L’acharnement contre les navires de recherche et de sauvetage cause des centaines de morts en mer

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SV Nadir detained at Molo Commerciale, Lampedusa. Image: Paula Gaess / Resqship
SV Nadir detained at Molo Commerciale, Lampedusa. Image: Paula Gaess / Resqship

L’acharnement contre les navires de recherche et de sauvetage cause des centaines de morts en mer

32 organisations exigent que l’Etat italien cesse immédiatement les entraves systématiques opposées aux opérations de recherche et de sauvetage (SAR) menées par des organisations non gouvernementales. Au cours du mois dernier, des navires d’ONG ont été immobilisés à trois reprises en raison de restrictions légales fondées sur des allégations relevant du « décret Piantedosi ». L’un d’entre eux, le navire de surveillance Nadir de l’ONG RESQSHIP, a été immobilisé à deux reprises. Le fait de délibérément tenir à distance les organisations non gouvernementales de recherche et de sauvetage de la Méditerranée centrale entraîne d’innombrables décès en mer sur l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde.

Malgré les nombreuses alertes lancées par les organisations SAR, les navires des ONG continuent d’être arbitrairement immobilisés depuis l’adoption du « décret Piantedosi » en janvier 2023, aggravée par la conversion en loi du « décret Flussi » en décembre 2024. Au cours du mois dernier, les petits navires de RESQSHIP et de Sea-Eye, le Nadir et le Sea-Eye 5, ont été immobilisés, accusés de ne pas avoir respecté les instructions des autorités. Les deux équipages ont reçu des ports très éloignés pour le débarquement des personnes survivantes et ont été invités à procéder à des transbordements partiels de personnes sur la base de critères de vulnérabilité, alors qu’une évaluation fiable de la vulnérabilité nécessite un environnement sûr et ne peut être effectuée à bord d’un navire et immédiatement après un sauvetage.

La mise en place d’obstacles juridiques et administratifs poursuit un objectif évident : éloigner les navires de sauvetage de leurs zones d’opération, limitant ainsi considérablement leur présence et leurs activités en mer. Sans la présence des bateaux et des avions des ONG, davantage de personnes se noieront en tentant de traverser la Méditerranée centrale, et les violations des droits humains ainsi que les naufrages passeront inaperçus. Les petits navires jouent un rôle crucial : ils patrouillent, fournissent les premiers secours aux personnes en détresse à bord des bateaux et, si nécessaire, embarquent les survivant.es jusqu’à l’arrivée de navires mieux équipés.

Depuis février 2023, les navires des ONG ont fait l’objet de 29 détentions, ce qui représente un total de 700 jours passés dans les ports au lieu de sauver des vies en mer. Ils ont passé 822 jours supplémentaires en mer pour rejoindre des ports de débarquement assignés dans des lieux situés à des distances injustifiables, représentant au total 330 000 kilomètres de navigation. Ce qui ne concernait initialement que les navires de recherche et sauvetage civils s’étend désormais aux bateaux de surveillance plus petits.

En outre, les ONG consacrent énormément de temps et de ressources financières à contester la législation restrictive de l’Italie et les détentions administratives qui leur sont arbitrairement imposées.

Au cours des mois précédents, les tribunaux nationaux – à Catanzaro, Reggio Calabria, Crotone, Vibo Valentia et Ancône – ont rendu des décisions reconnaissant l’illégalité de la détention des navires de sauvetage des ONG dans les ports et ont, par conséquent, annulé les amendes correspondantes. En octobre 2024, le tribunal de Brindisi a demandé à la Cour constitutionnelle italienne d’évaluer la compatibilité du « décret Piantedosi », converti en loi en février 2023, avec la Constitution italienne. Le 8 juillet 2025, la Cour constitutionnelle a réaffirmé que le droit de la mer ne pouvait être contourné par des normes punitives et discriminatoires et que toute décision contraire à celui-ci devait être considérée comme illégale et illégitime.

La non-assistance est un crime !

En vertu du droit maritime international, tout capitaine de navire a l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer. De même, tout État qui gère un centre de coordination des opérations de sauvetage est légalement tenu de faciliter et de lancer des opérations de sauvetage sans délai. Or, aujourd’hui, ce à quoi nous assistons n’est pas un échec de l’État, mais un ensemble de violations délibérées : rétention d’informations sur les cas de détresse, coordination avec les soi-disant garde-côtes libyens pour des refoulements illégaux – même dans les eaux maltaises –, tandis que les avions de Frontex observent les naufrages et les interceptions violentes sans intervenir.

