La marchandisation inévitable de tous les migrant-e-s comme résultat du déni des défis structurels qui s’imposent à tous !

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FTDES – Migration / Note de doctrine

Mai 2023

La marchandisation inévitable de tous les migrant-e-s comme résultat du déni des défis structurels qui s’imposent à tous !

La position tunisienne s’aligne totalement sur le traitement sécuritaire de la migration et fait de ses bourreaux déclarés ses principaux alliés. Dénoncer la manipulation et le détournement des routes migratoires ne suffit pas ! Dénoncer la présence d’individus non déclarés sur le territoire ne suffit pas !

Les autorités tunisiennes vont être confrontées à une contradiction flagrante : pour garantir la sécurité du pays, nous allons devoir faire le choix de perdre notre souveraineté sur le territoire national. Ceci est entamé, déjà annoncé par notre partenaire italien et sera présenté comme un mal nécessaire pour financer le développement du pays et permettre son redressement. Une réalité fantasmée qui n’a de sens que pour une logique courtermiste et opportuniste, dont la faiblesse des résultats précipitera le pays dans davantage de répression.

Il suffit de se pencher sur les échéances qui accompagnent le changement climatique et le déséquilibre démographique entre les continents pour comprendre que l’Europe, comme tous les pays africains vassalisés, s’inscrivent dans une impasse politique porteuse de violence et de chaos. Le déni face au présent et l’avenir qui s’annonce relève d’une rupture entre les dirigeants et la réalité, un prestige des gens de pouvoir qui font abstraction des forces irréversibles à l’œuvre et qui nous condamne tous à l’échec.

Il est regrettable que les dynamiques migratoires soient traitées par les autorités sans profondeur des réalités structurelles. La Tunisie se voit privée d’un rôle de leadership international, géographiquement et historiquement à sa portée, en mesure d’alimenter une réflexion alternative au dogme européen qui a érigé la sécurité comme unique gage d’harmonie. En faisant le même choix que les pays d’Europe qui est celui de la peur, nous sommes témoins une fois de plus de pratiques infantilisant la population, la livrant à la manipulation et la désinformation et réduisant sa capacité à s’inventer un avenir dans un monde en changement. L’instrumentalisation du dossier migratoire est une manipulation à grande échelle qui détourne, étouffe et met sous silence les vrais enjeux qui se posent à l’échelle des sociétés.

Ce gâchis, notre organisation le FTDES le constate, l’annonce et le dénonce.

  • Nous faisons le constat que les autorités tunisiennes justifient un unilatéralisme sur fond de démagogie et de victimisation et renforcent les pratiques autoritaires. Les solutions mises en place sont amputées de l’expertise des institutions et des acteurs de la société civile engagés de longue date auprès des migrants présents en Tunisie et des tunisiens de l’étranger.
  • Nous faisons le constat de l’hypocrisie des autorités qui dit vouloir réguler la présence des migrants en Tunisie ou faciliter l’accès au marché de l’emploi des tunisiens dans les pays demandeurs, mais n’envisagent pourtant pas d’adopter une stratégie migratoire nationale gage de responsabilité, de cohérence et d’efficacité.
  • Nous faisons le constat que se prévaloir d’être un Etat de droit ne peut se limiter à l’application stricte de lois sans leur attribuer un aspect Evolutif et ne peut se satisfaire de la normalisation de pratiques administratives arbitraires. Accompagner le progrès de la société tunisienne exige le courage politique de constater son évolution et son interaction avec son environnement et d’installer un débat national, pour alimenter une vision politique et légiférer en conséquence.
  • Nous faisons le constat que les autorités mettent sous silence le fait que la réponse exclusivement sécuritaire n’offre aucune alternative à part celle du chantage entre Etats. Le pays restera tributaire du bon vouloir des pays voisins par où passent les routes migratoires avant d’atteindre la Tunisie, et de leurs intérêts propres.
  • Nous faisons le constat que les discussions en cours avec les autorités italiennes sur la coopération au niveau du contrôle des frontières et de la lutte contre le trafic livrent les eaux territoriales et le territoire tunisien à l’ingérence des forces de sécurité européennes. Le discours nationaliste des autorités tunisiennes est un discours hypocrite qui met sous silence les conséquences des choix actuels.
  • Nous faisons le constat que la campagne mise en œuvre contre les migrants a engendré davantage de violence et de vulnérabilité sans la moindre avancée concrète face aux défis qui se posent. Les prisons saturent et la peur installée par des propos déraisonnés, a davantage marginalisé des populations et précipité les départs vers l’Europe dans des embarcations de plus en plus précaires, engendrant une hausse importante des accidents et des décès.
  • Nous faisons le constat que la rhétorique de sauvetage en mer camoufle des interventions violentes punitives sans permettre le moindre contrôle citoyen. L’intolérance à la critique des autorités tunisiennes fait abstraction des dérives funestes qu’engendrent la pression crescendo sur les forces sécuritaires.
  • Nous faisons le constat qu’aucune réponse humanitaire n’est promue pour garantir des procédures d’identification des victimes, pour enterrer dignement les corps ou les rapatrier auprès des familles. Les autorités ne responsabilisent pas la communauté internationale sur ce volet et ne se donnent donc pas les moyens pour améliorer ses modalités d’intervention autres que répressives.

