Raouf Boulares

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    1965

    Raouf Boulares

    L’ALECA parait comme une étape logique, qui complète l’ouverture déjà existante pour une intégration plus poussée de la Tunisie dans l’économie européenne. La Tunisie a une longue expérience de relations avec l’Union Européene, et rappelons que plus de la moitié des relations commerciales se font avec l’Europe. En 2014, c’est 74,3% du total des exportations et 52,8%du total des importations. L’ALECA n’est donc pas un nouvel accord commercial mais une intégration plus profonde de l’économie tunisienne dans l’espace euro-méditerranéen.

    L’Union Européenne prétend que cet accord est le témoignage de l’importance accordée à la Tunisie et prétend qu’elle respecte le choix de la Tunisie, de son modèle de développement, et recommande l’implication de la société civile dans la contribution de la définition des priorités de négociation.

    En tant que représentant de la fédération générale de la santé, relevant de l’Union générale des travailleurs tunisiens, honoré par l’invitation d’assister à ce séminaire, mon intervention sera sous de forme de questions, en essayant de proposer notre vision sur l’accord complet et approfondi et qu’elle serait son éventuel impact sur la santé des citoyens tunisiens.

    Parmi les principes cites de l’Union Européenne, l’accord ne sera forcément pas une libéralisation, ou une privatisation mais une intégration j’aimerais comprendre et être convaincu à la fin de ce séminaire de ces propos. Dans un monde où l’une des priorités de la mondialisation est la privatisation des propriétés collectives et des affaires publiques, j’aimerais savoir comment l’économie tunisienne va pouvoir s’intégrer au fond d’une économie européenne sur le plan technologique et sur le plan concurrence ?

    On sait qu’aujourd’hui que ce serait absurde d’être partisan d’une économie fermée, mais dans le domaine de la santé on est contraint de réfléchir, de proposer des remèdes aux problèmes de la santé dans notre pays. La situation est déjà préoccupante, mais la situation s’aggrave davantage et entre le discours politique, la théorie et la réalité le fossé devient de plus en plus profond. Comment peut-on espérer une concurrence et une intégration au profit de nos citoyens ? A qui profite l’ALECA, surtout dans le domaine de la santé ?

    Rappelons d’abord que la santé est un droit. Selon la déclaration universelle des droits de l’homme, chacun doit pouvoir accéder de manière égale aux institutions, aux équipements et aux médicaments. Il ne s’agit pas d’éradiquer toutes les maladies, ou d’empêcher de les rattraper, mais il s’agit de vivre dans le meilleur état de santé possible. La santé implique une dimension sociale et démocratique, c’est une question de justice sociale, et ce n’est pas un luxe.

    En1948 l’organisation mondiale de la santé définit la santé comme “un état complet de bien-être physique, mental et social et pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité”. Où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à cette définition ?

    En 1986, l’OMS définit une liste de conditions et de ressources nécessaires à l’amélioration de la santé : le logement, l’éducation, une alimentation équilibrée, un revenu décent et durable, un écosystème stable et une justice sociale. Est-ce le cas aujourd’hui en Tunisie ?

    En 2000, le comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) détaillait les obligations des Etats en ce qui concerne le droit à la santé, dont quelques obligations minimales requérant une réalisation immédiate et non progressive. Le document contraint les pays riches à prêter assistance aux pays ayant des difficultés. Où en sommes-nous de ces obligations ?

    La santé est vitale. Pour d’autre services et d’autre biens on peut faire des choix, concernant la santé il n’y a pas de choix, l’accès aux soins n’est ni exclusif, ni divisible. La santé n’a pas de prix mais a certainement un coût, la privatisation et la marchandisation risque de mettre ce droit aux enchères, et l’expansion du secteur privé lucratif compromet les systèmes de santé du secteur public, surtout quand il se développe aux dépends de celui-ci.

    La vie a un coût, la santé a un coût, le bien être doit avoir un coût, pour un libre échange complète et approfondie avec l’Union européenne, il faut que ces coûts soient comparables, soient calculés en valeurs réelles, en prenant en considération la parité des pouvoirs d’achats, une intégration profonde stipule des systèmes de santé comparables, des technologies comparables, une infrastructure comparable ,des programmes d’aides et d’assistance sociale, de niveaux de vie et de salaires comparables. Un seul indice nous permet de constater la disparité entre le nord et le sud de la méditerranée : en Belgique, malgré le système très élaboré par rapport à la Tunisie, 15,2% des belges vivent sous le seuil de pauvreté, c’est à dire moins de 820€par mois. C’est presque l’équivalent de 2700dinars tunisien, et cela dépasse le revenu d’un professeur universitaire, alors que les prix des denrées alimentaires et des médicaments deviennent de plus en plus identiques en valeurs réelles, alors définissons d’abord le seuil de pauvreté, et mettons en œuvre les programmes de développement qui visent l’homme dans son intégrité, qui assurent le bien être de chaque individu tout en évitant les statistiques et les chiffres fraudeuses, à partir de là on pourrait envisager un accord de libre-échange complet et approfondi avec l’UE ou d’autres, d’après notre point de vue syndical.