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Appel à la solidarité internationale avec les oubliés de la révolution tunisienne
Négociations UE-Tunisie : Libérer les échanges sans échanger les libertés ?
Négociations UE-Tunisie : Libérer les échanges sans échanger les libertés ?
Par: Marco Jonville (Volontaire “ALECA et justice environnementale” FTDES)
Valentin Bonnefoy: Chargé de mission “Initiative pour une Justice Migratoire (IJM)” FTDES
En ce mois d’avril 2018, deux négociations fondamentales pour la Tunisie vont être menées entre des représentants de la Tunisie et de l’Union Européenne (UE). La semaine du 17 avril, les négociations se tiendront sur la réadmission de migrants et la facilitation des demandes de visas pour une petite partie des Tunisiennes et Tunisiens. Tandis que durant la semaine du 23 avril, les discussions vont traiter des conditions du commerce entre la Tunisie et l’Union Européenne avec pour finalité la signature de l’ALECA (Accord de Libre-Echange Complet et Approfondi).
Menées à une semaine d’intervalle, les deux thématiques de la circulation des personnes et de l’augmentation de la libéralisation des échanges ont été liées à la suite d’une demande tunisienne : la crainte était que soit favorisée la circulation des biens, des flux financiers et des services, en dépit de la circulation des personnes.
Ces négociations engagent la Tunisie pour les décennies à venir. Elles pourraient changer la structuration économique et sociale du pays. L’accord d’association de 1995, qui a ouvert le secteur industriel à la concurrence, est critiqué pour ses conséquences, qui perdurent jusqu’à aujourd’hui[1]. Pour cerner les stratégies en jeu dans ces négociations, nous analysons ici quels sont les objectifs pour l’Union Européenne dans ces tractations, ce qu’elle espère y gagner et comment est-ce qu’elle envisage de négocier. Il s’agit dès à présent d’anticiper les résultats et les conséquences de ces négociations sur le long terme, pour ne pas subir des répercutions non désirées dans le futur.
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L’intensification du commerce comme fin en soi : quels constats ?
Avec l’ALECA, l’UE propose à la Tunisie de signer un traité international[2] pour ouvrir encore davantage son économie : pour les biens, les services et les capitaux. Cette ouverture concernerait tous les secteurs de l’économie, y compris l’agriculture. Elle mettrait un terme aux droits de douane, et demanderait à la Tunisie d’adopter les normes de l’UE pour que son économie entre en pleine concurrence avec les économies européennes.
Des risques pour les droits économiques et sociaux des citoyens tunisiens
Sous différents aspects, le projet d’ALECA fait craindre des risques pour les citoyens tunisiens en termes de droits économiques et sociaux. En particulier, de nombreux emplois risquent de disparaitre dans les secteurs de l’agriculture et des services. De même, la mise en concurrence du secteur agricole pourrait menacer la sécurité alimentaire, en accentuant la dépendance à l’importation pour les céréales, qui sont la base de l’alimentation tunisienne.
L’impact social se fera aussi sentir de manière moins directe. La perte de ressources budgétaires de l’Etat (liés à la baisse des droits de douane), se traduira soit par moins de dépenses sociales et de développement, soit par des hausses d’impôts. De plus, si aucun dispositif n’est prévu, les investissements risquent de se concentrer dans le nord-est du pays et ne pas améliorer les inégalités sociales et territoriales.
Enfin, le bien-être et la santé même des citoyens sont menacés. Les mesures de propriété intellectuelle incluses dans le projet pourraient restreindre l’accès aux médicaments. Il est aussi probable que le projet prévoie une juridiction spéciale pour les investisseurs comme les tribunaux d’arbitrage. C’est-à-dire qu’ils auraient la possibilité d’attaquer directement l’Etat tunisien s’ils considèrent qu’une loi ou une mesure menace leurs investissements[3]. Ainsi des mesures de protection de l’environnement ou de santé publique, par exemple, peuvent être arrêtées ou ne pas être mises en application[4].
Des avantages incertains pour la Tunisie
En contrepartie de l’ouverture tunisienne, l’UE promet un développement de l’économie, à travers un meilleur accès au marché européen, des normes reconnues internationalement, et plus d’investissement en Tunisie. Cependant, si nous regardons l’Accord d’Association de 1995, qui a mis en compétition l’industrie tunisienne et européenne, nous constatons que, 20 ans après, l’industrie tunisienne est en grande difficulté[5]. Le secteur porteur en Tunisie étant celui des services, faire brutalement disparaître les protections de l’Etat vis-à-vis de ce secteur pourrait l’endommager fortement, en ayant des incidences négatives sur les emplois. Même si cela se fait progressivement, la mise en concurrence inquiète donc tant les organisations de la société civile que les syndicats, et même le patronat[6]. Il faut dire que la compétitivité de l’économie tunisienne est bien inférieure à celle de l’économie européenne. Dans le secteur agricole, elle l’est même 7 fois moins[7].
Deux autres éléments reflètent cette inégalité entre les deux parties. D’abord, l’UE propose que la Tunisie adopte des normes et standards européens dans différents domaines[8]. Toutefois, ce changement de normes aura un coût, qui devra être porté uniquement par la Tunisie, quand les entreprises européennes n’auront pas d’effort particulier à faire. Et ces normes, pensées pour l’Europe, ne sont pas nécessairement adaptées à la Tunisie. D’autre part, le projet d’ALECA permettrait à des fournisseurs de service ou des investisseurs de venir directement en Tunisie librement, alors que les Tunisiens doivent systématiquement passer par une procédure de demande de visa. Or, dans sa stratégie commerciale de 2015, « Le Commerce pour Tous », la Commission Européenne affirme que « pour s’engager dans le commerce international des services, les entreprises doivent établir des marchés à l’étranger afin de desservir les nouveaux clients locaux. »[9] Cela signifie qu’il est très important pour les Européens que leurs fournisseurs de services puissent venir et s’installer dans d’autres pays. En revanche, il n’est pas possible pour les fournisseurs de services Tunisiens de se déplacer en Europe sans passer par des procédures de demande de visas à l’issue incertaine.
Ce projet semble donc ne pas pouvoir bénéficier dans l’immédiat à la Tunisie mais plutôt servir les intérêts des entreprises européennes, voire détériorer encore certains aspects de l’économie tunisienne. Comment l’UE en est donc arrivée à ce que la Tunisie accepte de discuter une telle proposition ?
L’offre européenne : une stratégie commerciale offensive
Cette offre fait partie d’une stratégie mondiale de l’UE. Elle cherche à pouvoir importer à plus bas coût, pour mieux pouvoir exporter[10]. Ces mesures, ainsi que l’harmonisation des normes, ont pour but de consolider la position des grandes multinationales européennes, en concurrence avec les nouvelles puissances comme la Chine[11]. En effet, ces dernières années, les importations de la Tunisie se sont diversifiées et sont devenues de moins en moins liées aux produits européens, remplacés par des produits en provenance de Chine et de Turquie,[12] comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays africains. L’UE ne propose donc pas cet accord seulement à la Tunisie, mais à de nombreux Etats et régions du monde[13].
L’objectif est de s’assurer d’une part l’accès à des ressources clés comme l’énergie et d’autres matières premières à meilleur coût ; et d’autre part, de pouvoir mieux exporter, notamment dans le secteur des services, le plus important en Europe, en éliminant la majorité des protections des autres économies[14]. Ainsi, l’objectif de l’UE dans ces négociations est de pouvoir investir le marché tunisien, de le confronter à la très forte concurrence du marché européen et donc essentiellement de tirer profit de son avancement technologique et compétitif dans les échanges avec la Tunisie.
Méthodes de négociation européennes : faire pression pour servir ses propres intérêts
Pour négocier l’ALECA, mais aussi pour contrôler les mouvements migratoires, l’UE use de différents moyens pour obtenir des accords qui correspondent à ses intérêts.