Il est illusoire de croire qu’à force d’équipements et de budgets militaires, nous viendrons à bout de la volonté de milliers de personnes qui font le choix de migrer. Sans le courage politique de se démarquer d’une réponse exclusivement sécuritaire et de puiser dans de nouvelles ressources de solidarité humaine, les tendances structurelles qui alimentent la mobilité vont tout simplement écraser la Tunisie contre les murs de la forteresse européenne.

Pour extirper le pays de cette trajectoire, nous faisons appel à la responsabilité historique des autorités. Nous considérons que le progrès social ne peut être une exclusivité de l’Etat, il relève avant tout de la bonne gouvernance. Il est le fruit de la participation, de l’écoute et de la confrontation des forces vives qui animent une société humaine.

  • Nous appelons donc les autorités à réinitialiser l’approche multi-acteurs et la gouvernance participative, garantes d’un meilleur équilibre des considérations sécuritaires, humanitaires et de droit.
  • Nous appelons donc les autorités à traiter la migration d’une manière intégrée aux enjeux qui se posent aux populations nationales pour articuler d’une manière réaliste les défis de l’économie informelle, de la pénurie de main d’œuvre, du financement des caisses de sécurité sociale et de la vulnérabilité des femmes.
  • Nous appelons donc les autorités à ouvrir le dialogue pour une opération de régularisation exceptionnelles des migrant-e-s sans papiers sur la base de critères prédéfinis ;
  • Nous appelons donc les autorités à articuler avec vigueur dans le cadre des négociations avec nos partenaires, l’exode des compétences tunisiennes, la formation professionnelle, l’effectivité des canaux de migration légale et l’accès aux visas ;
  • Nous appelons donc les autorités à investir massivement dans les politiques culturelles et de jeunesse permettant aux tunisiennes et tunisiens d’accéder par eux-mêmes à un horizon plus large ;
  • Nous appelons donc les autorités à corriger activement la position tunisienne en rapport avec le continent africain et multiplié les appels et cadres de coopération avec les institutions et acteurs de la société civile africaine ;
  • Nous appelons donc les autorités tunisiennes à mettre tout en œuvre pour garantir des conditions d’inhumation dignes et de développer des mécanismes, en concertation avec les autorités des pays d’origine et les organisations internationales, permettant aux familles de récupérer les corps dûment identifiés ;
  • Nous appelons donc les autorités à impulser un débat international sur la refonte des politiques d’aide au développement, la destruction et l’accaparation des sources de revenu dans les pays pauvres et la corruption.

Forum Tunisien pour les Droits Economiques et sociaux

Le président Hedhili Abderrahman