La démocratie tunisienne à l’épreuve de la lutte contre le Covid-19

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Communiqué de Presse

La démocratie tunisienne à l’épreuve de la lutte contre le Covid-19

Tunis le 2 juillet 2020

A l’instar d’un grand nombre de pays, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, l’Etat tunisien a adopté de nombreuses mesures exceptionnelles, ayant un impact direct ou indirect sur les principes de l’état de droit et sur les droits humains. La récente démocratie tunisienne a donc été confrontée à un double défi : lutter contre le virus tout en préservant sa transition démocratique.

Dans ce contexte, les associations signataires ont assuré la documentation des incidences des mesures d’urgence prises par le gouvernement sur les droits humains et des dépassements liées à leur mise en œuvre. Elles publient ce jour le rapport intitulé “Deux mois de lutte contre le COVID-19 en Tunisie : Analyse en matière d’État de droit”.

Le rapport porte sur la légalité des principales mesures restrictives de liberté prises par les autorités et sur leur conformité à la Constitution ainsi qu’aux lois en vigueur.  Ces mesures ont découlées de certaines dispositions constitutionnelles, utilisées pour la première fois dans l’histoire postrévolutionnaire de la Tunisie, notamment l’activation de l’article 80 de la Constitution instaurant l’état d’exception malgré l’absence de Cour Constitutionnelle, ainsi que celle de l’article 70 permettant à l’Assemblée des Représentants du Peuple d’habilitation le Chef du Gouvernement à en adopter des décrets-lois pour une période ne dépassant pas les deux mois.

Soucieuses d’assumer leur rôle de suivi et de protection du processus de transition démocratique, et convaincues que la crise pandémique pose un sérieux défi à la construction de l’Etat de droit en Tunisie[1], notamment à cause du retard dans la mise en place des instances constitutionnelles et dans l’adoption des réformes du secteur de la justice et de la sécurité,  les associations membres de ASL, proposent plusieurs autres recommandations afin que l’Etat tunisien puisse se doter d’un cadre de réponse à de telles crises tout en préservant les droits et les libertés des citoyens  :

  • Adopter un nouveau cadre législatif organisant l’état d’urgence en tant que priorité pour protéger les droits et libertés des citoyens en conformité avec les dispositions constitutionnelles ;
  • Adopter une approche participative davantage structurée, impliquant à la fois les acteurs de la santé et des droits humains, permettant ainsi à la société civile d’apporter une contribution plus informée, et donc plus pertinente, dans le cadre des mesures prises par les autorités;
  • Assurer le respect des principes de bonne gouvernance et de transparence lors de la gestion des crises ;
  • Mettre en place la Cour constitutionnelle et les autres instances prévues par la constitution pour que l’architecture institutionnelle vienne réduire les menaces à la transition démocratique ;
  • Consolider l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature et accélérer les réformes de la justice pénale destinées à la protection des droits et libertés des citoyens.
  • Maintenir un taux de population carcérale bas en mettant en conformité les lois pénales avec la Constitution et en mettant un terme définitif à l’utilisation quasi-systématique de la détention préventive.

Les associations signataires rappellent également que l’Assemblée des Représentants du Peuple examinera les décrets-lois qui ont été adoptés au cours de la période de délégation de pouvoir, et qui sont au nombre de 34, après l’expiration de la période d’habilitation accordée par le Parlement au Chef du Gouvernement. Nos organisations se tiennent à la disposition des députés afin de partager de manière plus approfondie leurs analyses des décrets-lois en vue de leur mise en conformité avec la Constitution, et les obligations internationales de la Tunisie.

Les associations signataires : Al Bawsala, Avocats Sans Frontières, Jamaity, Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux, Organisation Mondiale Contre la Torture, Solidar-Tunisie, Psychologues du Monde – Tunisie, Mobdiun.

[1] Voir la lettre ouverte publiée le 09 Avril 2020 par 28 organisations de la société civile à l’attention du Président de la République, au Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et au Gouvernement.

 

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