Les récentes – et controversées – affaires des listes noires[15] ont pu être analysées comme servant de moyens de pression pour faire avancer les négociations[16]. De même, l’UE finance en partie le budget de l’Etat tunisien, et impose des conditions, à savoir que l’Union demande des réformes en échange de ses financements[17]. Ainsi la Tunisie peut difficilement refuser les négociations proposées par l’UE, au risque de voir les financements européens réduits. Or, au vu de la situation économique et des finances publiques, elle en a cruellement besoin et cette forme de chantage a dès lors toutes ses chances de fonctionner. De même, après une année exceptionnelle de production d’huile d’olive en 2017-2018, la Tunisie a demandé un quota détaxé supplémentaire pour exporter plus d’huile vers l’Europe. Mais ce dernier a été refusé, bien qu’un tel quota ait existé les deux années précédentes.[18]
De même pour lutter contre l’immigration irrégulière, l’UE souhaite faire pression sur l’attribution de visas. Alors que la mobilité est essentielle pour les Tunisiens, pour pouvoir établir des relations commerciales en Europe, pour rendre visite à des membres de leur famille, ou simplement venir en vacances, l’accès au territoire européen est filtré par une politique sécuritaire et restrictive.
En termes de mobilité des personnes, l’UE est donc à la recherche du même contrôle. Si une liberté pour les biens, les services et les capitaux est annoncée par l’UE avec l’ALECA, il n’en est pas de même pour les personnes. L’UE négocie deux traités avec la Tunisie, qui servent à mieux contrôler les frontières et sélectionner celles et ceux qui les franchissent : un accord dit de réadmission et un accord de facilitation des visas dans le cadre des négociations du partenariat pour la mobilité (PPM).
Des libertés à sens unique
En théorie, les relations internationales sont régies par le principe de la réciprocité[19] entre les Etats qui doivent négocier sur un pied d’égalité. Pourtant, la liberté de circulation entre l’Union Européenne et la Tunisie a tendance à se déployer à sens unique. La « facilitation des visas » sert de monnaie d’échange pour pouvoir mieux négocier les accords de réadmission, objectifs des Etats membres et de l’Union Européenne depuis le début des années 2000[20], lorsque cette dernière a entamé une politique « d’externalisation de ses frontières ».
L’appât de la « facilitation » des visas
Alors que l’Union Européenne elle-même s’est construite en instaurant un marché commun fondé sur le libre-échange et un espace de libre-circulation, elle a tenté d’isoler la question de la mobilité des personnes du reste des négociations. La Tunisie attribue systématiquement aux Européens un visa de trois mois dès leur entrée sur son sol. Mais pour les Tunisiens, qu’en est-il de ce principe de « facilitation » alors que le processus de demande de visas n’a fait qu’être complexifié depuis la création de l’espace Schengen ?
Dans le cadre du libre-échange, l’UE organise l’importation des cerveaux[21]. D’un côté, l’UE facilite l’immigration pour une élite tunisienne qui constitue un enrichissement en matière grise, venant servir les intérêts économiques européens.[22] De l’autre côté, on observe une chute du nombre de diplômés tunisiens du privé et du public de 25% entre 2010 et 2016[23]. La « fuite des cerveaux » (ou brain drain) n’est pas un fait récent mais il prend une place particulièrement stratégique dans le cadre de ces négociations de l’ALECA et du PPM. Mais très peu a été prévu pour permettre la mobilité de travailleurs non cadres ou peu qualifiés. On observe que les clauses de migration de travail sont souvent davantage prises en compte dans les accords bilatéraux que dans ces Partenariats pour la mobilité avec l’UE. En effet, les migrations restent un sujet important de discorde entre les différents Etats membres de l’Union européenne.
Dans le passé, des accords concernant les travailleurs saisonniers[24] furent signés avec différents pays membres de l’UE. La migration circulaire et saisonnière était promue dans les années 1960 par les Etats européens pour remplir une demande importante en main d’œuvre, puis acceptée jusque dans les années 2000. Aujourd’hui, de telles migrations sont écartées. La priorité est en effet attribuée aux « accords de réadmission » et aux dynamiques de retour[25] ou bien uniquement aux accords facilitant le séjour de certains « jeunes professionnels »[26], à qui la Tunisie a consacré une partie importante de ses fonds publics pour la formation universitaire. Si l’on compare les accords de facilitation des visas dans le cadre des Partenariats pour la mobilité déjà signés avec d’autres pays[27], l’UE ne facilite les visas que pour les étudiants les plus qualifiés et formés, des chercheurs, des chefs d’entreprise, investisseurs ou encore pour certains membres de la société civile. Ce type d’accord accroitrait donc encore davantage les inégalités de mobilité entre les différentes classes sociales.
Qui plus est, la part substantielle que constituent les transferts de fonds d’émigrés vers leurs familles dans l’économie tunisienne n’est pas négligeable. Elle est comparable aux montants de l’« aide au développement » et représentait en 2014 4.75% du PIB tunisien[28]. La forme de répartition des richesses globales qui s’effectue du fait des migrations internationales est donc paralysée à partir du moment où les migrations ont pour finalité d’être endiguées par les Etats.
Le contexte migratoire régional est caractérisé par une double dynamique. Au nord de la mer Méditerranée une phobie populaire des migrations s’est diffusée, notamment à la suite d’attentats sur le territoire européen – bien que la majorité d’entre eux aient été réalisés par des Européens – mais également stimulée par une instrumentalisation de cette phobie par de nombreux représentants politiques. Tandis qu’au sud de la mer Méditerranée, la situation économique et sociale du pays a eu tendance à se dégrader et un sentiment d’étouffement et de désillusion s’est fait ressentir parmi la jeunesse tunisienne. Elle a tendance à quitter de plus en plus systématiquement le pays, par voie légale pour les élites ou par voie non règlementaire pour celles et ceux dont les demandes de visa ont été refusées. L’UE propose donc pour remédier à l’immigration irrégulière – qu’elle a tendance à criminaliser – des mécanismes légaux d’expulsions nommés officiellement « accords de réadmission ».
Quand le libre-échange restreint la circulation des personnes
En effet l’UE souhaite, pour lutter contre l’immigration irrégulière, faire pression sur l’attribution de visas. Dimitris Avramopoulos commissaire européen chargé de la migration proposait le 14 mars 2018 « de durcir les conditions d’attribution des visas aux pays partenaires qui ne coopèrent pas suffisamment dans le cadre de la réadmission »[29]. En signant ces « accords de réadmission », l’Etat tunisien serait tenu pendant une longue période d’accepter sans conditions l’expulsion de ses ressortissants depuis le territoire de l’Union Européenne, voire même de ressortissants non nationaux ayant transité par la Tunisie.
Dès le Traité d’Amsterdam en 1997, la pierre angulaire des discussions entre Etat membres de l’UE est devenue la politique migratoire commune[30]. Une stratégie d’externalisation des frontières européennes vers les pays tiers s’est alors mise en place. Jamais exprimée de façon claire, on peut néanmoins identifier cette « politique d’externalisation » à travers un langage spécifique : en témoignent les formules ambivalentes comme la « politique européenne de voisinage », le « renforcement de l’aide de protection dans les pays de premier asile », les « partenariats avec les pays tiers et les pays de transit », ou encore la « répartition des responsabilités avec les régions d’origine »[31]. Le label de « pays tiers sûrs » permet aux Etats membres européens de simplifier les expulsions de nationaux de ces pays ou de pays tiers depuis l’UE[32].