Ces pratiques constituent une violation flagrante de la Convention SOLAS, de la Convention SAR, de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et du principe de non-refoulement. Lorsque les États entravent les opérations de sauvetage au lieu de les faciliter, ils n’appliquent pas la loi, ils la violent.

Contexte

En décembre 2024, le « décret Flussi » (converti en loi 145/2024) relatif à la législation en matière de migration et d’asile adopté par le gouvernement italien est entré en vigueur. Il renforce les dispositions déjà restrictives du « décret Piantedosi », prévoyant comme sanctions des amendes, la détention et la confiscation définitive des navires de recherche et de sauvetage. Les nouvelles dispositions facilitent la confiscation des navires en rendant les armateurs responsables des violations répétées, quel que soit le capitaine, et constituent donc un levier supplémentaire pour entraver les activités des ONG de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale.

Il y a dix ans, les ONG de recherche et de sauvetage ont commencé à combler le vide mortel laissé par l’UE et ses États membres en Méditerranée centrale. Alors que l’UE se concentre de plus en plus sur le contrôle et l’externalisation des frontières afin d’empêcher toute arrivée sur les côtes européennes, plus de 175 500 personnes ont été secourues par des navires d’ONG depuis 2015. Cependant, depuis 2017, les acteurs SAR sont de plus en plus exposés à la criminalisation et à l’entrave de leurs activités en raison de lois et de politiques restrictives qui contredisent le droit maritime international et les droits humains.

Nous exigeons :

  •     L’abrogation immédiate des décrets Piantedosi et Flussi, mettant fin aux demandes inhumaines imposant aux navires de sauvetage de procéder à des débarquements partiels et à l’affectation de ports éloignés. Conformément au droit maritime international, les personnes qui viennent d’être secourues doivent être débarquées sans délai dans le lieu sûr le plus proche ; elles ne doivent pas être contraintes d’endurer de longs voyages et être instrumentalisées à des fins politiques.
  •     La libération immédiate du navire de surveillance Nadir et la fin de la criminalisation et des entraves aux activités SAR non gouvernementales.
  •     Que les États membres de l’UE remplissent leur devoir de sauvetage en mer et respectent le droit international. Les autorités devraient fournir à tous les navires des ONG le soutien nécessaire à la coordination des opérations de sauvetage afin qu’ils puissent assumer leur responsabilité de secourir les personnes en détresse.
  •     La mise en place d’un programme de recherche et de sauvetage financé et coordonné par l’UE.
  •     Des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe afin d’empêcher que des personnes soient contraintes de monter à bord d’embarcations précaires et d’entreprendre des voyages périlleux et parfois mortels.
  1. Association for Juridical Studies on Immigration (ASGI)
  2. borderline-europe, Human rights without borders e.V.
  3. Captain Support Network
  4. Cilip | Bürgerrechte & Polizei
  5. CompassCollective
  6. CONVENZIONE DEI DIRITTI NEL MEDITERRANEO
  7. EMERGENCY
  8. European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
  9. Gruppo Melitea
  10. iuventa-crew
  11. LasciateCIEntrare
  12. Maldusa project
  13. Médecins Sans Frontières
  14. MEDITERRANEA Saving Humans
  15. MEM.MED Memoria Mediterranea
  16. migration-control.info project
  17. MV Louise Michel project
  18. Open Arms
  19. RESQSHIP
  20. r42 Sail And Rescue
  21. Refugees in Libya
  22. Salvamento Marítimo Humanitario (SMH)
  23. SARAH-Seenotrettung
  24. Sea-Eye
  25. Sea Punks e.V
  26. Sea-Watch
  27. SOS Humanity
  28. SOS MEDITERRANEE
  29. Statewatch
  30. Tunisian Forum for Social and Economic Rights FTDES
  31. United4Rescue
  32. Watch the Med Alarm Phone

L’acharnement contre les navires de recherche et de sauvetage cause des centaines de morts en mer

32 organisations exigent que l’Etat italien cesse immédiatement les entraves systématiques opposées aux opérations de recherche et de sauvetage (SAR) menées par des organisations non gouvernementales. Au cours du mois dernier, des navires d’ONG ont été immobilisés à trois reprises en raison de restrictions légales fondées sur des allégations relevant du « décret Piantedosi ». L’un d’entre eux, le navire de surveillance Nadir de l’ONG RESQSHIP, a été immobilisé à deux reprises. Le fait de délibérément tenir à distance les organisations non gouvernementales de recherche et de sauvetage de la Méditerranée centrale entraîne d’innombrables décès en mer sur l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde.

