LE PACTE EUROPEEN SUR L’ASILE ET LA MIGRATION : UN PACTE POUR UNE SOLIDARITÉ INTER-ETATS POUR DES EXPULSIONS MASSIVES DES MIGRANTES ET DES MIGRANTS

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Observatoire Maghrébin des Migrations
DECLARATION
« LE PACTE EUROPEEN SUR L’ASILE ET LA MIGRATION : UN PACTE POUR UNE SOLIDARITE INTER-ETATS POUR DES EXPULSIONS MASSIVES DES MIGRANTES ET DES MIGRANTS »
L’Observatoire Maghrébin des Migrations, émanation du Forum Social Maghrébin, s’est penché sur l’analyse du projet de l’Union Européenne dit « Pacte européen sur la migration et l’asile » soumis au Parlement européen. Seulement deux ans après l’adoption du pacte mondial sur les migrations dites « sûres, ordonnées et régulières » voté à Marrakech en décembre 2018, l’Europe s’empare à nouveau d’un débat au sein du conseil de l’Europe, afin d’harmoniser sa politique migratoire. Sous couvert de cette homogénéisation et de l’organisation de la solidarité entre les Etats européens, la proposition du texte encourage, une fois de plus une politique répressive et sécuritaire de l’Europe.
Présenté comme un compromis, ce pacte constitue un recul important pour le respect des droits humains et des droits des migrant.e.s. Il se concentre sur une approche sécuritaire pour fermer à ces derniers l’accès au territoire européen. Le plus choquant dans cette proposition, est la mise en place d’un processus de solidarité entre États de l’Union qui remplace la solidarité dans l’accueil par une solidarité dans les refoulements massifs.
Le texte montre une volonté des Etats-Membres de se soustraire plutôt que d’offrir protection et dignité à des milliers de personnes et leur famille ayant fui la famine, la guerre, les crises économiques et sociales et les changements climatiques, auxquelles le Pacte offre comme seule réponse un “imbroglio administratif”. Via ce texte, l’Europe déroge aux Conventions de droits internationales qui s’appliquent et dont elle est partie prenante. Elle bafoue la notion et les valeurs de protection, de dignité et d’opportunité de vivre décemment et librement à toute personne, quel que soit son origine, sa couleur de peau, son orientation sexuelle ou ses préférences religieuses. Ce texte méprise également les droits fondamentaux contenus dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme adoptée à l’Assemblée générale des Nations Unies (1948), à savoir la liberté de circuler sans-entraves pour les personnes, leurs familles et leurs biens.
Ce pacte aura aussi de fortes répercussions sur les politiques migratoires des pays du Sud. En effet, il vise à gérer au maximum les contrôles des demandeurs d’asile hors du territoire de l’UE par la mise en place de « hot spots », par une sous-traitance du contrôle des frontières par les pays d’émigration et/ou de transit, quitte à y installer des centres de rétention comme c’est déjà le cas en Lybie.
Ce pacte européen s’il est adopté en l’état, impactera aussi les pays frontaliers à l’Europe. Les pays de la rive sud de la Méditerranée, que ce soit les pays du Maghreb ou de manière plus globale ceux du continent africain, peuvent jouer un rôle crucial dans cette mobilisation.
Nous, associations des sociétés civiles du Nord et du Sud de la Méditerranée,
– Considérons que cette proposition représente un recul sans précédent sur le droit d’asile aux frontières et et légitime les multiples violations du principe de non refoulement consacré par la Convention de Genève.
– Estimons que loin d’engager un changement des politiques migratoires européennes, vers le
respect des droits des migrants et demandeurs d’asile, le nouveau pacte européen migrations et asile renforce le choix sécuritaire pour empêcher les arrivées aux frontières pour organiser un tri parmi les personnes qui auraient réussi à surmonter les périples mortuaires pour atteindre le territoire européen, entre celles considérées éligibles à la demande d’asile et toutes les autres qui devraient être expulsées.
– Convaincues que ce projet renforce la violation de la liberté de circuler et renforce les lourds et couteux dispositifs répressifs des Etats membres de l’Union européenne
De ce qui précède, nous appelons l’Union Européenne :
– A respecter ses engagements en matière de respect des droits de l’homme
– A un changement radical des politiques migratoires, pour une Europe qui encourage les solidarités, fondée sur la protection des droits humains et la dignité humaine afin d’assurer la
protection des personnes et non pas leur exclusion.
– A faire pression sur les pays européens pour ratifier la convention internationale des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, ainsi qu’inciter ces pays à s’engager vers des
campagnes de régularisation et le développement de système d’accueil réellement solidaire et
digne.
– A ériger des ponts et non des murs entre les peuples et mettre à profit les apports financiers pour accueillir dignement et permettre un accès inconditionnel au territoire européen pour les personnes bloquées à ses frontières extérieures
– A cesser de considérer les pays du Sud comme les gendarmes de l’Europe et les soutenir dans les optiques et mesures de régularisation dans des conditions qui respectent leurs droits et leur dignité
Les conséquences néfastes sur la dignité humaine et les droits fondamentaux de cette approche étant flagrantes, nous appelons les sociétés civiles du Nord et du Sud, à
– Mener des actions de lobbying et plaidoyer prioritairement en Europe auprès des
parlementaires européens, mais également les députés (nationaux) des pays de l’Europe. Des échanges devront avoir lieu avec les différents groupes parlementaires politiques au sein du Parlement européen
– Lancer des actions communes lors de temps forts de mobilisation et de sensibilisation : la
journée internationale des droits de l’Homme du 10 décembre ; la journée internationale des
droits des migrants le 18 décembre ; lors du FSM sensé se tenir au Mexique en janvier 2021, lors du forum social européen des migrations à Lisbonne 25 au 28 mars 2021 ; lors de la session du tribunal permanents des peuples (Berlin, fin octobre) ; lors de la session du tribunal permanent des peuples en mars 2021 à Tunis sur la politique migratoire des pays du Maghreb, etc.
– Lancer une campagne dans les pays du Sud (Maghreb en particulier, Afrique plus généralement et Moyen Orient), afin que ces Etats résistent et n’acceptent pas ce pacte qui va les engager à faire la politique du « gendarme de l’Europe », en acceptant des accords de réadmissions et en surveillant toujours plus leurs propres frontières en violation des droits et de la dignité des migrant-e-s
Face à la solidarité sécuritaire et violente des états européens qui déshumanise les migrant.e.s au péril de leur vie, mettons en place une réponse et action permanente autour de la solidarité entre les associations, les syndicats et les élu.e.s de part et d’autre de la Méditerranée pour le respect de la dignité et des droits de l’homme..
Observatoire Maghrébin des Migrations
Comité de Suivi du Forum Social Maghreb
Le 12 Octobre 2020