A la lecture de l’agenda sur les migrations de la Commission Européenne, il apparaît en filigrane que les Etats membres sont sommés de faire pression en intensifiant « les actions, de sorte que les pays tiers remplissent leur obligation de réadmettre leurs ressortissants. »[33] En plus, l’UE prévoit de négocier l’expulsion de migrants non Tunisiens vers la Tunisie, parce qu’ils auraient transité par ce pays et pris un bateau pour rejoindre l’Europe. Afin de parachever le projet d’externalisation des frontières européennes, la Commission Européenne révèle que « l’objectif à atteindre consisterait à favoriser une plus grande sécurité des frontières mais également à renforcer les capacités des pays d’Afrique du Nord d’intervenir et de sauver la vie de migrants en détresse. »[34] Certains gouvernements européens ont déjà passé ce type d’accords de renforcement des capacités des garde-côtes notamment avec les autorités libyennes. Malgré des violations fréquentes des droits humains, ils délocalisent donc la gestion des frontières hors de leur territoire[35].
Enfin, pour diminuer le coût de ces expulsions et les rendre plus systématiques, des « accords de réadmission » sont négociés avec les pays tiers comme la Tunisie ou le Maroc[36]. Dès 2005, « 250 millions d’euros avaient été débloqués sur 4 ans » par la Commission européenne pour permettre la négociation de ces « accords de réadmission »[37], faisant ressortir l’aspect prioritaire de cette question pour l’UE.
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En conclusion, les négociations que mène l’Europe en Tunisie répondent à deux de ses obsessions : rester l’acteur majeur du commerce international et contrôler les personnes qui peuvent accéder à son territoire. Sur les deux sujets, la même logique est de mise et l’UE ne prend pas de risques dans ces négociations. En promettant de petites améliorations – quelques catégories de citoyens Tunisiens iront plus facilement en Europe, quelques secteurs pourront plus exporter – l’UE sert essentiellement ses intérêts directs, au détriment de la réciprocité des retombées positives.
Cependant, comment de telles négociations pourront améliorer la situation économique et sociale en Tunisie ? 7 ans après la révolution, la Tunisie est toujours dans une situation de reconstruction. Les équilibres de fonctionnement n’ont pas encore été trouvés, les réformes constitutionnelles ne sont pas achevées. Il semble donc prématuré de s’engager dans de tels changements, et ces négociations devraient être prises avec beaucoup de précaution et de patience.
De fait, pour les négociations du Partenariat Pour la Mobilité (PPM), les « accords de réadmission » engagent des responsabilités très importantes en ce qui concerne les expulsions de Tunisiens ou de personnes de pays tiers ayant transité a priori par le territoire tunisien avant de partir pour l’Europe. En échange, l’UE proposerait seulement une légère facilitation de visas pour une élite tunisienne déjà favorisée pour l’obtention de visa et dont les séjours hors du territoire représentent également un avantage pour les intérêts européens. Ce frileux pas en avant contraste qui plus est avec l’octroi systématique de visas de trois mois pour les ressortissants européens qui arrivent en Tunisie.
En ce qui concerne l’ALECA, les avantages pour l’économie de la zone européenne s’avèrent évidents en termes d’acquisition de nouveaux marchés publics pour des fournisseurs de services européens, une probable domination de la concurrence des multinationales ou PME européennes sur les tissus économiques tunisiens ou encore de nouveaux débouchés en termes de consommateurs de biens et services européens. En revanche, la Tunisie de son côté risque de connaître :
- des pertes d’emploi dans les domaines de l’agriculture notamment dues à la forte concurrence d’un secteur agro-alimentaire européen fortement subventionné par la PAC ;
- une perte d’emplois probable dans le secteur des services ;
- une possible augmentation de la consommation de ses rares ressources en eau pour des exploitations agricoles qui vont devoir être davantage compétitives en augmentant l’intensité de leurs productions ;
- ou encore une perte de recettes fiscales à l’importation et l’exportation ne permettant plus à l’Etat de mettre en place des politiques de réduction des inégalités dans sa politique de développement favorisant les régions vis-à-vis des centres déjà plus avancés.
Outre le rapport de force déséquilibré dans ces négociations entre un pays de 11 millions d’habitants à l’économie encore très fragile qui est en reconstruction et une Union de 500 millions d’habitants qui est la première puissance commerciale au monde, l’UE impose des pressions de sorte à ce que les conditions des accords soient difficilement négociables pour la Tunisie. On a montré que la conditionnalité de l’aide au développement impliquait que la Tunisie, pour obtenir des financements publics de l’Union, doive accepter de mettre en place certaines mesures ou réformes que l’Etat n’aurait pas forcément entreprises autrement.
La négociation semble donc être engagée dans un rapport défavorable pour la Tunisie. Pour en sortir, nous proposons de lier totalement les questions de mobilité et de commerce, dans un partenariat plus large qui parte des priorités de la Tunisie, et non de celles de l’Union Européenne. Nous proposons donc quelques orientations et pistes de réflexion :
- sur la mobilité des personnes (semaine du 16 avril) :
- Ce partenariat devrait permettre des conditions de circulation réciproques entre les citoyens des deux rives de la Méditerranée ;
- y inclure la facilitation de mobilité de travailleurs non cadres (migration circulaire, saisonnière…) ;
- et davantage de réciprocité dans les politiques d’attribution des visas.
- Sur les relations économiques et commerciales (semaine du 23 avril) :
- Ce partenariat devrait identifier quelles actions permettraient réellement à la Tunisie de garantir des emplois, notamment aux jeunes diplômés et aux régions de l’intérieur ;
- A travers des transferts de technologie, une coopération scientifique approfondie il devrait permettre une meilleure qualité des produits tunisiens ;
- A travers l’orientation vers un modèle agro-écologique, il devrait développer une agriculture adaptée aux conditions climatiques changeantes, à la rareté de l’eau et permettant de nourrir la population tunisienne dans une grande partie ;
- Il ne devrait pas permettre à travers des tribunaux d’arbitrage de remettre en cause la souveraineté de l’Etat tunisien vis-à-vis d’intérêts de multinationales étrangères.
[1] Voir par exemple « 10 ans après l’échec du libre-échange avec l’UE », site du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES), consulté le 9 avril 2018. https://ftdes.net/fr/10-ans-
[2] Ce qui signifie qu’il est supérieur à la loi tunisienne mais doit être conforme à la Constitution.
[3] Le différend est alors arbitré par des cabinets d’avocats d’affaires privés, lesquels sont critiqués pour leur partialité. En effet, il arrive fréquemment qu’ils défendent des entreprises dans un cas puis soient « arbitres » dans un autre, avec un évident conflit d’intérêt.
[4] Les conséquences sur les droits ont été notamment étudiées dans Mahjoub, A. & Saadaoui, Z., Impact de l’Accord de libre-échange complet et approfondi sur les droits économiques et sociaux en Tunisie, Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, mai 2015
[5] Bedoui, A., Mongi, M., 2016, Evaluation du partenariat entre l’Union européenne et la Tunisie, Fondation Rosa Luxembourg, Tunis, 2016 ; EuroMed Rights, Report: Advancing economic and social rights in the EuroMed region, Bruxelles, 2016.
[6] Déclaration de la société civile, À l’occasion du vote au Parlement européen sur l’ouverture des négociations d’un Accord de Libre-Echange entre la Tunisie et l’UE le 15 février 2016, signée par 28 organisations.
[7] Mahjoub, A. & Saadaoui, Z., Impact de l’Accord de libre-échange complet et approfondi sur les droits économiques et sociaux en Tunisie, Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, mai 2015, p.18
[8] Notamment les normes sanitaires et phytosanitaires, la propriété intellectuelle, la concurrence, les marchés publics.
[9] Commission Européenne « Le Commerce pour Tous », 2015, p 12
[10] Commission Européenne, « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », 2006, p. 6-7 ; Commission Européenne « Le Commerce pour Tous », 2015, p.9
[11] Ibid.
[12] Observatoire Tunisien de l’Economie, « Relations commerciales : la Tunisie s’émancipe-t-elle de l’Union Européenne ? », Datanalysis n°15, 23 mars 2018
[13] Des ALECA ont été négociés avec des pays d’Europe de l’est (Ukraine, Moldavie, Géorgie) et méditerranéens (le Maroc a commencé la négociation d’un ALECA avant la Tunisie, des contacts ont été établis avec l’Egypte et la Jordanie). Les autres pays ou régions prioritaires sont notamment les pays d’Afrique sub-saharienne et l’Inde, le Brésil, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique centrale.
