10 ans après – L’échec du libre échange avec l’UE. Ne reproduisons pas les erreurs du passé !

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Communiqué de presse
10 ans après – L’échec du libre échange avec l’UE.
Ne reproduisons pas les erreurs du passé !

Il y a 10 ans, au 1er janvier 2008, rentrait en vigueur la Zone de Libre Echange (ZLE) entre la Tunisie et l’Union Européenne. En application de l’Accord d’Association de 1995, la suppression des droits de douane sur tous les produits manufacturiers européens entrant en Tunisie était achevée.
Il est aujourd’hui primordial de connaitre les conséquences de cette politique sur le pays. Aucune évaluation complète de l’Accord d’Association n’a été réalisée à ce jour. Nous demandons donc une évaluation indépendante et approfondie, commandée par l’Etat tunisien, sur les conséquences pour les tunisiens de l’Accord d’Association avec l’UE. Et ce par rapport aux objectifs qu’il s’était fixés, en termes de conséquences pour les droits économiques, sociaux et environnementaux, et en prenant en compte les inégalités sociales et territoriales.
D’ores et déjà, et bien que plusieurs facteurs aient influencé ces évolutions, il faut rappeler que depuis le début de la mise en œuvre de l’accord d’association :
– L’équivalent du salaire de 60 000 professeurs a été perdu à cause de la baisse des droits de douane, soit 2,4% du PIB ou 1/10eme du revenu de l’Etat. Cette baisse de revenus a été compensée par des hausses d’impôts, que les tunisiens ont directement ressentie.
– 55% du tissu industriel tunisien a été perdu entre 1996 et 2013.
– Le chômage n’a pas diminué et a explosé pour les jeunes diplômés. L’économie tunisienne s’est en effet spécialisée dans des activités à faible valeur ajoutée.

– La croissance de l’économie n’a pas dépassé le plafond des 5%.
– La ZLE n’a pas eu un impact significatif sur les exportations vers l’UE mais a significativement augmenté les importations. La balance commerciale s’est fortement dégradée.
– Les investissements étrangers se sont concentrés sur le littoral, aggravant les inégalités territoriales, sous un régime offshore permettant de rapatrier les bénéfices en Europe.

Depuis 2015, l’Union Européenne presse la Tunisie à négocier un nouveau traité de libre-échange, l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA). Cet ALECA concernerait tous les secteurs de l’économie, y compris l’agriculture, l’énergie ou les services, secteurs essentiels de l’économie tunisienne. Or ces derniers, notamment l’agriculture, ne semblent pas être en mesure de faire face à la productivité européenne, 7 fois supérieure dans le cas d’une agriculture massivement subventionnée.
Une telle ouverture pousserait la Tunisie à se spécialiser dans des produits d’exportation, et à être totalement dépendante des importations européennes. Cela pourrait signifier de nombreuses pertes d’emplois en Tunisie, alors que le chômage est un problème essentiel. D’autant que l’ouverture des marchés tunisiens aux entreprises étrangères ne sera pas soumise à l’obligation de recruter le personnel localement, de soutenir le tissu industriel local, ou encore de transférer les technologies.
L’accord donnerait aussi plus de droits aux entreprises étrangères, en conditionnant les futures politiques publiques tunisiennes à la protection de leurs investissements, au détriment de mesures de santé publique, de protection de l’environnement ou de bien-être social.
Enfin, les négociations n’incluent pas la facilitation de la libre circulation des personnes, y compris des travailleurs, alors qu’elle est à la fois un droit fondamental et indispensable pour assurer des opportunités aux tunisiens en Europe.

Le projet d’ALECA représente donc un risque pour la situation économique et sociale en Tunisie, pour les droits des citoyens tunisiens et pour la souveraineté du pays.
En ce jour anniversaire, nous alertons la société civile, les citoyens tunisiens ainsi que ses représentants à être conscients des problèmes du libre-échange, à demander une évaluation approfondie de l’Accord d’Association et à se mobiliser contre le projet d’ALECA proposé par l’Union Européenne. Nous répétons notre attachement à la souveraineté des peuples, à leur liberté, à leurs droits à la dignité, à l’emploi, à la libre circulation et à un environnement sain.

Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux
Le président
Messaoud Romdhani