie piscicole et agricole.
L’Observatoire Social Tunisien est né de cette volonté du FTDES de procurer une vision holistique des problèmes socio-économiques aux acteurs des mouvements sociaux ainsi que des espaces de formulation d’alternatives afin de résorber ces questions de manière efficace.
« Intégration régionale: quelles alternatives populaires pour une intégration effective et durable du Maghreb?»
Cette initiative, mise en œuvre par le Forum des Alternatives Maroc, Le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux et Oxfam, avec le soutien de l’Union Européenne, intervient dans le contexte suivant les révolutions qui ont eu cours dans la région et qui ont confirmé la centralité des droits économiques et sociaux qui sont un problème structurel commun auquel sont confrontés les pays du Maghreb, qui ont fait accélérer le besoin impératif d’œuvrer à la mise en place d’un espace maghrébin pour la paix, le développement et l’amélioration des conditions de vie des populations.
Le programme visera à contribuer a la prise en compte des dimensions humaine et sociale du développement dans les politiques d’intégration régionale au Maghreb pour l’amélioration des conditions de vie des populations de la région ; notamment en promouvant la participation des organisations de la société civile et des mouvements sociaux dans les espaces de débats et de dialogue entre les acteurs pertinents concernés par l’intégration régionale du Maghreb.
Ainsi, les différentes activités programmées d’ici la mi 2017 dans le cadre de cette dynamique, tenteront de contribuer au renforcement des capacités des associations et des mouvements sociaux et syndicaux, afin de favoriser l’émergence d’un pôle de connaissances, d’expertises et d’influence au niveau des pays de la région qui contribuera à ériger une société civile influente et porteuse d’alternatives pouvant être traduites en politiques économiques respectueuses des dimensions humaines, sociales et culturelles.
Les activités, qui se dérouleront entre la Tunisie et le Maroc, avec la participation des composantes de la société civile et autres acteurs clés concernés (institutionnels, politiques, privés…) de l’ensemble des pays du Maghreb, se déclinent comme suit :
2 séminaires internationaux :
- « La Société civile et construction Maghrébine » (Maroc)
- « Les coûts du non – Maghreb » (Tunisie)
4 Forums thématiques régionaux:
- Les Droits économiques sociaux, culturels et environnementaux (Tunisie)
- Les Libertés publiques et la libre circulation (Tunisie)
- La Démocratie, la paix, la sécurité et la résolution pacifique des conflits (Maroc)
- Femmes, égalité et parité (Maroc)
2 débats société civile – opérateurs économiques :
- 1 au Maroc, 1 en Tunisie, ciblant les publics suivants : opérateurs économiques et organisations entrepreneuriales et patronales regroupés au sein de l’Union Economique du Maghreb (UEM), et de l’Union Maghrébine des Employeurs (UME), ainsi que des représentant(e)s de la Banque Africaine de Développement (BAD).
- La réalisation d’une Etude de diagnostic régional sur les « coûts du non Maghreb » et un benchmark d’expériences d’intégration régionale ;
- L’élaboration d’un guide de bonnes pratiques – expériences de participation de la société civile dans les processus d’intégration régionale ;
Des Ateliers de planification de plaidoyer : « Renforcer le pouvoir d’influence des organisations de la société civile sur les politiques d’intégration régionale du Maghreb :
- Deux ateliers de planification du plaidoyer (Tunisie) en faveur de 18 représentants d’OSC des différents pays de la région;
- Une réunion générale à mi-parcours du plaidoyer (Tunisie) ;
- Un Coaching plaidoyer, suivi/évaluation en continu du groupe des 18 formés ;
Actions de plaidoyer:
- Elaboration et diffusion de memoranda : – propositions de la société civile : priorités, principes directeurs et modèles alternatifs pour une intégration régionale du Maghreb prenant en compte les dimensions humaines et sociales du développement ; – recommandations de la société civile pour la mise en place de mesures et de mécanismes de participation de la société civile dans des processus d’intégration régionale du Maghreb et de réforme économique en cours.
- 5 Rencontres de dialogue avec les décideurs au niveau national – délégation maghrébine représentant(e)s des OSC dans les 5 pays ;
- 2 Rencontres de dialogue régional Maghreb et Union Européenne : délégation maghrébine représentant(e)s des OSC. Exemples : rencontre avec l’UMA, tournée de dialogue avec l’UE – PEV, ALECA, Parlementaires (à Bruxelles), etc.
Actions de sensibilisation et de mobilisation:
- Organisation de conférences de presse (2 Maroc, 2 Tunisie) ;
- Diffusion de communiqués de presse ;
- Rédaction d’articles, production de Podcasts et de programmes radiophoniques ;
- Des Mobilisations de rue, à caractère culturel et pédagogique, seront organisées dans des lieux symboliques, tels qu’aux frontières entre le Maroc et l’Algérie, la Tunisie et la Libye, à des moments clés de l’actualité sociopolitique des pays de la région et à des phases clés de l’action.