[14] Brigit Mahnkopf, « From Barcelona to the policies of the neighbourhood », dans Gisela Baumgratz et al., Le développement à travers le libre-échange, P.I.E Peter Lang, Bruxelles, 2017 ; Commission Européenne, 2006, op. cit.
[15] L’Union Européenne a placé la Tunisie sur sa liste noire des paradis fiscaux le 5 décembre 2017, et le 7 février 2018 sur la liste noire du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. En dépit de certaines failles de l’administration tunisiennes sur ces deux sujets, ces décisions controversées ont été vues comme politiques par de nombreux observateurs. Voir par exemple https://inkyfada.com/2017/12/
[16] Voir par exemple l’interview de l’Eurodéputée MC. Vergiat : http://nawaat.org/portail/
[17] A la fois dans le cadre de l’Assistance Macro-financière et de la Politique de voisinage. Voir sur ce dernier point EuroMed Rights, Report: Advancing economic and social rights in the EuroMed region, Bruxelles, 2016, p.9-10.
[18] Observatoire Tunisien de l’Economie, « Bilan du soutien européen temporaire aux exportations d’huile d’olive tunisienne », Briefing Paper n°5, 5 avril 2018
[19] « Les services représentent un autre secteur dont l’impact économique est important. Dans ce secteur travaillent des professionnels étrangers hautement qualifiés, bien formés, qui doivent se rendre dans l’Union pour de brefs séjours afin de fournir des services à des entreprises ou à des entités publiques. La Commission examinera les pistes envisageables pour offrir une sécurité juridique à ces catégories de personnes, ainsi que pour renforcer la position de l’Union afin qu’elle soit en mesure d’exiger une réciprocité lorsqu’elle négocie des accords de libre-échange (ALE). » https://ec.europa.eu/home-
[20] http://www.migreurop.org/
[21] «L’Europe rivalise avec d’autres économies pour attirer les travailleurs possédant les compétences dont elle a besoin. L’évolution des compétences requises par l’UE entre 2012 et2025 devrait se traduire par une nette hausse (de 23%) de la proportion d’emplois destinés à une main-d’œuvre diplômée de l’enseignement supérieur. Or, une pénurie de main-d’œuvre est déjà observée dans des secteurs clés comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les soins de santé. En effet, sa population est vieillissante et son économie dépend de plus en plus des emplois hautement qualifiés. » https://ec.europa.eu/home-
[22] « Les services représentent un autre secteur dont l’impact économique est important. Dans ce secteur travaillent des professionnels étrangers hautement qualifiés, bien formés, qui doivent se rendre dans l’Union pour de brefs séjours afin de fournir des services à des entreprises ou à des entités publiques. La Commission examinera les pistes envisageables pour offrir une sécurité juridique à ces catégories de personnes » ; https://ec.europa.eu/home-
[23] Rapport OTE, Chafik Ben Rouine, «L’hémorragie des diplômés du supérieur », data analysis n°14, 2018. http://www.economie-tunisie.
[24] Accord tuniso-français sur l’échange de jeunes professionnels (2003) convention de main-d’œuvre entre la tunisie et la France (1963) accord tuniso-italien pour l’emploi des travailleurs saisonnier (2000), in « Lemma, projet de soutien au Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie. Retour et réinsertion en Tunisie : environnement économique et social, cadre juridique et institutionnel », OFII, Expertise France, 2017, p.22 (https://lemma.tn/wpcontent/
[25] Accord tuniso-allemand de mars 2017 relatif au « retour volontaire, la réintégration socio-économique et le développement solidaire ».
[26] Accord tuniso-suisse en matière d’échange des jeunes professionnels (2012), Accord tuniso-français sur l’échange de jeunes professionnels (2003) in « Lemma, projet de soutien au Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie. Retour et réinsertion en Tunisie : environnement économique et social, cadre juridique et institutionnel », OFII, Expertise France, 2017, p.22 (https://lemma.tn/wp-content/
[27] En comparaison des accords de facilitation des visas négociés avec l’Azerbaïdjan, l’Arménie et le Cap-Vert en 2014.
[28] En 2014, les transferts de fonds depuis des Tunisiens Résidant à l’Etranger (TRE) ont représentés 3 984 millions de dinars, soit 4.75% du PIB tunisien de l’année 2013. Office des tunisiens à l’étranger (2014), « données statistiques sur les tunisiens résidents à l’étranger, année 2014 », publication de la direction des études et de l’informatique. Stratégie Nationale Migratoire préliminaire, Juillet 2015.
[29] Voir par exemple « La commission européenne durcit sa politique de visa schengen », Tunisie Visa Info (Source : 24heures.ch), publié le 14 mars 2018, consulté le 11 avril 2018. http://tunisievisa.info/
[30] Voir par exemple « L’Europe enterre le droit d’asile », Le Monde Diplomatique, mars 2004, consulté le 11 avril 2018. https://www.monde-
[31] Voir par exemple Migreurop, Agenda de l’Union Européenne 2004 – 2005, consulté le 11 avril 2018. http://www.migreurop.org/
[32] Ibid.
[33] « Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions : un agenda européen en matière de migration »,
Bruxelles, le 13.5.2015 com(2015) 240 final un agenda européen en matière de migration
[34] Ibid.
[35] Par exemple, 50 personnes meurent, le 6 novembre 2017, suite à l’intervention violente des garde-côtes libyens alors que l’ONG Sea Watch menait une opération de sauvetage. En détail, voir Amnesty international, Libya’s dark web of collusion, 2017 https://www.amnesty.org/fr/
[36] En mars 2014 la Tunisie signait le début des négociations dans le cadre du « partenariat pour la mobilité », comme l’avait signé le Maroc en Juin 2013 en même temps que la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie ou encore l’Azerbaïdjan. http://www.lemonde.fr/societe/
[37] Voir par exemple Migreurop, Agenda de l’Union Européenne 2004 – 2005, consulté le 11 avril 2018. http://www.migreurop.org/
EU-Tunisia negotiations: Free trade without trading freedoms?
EU-Tunisia negotiations: Free trade without trading freedoms?
By: Marco Jonville (Volontaire “ALECA et justice environnementale” FTDES)
Valentin Bonnefoy: Chargé de mission “Initiative pour une Justice Migratoire (IJM)” FTDES
Spring 2018 is about to see two fundamental negotiations for Tunisia conducted between representatives of Tunisia and the European Union (EU). First, during the week of April the 17th, negotiations will be held on the readmission of migrants and the facilitation of visa applications for a small number of Tunisian men and women. Secondly during the month of May, discussions will deal with the conditions of trade between Tunisia and the European Union with the aim of signing the DCFTA (Deep and Comprehensive Free Trade Agreement).
Carried out in the same time frame, these negotiations were linked following a Tunisian request: the fear was that freer movement of goods, financial flows and services would not mean freer movement of people.
These negotiations commit Tunisia for decades to come. They may change the economic and social structure of the country. The 1995 Association Agreement, which opened the industrial sector to competition, has been criticised for its consequences, which continue up to nowadays[1]. To identify what strategies are carried out in these negotiations, we analyze here what the European Union is aiming at, what they expect to gain and how they intend to negotiate. Our aim is to anticipate the results and consequences over the long term, so as not to suffer unwanted repercussions in the future.
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Increasing trade flows: a final purpose?
With the DCFTA, the EU offers Tunisia to sign an international treaty[2] to further open its economy: for goods, services and capital. Such an opening would affect all sectors of the economy, including agriculture. Customs duties would be put to an end and Tunisia would have to adjust and ultimately adopt EU standards so that its economy fully competes with European ones.
Forecasted risks for the economic and social rights of Tunisian citizens
The DCFTA project risks to undermine Tunisian citizens’ economic and social rights for a number of reasons. In particular, many jobs may be lost in agriculture and services. Similarly, competition in the agricultural sector could threaten food security by increasing import dependence on cereals, which are the basis of Tunisia’s food habits.
Besides, loss of State budgetary resources (linked to the reduction in customs duties) will result either in less social and development expenditure or in tax increases. And if no specific provision is made, investment is likely to concentrate in the north-east of the country, deepening social and territorial inequalities.
Finally, the very well-being and health of citizens are threatened. Intellectual property measures could restrict access to medicines. The project is also likely to provide special jurisdiction for investors in the form of privation arbitration tribunals. That is, they would have the possibility to directly attack the Tunisian State if they consider that a law or a measure threatens their investments[3]. Hence, measures to protect the environment or public health, for instance, may not be adopted or implemented[4] because of such a disposition.
Uncertain benefits for Tunisia
In return for Tunisia’s openness, the EU promises economic development, through better access to the European market, internationally recognised standards, and more investment in Tunisia. However, 20 years after the 1995 Association Agreement, which initiated a free trade zone on industrial products, the Tunisian industry is in great difficulty[5]. As a consequence, brutally removing the State’s protection from the service sector, the main sector in Tunisia, could seriously damage it, having a negative impact on jobs. Even if the removal of barriers is done gradually, both civil society organisations and trade unions, and even employers are worried[6]. We may indeed underline that the competitiveness of the Tunisian economy is much lower than that of the European economy. In the agricultural sector, it is even 7 times less[7].
Two other elements reflect this inequality between the two parties. First, the EU suggests that Tunisia adopt European norms and standards in various fields[8]. Such a change in standards will have a cost, which will have to be borne solely by Tunisia when European companies will not have any effort to make. And these standards, designed for Europe, are not necessarily adapted to Tunisia. On the other hand, the DCFTA project would allow service providers or investors to come directly to Tunisia freely, whereas Tunisians must systematically go through a visa application procedure. However, in its 2015 trade strategy, “Trade for All”, the European Commission states that “to engage in international trade in services, companies must establish markets abroad in order to serve new local customers”[9]. This means that it is very important for Europeans that their service providers can come and settle in other countries. But is not possible for Tunisian service providers to travel to Europe without going through visa application procedures with an uncertain outcome, a blatant inequality both in terms of freedom and economic opportunities that the DCFTA do not plan to correct.
In these respects, the project does not seem to benefit Tunisia in the immediate future but rather to serve the interests of European companies, or even to further deteriorate certain aspects of the Tunisian economy. How did the EU come to the point where Tunisia agreed to discuss such a proposal?
The European offer: an aggressive commercial strategy
This offer is part of an EU global commercial strategy. It looks at accessing to cheaper imports, to export more[10]. Besides, making barriers fall and harmonising standards aim to consolidate the position of major European multinationals, in competition with new powers such as China[11]. Indeed, Tunisia’s imports have become increasingly less dependent on European products in recent years, replaced by products from China and Turkey[12], as is the case in many other African countries. The EU is therefore not only proposing this agreement to Tunisia, but to many States and regions of the world[13].
For many years and until today, the ultimate goal of the European commercial strategy is to ensure access to key resources such as energy and other raw materials at lower cost on one hand; and on the other hand, to be able to export better, especially in the services sector, the most important in Europe, by eliminating most of other economies’ protections[14]. Thus, the EU’s objective in these negotiations is to be able to invest the Tunisian market, to confront it with very strong competition from the European market and thus essentially to take advantage of its technological and competitive advancement in trade with Tunisia.
European negotiating methods: pressurize and serve your own interests
In order to negotiate the DCFTA, but also to control migratory movements, the EU uses various means to obtain agreements that correspond to its interests.
The recent – and controversial – black list cases[15] could be analysed as pressure tactics to move the negotiations forward[16]. Similarly, after an exceptional year of olive oil production in 2017-2018, Tunisia has requested an additional duty-free quota to export more oil to Europe. But it was denied, although such a quota had existed for the previous two years[17]. Moreover, the EU partly finances the Tunisian State budget, and imposes conditions, meaning that the Union demands reforms in exchange for its financing[18]. Tunisia can hardly refuse the negotiations proposed by the EU. In view of the economic and public finances conditions, it cannot risk seeing European funding reduced. Blackmail therefore has every chance of working.
In the same vein, the EU puts pressure on the granting of visas for Tunisians in order to pursue its migration policy. While mobility is essential for Tunisians, to establish commercial relations in Europe, to visit family members, or simply to come on holiday, access to European territory is filtered by a restrictive, security-oriented policy.
In terms of people’s mobility, the EU is therefore seeking the same control. If freedom for goods, services and capital is announced by the EU with the DCFTA, it is not the same for people. The EU is negotiating two treaties with Tunisia, which serve to better control borders and select those that cross them: a so-called readmission agreement and a visa facilitation agreement in the framework of the mobility partnership negotiations.
One-way freedoms
In theory, international relations are governed by the principle of reciprocity[19] between States, which should negotiate on an equal footing. However, freedom of movement between the European Union and Tunisia is far from equal. Today, “visa facilitation” serves as a bargaining chip to better negotiate readmission agreements, objectives of the Member States and the European Union since the early 2000s[20], when the latter began “externalising its borders”.
The lure of visa “facilitation”
While the European Union has built itself by establishing a common market based on free trade and free movement, it has tried to isolate the issue of the mobility of people from the rest of the negotiations. Tunisia systematically grants Europeans a three-month visa as soon as they enter its territory. But for Tunisians, how could we talk about “facilitation” when the visa application process has only become more complex since the creation of the Schengen area?
Within the framework of free trade, the EU organizes a brain drain[21]. On the one hand, the EU facilitates immigration for a Tunisian elite which constitutes an enrichment in grey matter, serving Europe’s economic interests[22]. On the other hand, the number of Tunisian graduates fell by 25% between 2010 and 2016[23], exacerbating the loss of competencies. The “brain drain” phenomenon is not recent but it is particularly strategic in the framework of these DCFTA and Mobility Partnership negotiations. Besides, very little has been planned to allow the mobility of non-managerial or low-skilled workers, creating both a discrimination and a loss of economic opportunities. One can observe that labour migration clauses are often more present in bilateral agreements than in Mobility Partnerships covering the whole of the EU. Indeed, migration remains an important subject of discord between the various Member States of the European Union.
In the past, agreements on seasonal workers[24] were signed with various EU member countries. Circular and seasonal migration was promoted in the 1960s by European states to fill a large demand for labour. Until the 2000s, these migrations were accepted before being ruled out. Priority is indeed given to “readmission agreements” and return dynamics[25] or only to agreements facilitating the stay of some “young professionals”[26], to whom Tunisia has devoted a significant part of its public funds for university training. When comparing visa facilitation agreements in the framework of Mobility Partnerships already signed with other countries[27], the EU only facilitates visas for the most qualified and trained students, researchers, business leaders, investors or some members of civil society. Such an agreement would therefore further increase mobility inequalities between different social classes.
Moreover, the substantial share of remittances from emigrants to their families in the Tunisian economy is not negligible. It is comparable to the amounts of “development aid” and represented 4.75% of Tunisian GDP in 2014[28]. The way in which global wealth is distributed as a result of international migration is thus paralysed when migration is intended to be contained by States.
The regional migration context is characterized by a double dynamic. In the north of the Mediterranean Sea, a popular phobia of migration has spread, particularly following attacks on European territory – although the majority of them were carried out by Europeans – but also stimulated by manipulation of this phobia by numerous political representatives. In the southern Mediterranean Sea, the economic and social situation has tended to deteriorate, and a feeling of suffocation and disillusionment has been felt among Tunisian youth. They tend to leave the country more and more systematically, by legal means for the elites or by non-regulatory means for those whose visa applications have been refused. The EU therefore proposes legal expulsion mechanisms, officially called “readmission agreements”, to remedy irregular immigration, which it tends to criminalise.
When free trade restricts the movement of people
Indeed, in order to combat illegal immigration, the EU wishes to put pressure on the granting of visas. Dimitris Avramopoulos, European Commissioner for Migration, proposed on 14 March 2018 “to tighten the conditions for granting visas to partner countries that do not cooperate sufficiently in the framework of readmission”[29]. By signing these “readmission agreements”, the Tunisian State would have to unconditionally accept the expulsion of its nationals, or even of non-nationals who have transited through Tunisia, from the European Union to its territory.
Since the Amsterdam Treaty in 1997, the cornerstone of discussions between EU Member States has been the common migration policy[30]. A strategy of borders externalisation to third countries was then put in place. Never expressed in a clear way, this “externalisation policy” can nevertheless be spotted through a specific language. Through ambivalent formulas such as the “European neighbourhood policy”, the “strengthening of protection aid in countries of first asylum”, the “partnerships with third countries and transit countries”, or even the “distribution of responsibilities with regions of origin”[31]… For instance, the “safe third country” label allows European member states to simplify the expulsion of nationals of these countries or third countries from the EU[32].
Reading the European Commission’s agenda on migration, it is clear that Member States are under pressure to step up “actions so that third countries fulfil their obligation to readmit their nationals”[33]. In addition, the EU plans to negotiate the expulsion of non-Tunisian migrants to Tunisia, based on the grounds that they would have transited through that country and taken a boat to join Europe. In order to complete the project of externalising European borders, the European Commission reveals that “the objective to be achieved would consist in promoting greater border security but also in strengthening the capacities of North African countries to intervene and save the lives of migrants in distress”[34]. Some European Governments have already concluded this type of capacity-building agreement with the coastguard, in particular with the Libyan authorities. Despite frequent human rights violations, they therefore relocate border management outside their territory[35].
Finally, to reduce the cost of expulsions and make them more systematic, “readmission agreements” are negotiated with third countries such as Tunisia or Morocco[36]. As early as 2005, “250 million euros had been released over 4 years” by the European Commission to enable the negotiation of these “readmission agreements”[37], highlighting the priority aspect of this issue for the EU.
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In conclusion, the negotiations that Europe is conducting in Tunisia respond to two of its obsessions: remain the major player in international trade and control who can access its territory. On both topics, the same logic is applied, and the EU is not taking any risks. By promising small improvements – some categories of Tunisian citizens will go more easily to Europe, some sectors will be able to export more – the EU essentially serves its direct interests, to the detriment of the reciprocity of the positive spinoffs.
However, how could such negotiations improve the economic and social situation in Tunisia? 7 years after the revolution, Tunisia is still in reconstruction process. The operating balances have not yet been found, constitutional reforms have not been completed. It therefore seems premature to engage in such changes, and these negotiations should be taken with great caution and patience.
In fact, for the Mobility Partnership negotiations, “readmission agreements” involve very important responsibilities with regard to the expulsions of Tunisians or persons from third countries having transited a priori through Tunisian territory before leaving for Europe. In exchange, the EU would only propose a slight facilitation of visas for a Tunisian elite already favoured in the visa granting process, and whose stays outside the territory also represent an advantage for European interests. This timid step forward contrasts with the systematic granting of three-month visas for European nationals arriving in Tunisia.
As far as the DCFTA is concerned, the advantages for the economy of the European area are obvious in terms of the acquisition of new public contracts for European service providers, a probable domination of competition from European multinationals or SMEs on the Tunisian economic fabric or new outlets in terms of consumers of European goods and services. On the other hand, Tunisia, for its part, is in danger of experiencing:
- job losses in agriculture, particularly due to strong competition from a European agri-food sector heavily subsidised by the CAP;
- a likely loss of jobs in the service sector;
- a possible increase in the consumption of its scarce water resources for farms that will have to be more competitive by increasing the intensity of their production;
- or a loss of tax revenue on imports and exports which no longer allows the State to implement public service policies nor to reduce regional inequalities.
In addition to the unbalanced balance of power in these negotiations between a country of 11 million inhabitants with a still very fragile economy which is under reconstruction and a Union of 500 million inhabitants which is the leading trading power in the world, the EU is imposing pressure so that the terms of the agreements are difficult to negotiate for Tunisia. It has been shown that the conditionality of development aid implies that Tunisia, in order to obtain public funding from the Union, must agree to implement certain measures or reforms that the State would not necessarily have undertaken otherwise.
The negotiations therefore seem to go through an unfavourable path for Tunisia. To get out of it, we propose to fully link the issues of mobility and trade, in a broader partnership that starts from Tunisia’s priorities, and not those of the European Union. We therefore propose some orientations and avenues for reflection:
- on mobility of people (week of 16 April):
- This partnership should allow reciprocal conditions of circulation between the citizens of the two shores of the Mediterranean;
- include the facilitation of mobility of non-managerial workers (circular, seasonal migration, etc.);
- and more reciprocity in visa policies.
- On economic and trade relations (May):
- This partnership should identify what actions would really enable Tunisia to guarantee jobs, in particular for young graduates and inland regions;
- Through technology transfers, a deep scientific cooperation it should allow a better quality of Tunisian products;
- Through the orientation towards an agro-ecological model, it should develop an agriculture adapted to the changing climatic conditions, to the scarcity of water and allowing to feed the Tunisian population in a large part;
- It should not allow through arbitration tribunals to call into question the sovereignty of the Tunisian State vis-à-vis the interests of foreign multinationals.
[1] See for instance Bedoui, A., Mongi, M., 2016, Evaluation du partenariat entre l’Union européenne et la Tunisie, Fondation Rosa Luxembourg, Tunis, 2016 ; EuroMed Rights, Report: Advancing economic and social rights in the EuroMed region, Bruxelles, 2016; and « 10 ans après l’échec du libre-échange avec l’UE », Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) website https://ftdes.net/fr/10-ans-apres-lechec-du-libre-echange-avec-lue/
[2] Which means it has a higher value than common law but has to fit within the Constitution.
[3] The dispute is then arbitrated by private business law firms, which are criticized for their bias. Indeed, it often happens that they defend companies in one case and are “arbitrators” in another, with an obvious conflict of interest.
[4] Consequences on people’s economic and social rights have been especially studied in Mahjoub, A. & Saadaoui, Z., Impact de l’Accord de libre-échange complet et approfondi sur les droits économiques et sociaux en Tunisie, Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, mai 2015
[5] Bedoui, A., Mongi, M., 2016, Evaluation du partenariat entre l’Union européenne et la Tunisie, Fondation Rosa Luxembourg, Tunis, 2016
[6] Civil society declaration, À l’occasion du vote au Parlement européen sur l’ouverture des négociations d’un Accord de Libre-Echange entre la Tunisie et l’UE le 15 février 2016, signed by 28 organisations.
[7] Mahjoub, A. & Saadaoui, Z., Impact de l’Accord de libre-échange complet et approfondi sur les droits économiques et sociaux en Tunisie, Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, mai 2015, p.18
[8] In particular sanitary and phytosanitary standards, intellectual property, competition, public procurement.
[9] European Commission « Trade for All », 2015, p 12
[10] European Commission “A competitive Europe in a glabal economy”, 2006, p6-7; European Commission « Trade for All », 2015, p.9
[11] Ibid.
[12] Observatoire Tunisien de l’Economie, « Relations commerciales : la Tunisie s’émancipe-t-elle de l’Union Européenne ? », Datanalysis n°15, 23 mars 2018
[13] DCFTA’s have been negotiated with countries in Eastern Europe (Ukraine, Moldova, Georgia) and the Mediterranean (Morocco started negotiating an ALECA before Tunisia, contacts have been established with Egypt and Jordan). Other priority countries or regions include countries in sub-Saharan Africa and India, Brazil, South-East Asia or Central America.
[14] Brigit Mahnkopf, « From Barcelona to the policies of the neighbourhood », in Gisela Baumgratz et al., Le développement à travers le libre-échange, P.I.E Peter Lang, Bruxelles, 2017 ; Commission Européenne, 2006, op. cit.
[15] The European Union placed Tunisia on its black list of tax heavens on 5 December 2017, and on 7 February 2018 on the black list of money laundering and terrorist financing. Despite some flaws in the Tunisian administration on these two issues, these controversial decisions have been seen as political by many observers. See for example https://inkyfada.com/2017/12/tunisie-liste-noire-union-europeenne/
[16] See for instance the European Deputy MC. Vergiat’s interview: http://nawaat.org/portail/2018/02/28/liste-noire-libre-echange-interview-avec-m-c-vergiat-deputee-europeenne-en-visite-a-tunis/
[17] Observatoire Tunisien de l’Economie, « Bilan du soutien européen temporaire aux exportations d’huile d’olive tunisienne », Briefing paper n°5, 5 avril 2018
[18] Both within the frame of the Macro Financial Assistance and the Neighborhood policy. On this last point, see EuroMed Rights, Report: Advancing economic and social rights in the EuroMed region, Bruxelles, 2016, p.9-10.
[19] « Les services représentent un autre secteur dont l’impact économique est important. Dans ce secteur travaillent des professionnels étrangers hautement qualifiés, bien formés, qui doivent se rendre dans l’Union pour de brefs séjours afin de fournir des services à des entreprises ou à des entités publiques. La Commission examinera les pistes envisageables pour offrir une sécurité juridique à ces catégories de personnes, ainsi que pour renforcer la position de l’Union afin qu’elle soit en mesure d’exiger une réciprocité lorsqu’elle négocie des accords de libre-échange (ALE). » https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/background-information/docs/communication_on_the_european_agenda_on_migration_fr.pdf
[20] http://www.migreurop.org/article963.html
[21] « L’Europe rivalise avec d’autres économies pour attirer les travailleurs possédant les compétences dont elle a besoin. L’évolution des compétences requises par l’UE entre 2012 et 2025 devrait se traduire par une nette hausse (de 23%) de la proportion d’emplois destinés à une main-d’œuvre diplômée de l’enseignement supérieur. Or, une pénurie de main-d’œuvre est déjà observée dans des secteurs clés comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les soins de santé. En effet, sa population est vieillissante et son économie dépend de plus en plus des emplois hautement qualifiés. » https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/background-information/docs/communication_on_the_european_agenda_on_migration_fr.pdf
[22]« Les services représentent un autre secteur dont l’impact économique est important. Dans ce secteur travaillent des professionnels étrangers hautement qualifiés, bien formés, qui doivent se rendre dans l’Union pour de brefs séjours afin de fournir des services à des entreprises ou à des entités publiques. La Commission examinera les pistes envisageables pour offrir une sécurité juridique à ces catégories de personnes » ; https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/background-information/docs/communication_on_the_european_agenda_on_migration_fr.pdf
[23] OTE Report, Chafik Ben Rouine, « L’hémorragie des diplômés du supérieur », data analysis n°14, 2018. http://www.economie-tunisie.org/fr/observatoire/infoeconomics/l%E2%80%99h%C3%A9morragie-des-dipl%C3%B4m%C3%A9s-du-sup%C3%A9rieur
[24] Tunisian-French agreement on the exchange of young professionals (2003), labor convention between Tunisia and France (1963) Tunisian-Italian agreement for the employment of seasonal workers (2000), in « Lemma, projet de soutien au Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie. Retour et réinsertion en Tunisie : environnement économique et social, cadre juridique et institutionnel », OFII, Expertise France, 2017, p.22 (https://lemma.tn/wpcontent/uploads/2017/12/Rapport_EnvironnementRetourTn_LemmaOfii_2017.pdf).
[25]Tunisian-German agreement of March 2017 on “voluntary return, socio-economic reintegration and development in solidarity”.
[26] Tunisian-Swiss agreement on the exchange of young professionals (2012), Tunisian-French agreement on the exchange of young professionals (2003) in « Lemma, projet de soutien au Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie. Retour et réinsertion en Tunisie : environnement économique et social, cadre juridique et institutionnel », OFII, Expertise France, 2017, p.22 (https://lemma.tn/wp-content/uploads/2017/12/Rapport_EnvironnementRetourTn_LemmaOfii_2017.pdf).
[27] Comparing visa facilitation agreements of the EU with Azerbaïdjan, Armenia and Cabo Verde, all of whom signed in 2014.
[28] In 2014, money transfers from Tunisians living abroad amounted to 3 984 millions of dinars, or 4.75% of the 2013 tunisian GDP. Office des tunisiens à l’étranger (2014), « données statistiques sur les tunisiens résidents à l’étranger, année 2014 », publication of the direction des études et de l’informatique. Stratégie Nationale Migratoire préliminaire, Juillet 2015
[29] « La commission européenne durcit sa politique de visa schengen », Tunisie Visa Info (Source : 24heures.ch), publié le 14 mars 2018, consulté le 11 avril 2018. http://tunisievisa.info/actualites/la-commission-europeenne-durcit-sa-politique-de-visa-schengen/#
[30] See for instance « L’Europe enterre le droit d’asile », Le Monde Diplomatique, mars 2004, consulté le 11 avril 2018. https://www.monde-diplomatique.fr/2004/03/MORICE/11059
[31] See for instance Migreurop, « Agenda de l’Union Européenne 2004 – 2005 », accessed 11 April 2018. http://www.migreurop.org/article963.html
[32] Ibid.
[33] « Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions : un agenda européen en matière de migration », Bruxelles, le 13.5.2015 com(2015/240) https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/background-information/docs/communication_on_the_european_agenda_on_migration_fr.pdf
[34] Ibid.
[35] Notably, 50 people died on 6 November 2017, following the violent intervention of libyan cost guards, while a saving operation was led by the NGO Sea. For a deeper insight, see Amnesty international, Libya’s dark web of collusion, 2017 https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2017/12/libya-european-governments-complicit-in-horrific-abuse-of-refugees-and-migrants/
[36] In March 2014 Tunisia signed a declaration that launched « Mobility Partnership » negotiations, like Morocco, as well as Moldova, Georgia, Armenia or Azerbaidjan did in June 2013. http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/03/03/l-union-europeenne-signe-un-accord-sur-l-immigration-avec-la-tunisie_4376841_3224.html
[37] See for instance Migreurop, « Agenda de l’Union Européenne 2004 – 2005 », accessed 11 April 2018. http://www.migreurop.org/article963.html
Le peuple du bassin minier n’a pas renoncé à ses rêves de justice sociale
« Cette révolution était portée par des aspirations sociales »
Cette répression n’étonne pas Fahem Boukadous, rédacteur en chef de Mines FM, une station de radio qui émet sur la région. Il était, en 2008, l’un des rares journalistes à couvrir la révolte populaire. Cela lui avait valu une condamnation à quatre ans de prison. Après une année de clandestinité, il a passé sept mois dans les geôles de Ben Ali, avant d’être libéré en janvier 2011. « Certains ont voulu réduire la révolution tunisienne à une révolution politique, comme celles qui ont éclaté dans les pays de l’Est à partir de 1989. Ceux-là pensent que la page doit se tourner, après l’adoption de la Constitution. Je pense au contraire que cette révolution était portée par des aspirations sociales. Ici nous poursuivons les luttes pour réaliser les objectifs de justice sociale qui en étaient le moteur », tranche le journaliste.Dans les vastes locaux de l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), à Gafsa, on observe le jeu électoral avec prudence. « Nous nous tenons à la même distance de tous les partis pour préserver le rôle de médiateur de la centrale syndicale, explique Mohamed Miraoui, le secrétaire général de l’Union régionale. Si l’UGTT n’avait pas imposé le dialogue national qui a permis de mettre des adversaires politiques autour d’une même table, le pays aurait peut-être sombré dans le chaos, comme la Libye voisine. » Cette neutralité affichée n’empêche pas le dirigeant syndical de porter un regard sévère sur le bilan de la troïka, la coalition issue des élections de 2011, dominée par Ennahdha. « Sur le plan politique et démocratique, la situation s’est améliorée, mais, sur le plan social et économique, c’est un désastre », soupire-t-il. Depuis les bureaux voisins du Front populaire s’échappe une mélopée de la Libanaise Fayrouz. Les militants montent le son pour couvrir les chants religieux qui rythment les distributions de tracts des islamistes sur l’artère principale. Le candidat de la coalition de gauche, Amar Amroussi, reçoit le soutien de Hamma Hammami. Jadis traqué par la police de Ben Ali, le porte-parole du Front populaire, en tournée dans le Sud, ne circule plus que sous étroite escorte policière, du fait de sérieuses menaces d’attentat. Autour de lui, dans la marche organisée en hommage à un militant du Front populaire tué par une grenade lacrymogène, les militants brandissent des portraits de Chokri Belaïd, assassiné le 6 février 2013.“Sur le plan démocratique, le situation s’est améliorée, mais, sur le plan social, c’est un désastre.” Mohamed Miraoui, secrétaire général de l’Union régionale UGTTÀ la sortie de Gafsa, l’interminable ruban de bitume, qui s’étire jusqu’aux mines de phosphates de Redeyef, n’est emprunté que par les camions et les pick-up chargés de citernes d’eau. Les floculants utilisés pour nettoyer les grains de phosphate ont pollué la nappe phréatique, ce qui contraint les habitants de la région à de lourdes dépenses pour s’approvisionner en eau potable. Les plus modestes ont la dentition rongée par l’eau souillée. La prévalence des cancers et des maladies respiratoires est préoccupante mais jamais aucune étude épidémiologique sérieuse n’a été conduite par l’État. Au pied de la mine, Redeyef affiche sa méfiance envers les partis politiques. La mémoire de luttes de la cité minière se déploie en fresques colorées, au fil de rues défoncées, asphyxiées par une malsaine poussière. Figure du soulèvement populaire de 2008, Adnène Hajji a constitué une liste indépendante. Dans les locaux du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux du bassin minier, il se dit « mécontent des partis qui imposent leurs programmes politiques sans écouter les citoyens ». « Depuis 2011, il n’y a pas eu de vrai changement, pas d’avancées sociales pour les classes populaires. Les têtes ont changé, mais pas les politiques libérales », s’emporte-t-il. Seule industrie et principal employeur de la région, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) aiguise les appétits : une délégation d’une trentaine d’entreprises françaises opérant dans le secteur minier est attendue le 18 novembre à Tunis pour entamer des discussions avec les dirigeants de la CPG en vue de « nouer des partenariats » avec l’entreprise publique tunisienne. Les attentes sociales du peuple du bassin minier ne figurent pas au programme de cette visite.
Termes de référence d’une étude sur l’intégration maghrébine
Rapport: Un traitement injuste et arbitraire du dossier des travailleurs des chantiers
FTDES : l’emploi au cœur des mouvements de protestation
A ces autres causes de revendications sont : la protection de l’environnement, les services de santé, l’aménagement de l’infrastructure, l’amélioration des conditions du logement et de l’habitat, le développement régional, la lutte contre le racisme, la pénurie d’eau et lutte contre la manipulation de la loi.
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A ces autres causes de revendications sont : la protection de l’environnement, les services de santé, l’aménagement de l’infrastructure, l’amélioration des conditions du logement et de l’habitat, le développement régional, la lutte contre le racisme, la pénurie d’eau et lutte contre la manipulation de la loi.
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– See more at: http://www.leconomistemaghrebin.com/2014/04/03/ftdes-emploi-protestation/#sthash.ZZ5Xi4PS.dpufLe peuple du bassin minier n’a pas renoncé à ses rêves de justice sociale
« Cette révolution était portée par des aspirations sociales »
Cette répression n’étonne pas Fahem Boukadous, rédacteur en chef de Mines FM, une station de radio qui émet sur la région. Il était, en 2008, l’un des rares journalistes à couvrir la révolte populaire. Cela lui avait valu une condamnation à quatre ans de prison. Après une année de clandestinité, il a passé sept mois dans les geôles de Ben Ali, avant d’être libéré en janvier 2011. « Certains ont voulu réduire la révolution tunisienne à une révolution politique, comme celles qui ont éclaté dans les pays de l’Est à partir de 1989. Ceux-là pensent que la page doit se tourner, après l’adoption de la Constitution. Je pense au contraire que cette révolution était portée par des aspirations sociales. Ici nous poursuivons les luttes pour réaliser les objectifs de justice sociale qui en étaient le moteur », tranche le journaliste.Dans les vastes locaux de l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), à Gafsa, on observe le jeu électoral avec prudence. « Nous nous tenons à la même distance de tous les partis pour préserver le rôle de médiateur de la centrale syndicale, explique Mohamed Miraoui, le secrétaire général de l’Union régionale. Si l’UGTT n’avait pas imposé le dialogue national qui a permis de mettre des adversaires politiques autour d’une même table, le pays aurait peut-être sombré dans le chaos, comme la Libye voisine. » Cette neutralité affichée n’empêche pas le dirigeant syndical de porter un regard sévère sur le bilan de la troïka, la coalition issue des élections de 2011, dominée par Ennahdha. « Sur le plan politique et démocratique, la situation s’est améliorée, mais, sur le plan social et économique, c’est un désastre », soupire-t-il. Depuis les bureaux voisins du Front populaire s’échappe une mélopée de la Libanaise Fayrouz. Les militants montent le son pour couvrir les chants religieux qui rythment les distributions de tracts des islamistes sur l’artère principale. Le candidat de la coalition de gauche, Amar Amroussi, reçoit le soutien de Hamma Hammami. Jadis traqué par la police de Ben Ali, le porte-parole du Front populaire, en tournée dans le Sud, ne circule plus que sous étroite escorte policière, du fait de sérieuses menaces d’attentat. Autour de lui, dans la marche organisée en hommage à un militant du Front populaire tué par une grenade lacrymogène, les militants brandissent des portraits de Chokri Belaïd, assassiné le 6 février 2013.“Sur le plan démocratique, le situation s’est améliorée, mais, sur le plan social, c’est un désastre.” Mohamed Miraoui, secrétaire général de l’Union régionale UGTTÀ la sortie de Gafsa, l’interminable ruban de bitume, qui s’étire jusqu’aux mines de phosphates de Redeyef, n’est emprunté que par les camions et les pick-up chargés de citernes d’eau. Les floculants utilisés pour nettoyer les grains de phosphate ont pollué la nappe phréatique, ce qui contraint les habitants de la région à de lourdes dépenses pour s’approvisionner en eau potable. Les plus modestes ont la dentition rongée par l’eau souillée. La prévalence des cancers et des maladies respiratoires est préoccupante mais jamais aucune étude épidémiologique sérieuse n’a été conduite par l’État. Au pied de la mine, Redeyef affiche sa méfiance envers les partis politiques. La mémoire de luttes de la cité minière se déploie en fresques colorées, au fil de rues défoncées, asphyxiées par une malsaine poussière. Figure du soulèvement populaire de 2008, Adnène Hajji a constitué une liste indépendante. Dans les locaux du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux du bassin minier, il se dit « mécontent des partis qui imposent leurs programmes politiques sans écouter les citoyens ». « Depuis 2011, il n’y a pas eu de vrai changement, pas d’avancées sociales pour les classes populaires. Les têtes ont changé, mais pas les politiques libérales », s’emporte-t-il. Seule industrie et principal employeur de la région, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) aiguise les appétits : une délégation d’une trentaine d’entreprises françaises opérant dans le secteur minier est attendue le 18 novembre à Tunis pour entamer des discussions avec les dirigeants de la CPG en vue de « nouer des partenariats » avec l’entreprise publique tunisienne. Les attentes sociales du peuple du bassin minier ne figurent pas au programme de cette visite.