Malgré les nombreuses alertes lancées par les organisations SAR, les navires des ONG continuent d’être arbitrairement immobilisés depuis l’adoption du « décret Piantedosi » en janvier 2023, aggravée par la conversion en loi du « décret Flussi » en décembre 2024. Au cours du mois dernier, les petits navires de RESQSHIP et de Sea-Eye, le Nadir et le Sea-Eye 5, ont été immobilisés, accusés de ne pas avoir respecté les instructions des autorités. Les deux équipages ont reçu des ports très éloignés pour le débarquement des personnes survivantes et ont été invités à procéder à des transbordements partiels de personnes sur la base de critères de vulnérabilité, alors qu’une évaluation fiable de la vulnérabilité nécessite un environnement sûr et ne peut être effectuée à bord d’un navire et immédiatement après un sauvetage.

La mise en place d’obstacles juridiques et administratifs poursuit un objectif évident : éloigner les navires de sauvetage de leurs zones d’opération, limitant ainsi considérablement leur présence et leurs activités en mer. Sans la présence des bateaux et des avions des ONG, davantage de personnes se noieront en tentant de traverser la Méditerranée centrale, et les violations des droits humains ainsi que les naufrages passeront inaperçus. Les petits navires jouent un rôle crucial : ils patrouillent, fournissent les premiers secours aux personnes en détresse à bord des bateaux et, si nécessaire, embarquent les survivant.es jusqu’à l’arrivée de navires mieux équipés.

Depuis février 2023, les navires des ONG ont fait l’objet de 29 détentions, ce qui représente un total de 700 jours passés dans les ports au lieu de sauver des vies en mer. Ils ont passé 822 jours supplémentaires en mer pour rejoindre des ports de débarquement assignés dans des lieux situés à des distances injustifiables, représentant au total 330 000 kilomètres de navigation. Ce qui ne concernait initialement que les navires de recherche et sauvetage civils s’étend désormais aux bateaux de surveillance plus petits.

En outre, les ONG consacrent énormément de temps et de ressources financières à contester la législation restrictive de l’Italie et les détentions administratives qui leur sont arbitrairement imposées.

Au cours des mois précédents, les tribunaux nationaux – à Catanzaro, Reggio Calabria, Crotone, Vibo Valentia et Ancône – ont rendu des décisions reconnaissant l’illégalité de la détention des navires de sauvetage des ONG dans les ports et ont, par conséquent, annulé les amendes correspondantes. En octobre 2024, le tribunal de Brindisi a demandé à la Cour constitutionnelle italienne d’évaluer la compatibilité du « décret Piantedosi », converti en loi en février 2023, avec la Constitution italienne. Le 8 juillet 2025, la Cour constitutionnelle a réaffirmé que le droit de la mer ne pouvait être contourné par des normes punitives et discriminatoires et que toute décision contraire à celui-ci devait être considérée comme illégale et illégitime.

La non-assistance est un crime !

En vertu du droit maritime international, tout capitaine de navire a l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer. De même, tout État qui gère un centre de coordination des opérations de sauvetage est légalement tenu de faciliter et de lancer des opérations de sauvetage sans délai. Or, aujourd’hui, ce à quoi nous assistons n’est pas un échec de l’État, mais un ensemble de violations délibérées : rétention d’informations sur les cas de détresse, coordination avec les soi-disant garde-côtes libyens pour des refoulements illégaux – même dans les eaux maltaises –, tandis que les avions de Frontex observent les naufrages et les interceptions violentes sans intervenir.

Ces pratiques constituent une violation flagrante de la Convention SOLAS, de la Convention SAR, de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et du principe de non-refoulement. Lorsque les États entravent les opérations de sauvetage au lieu de les faciliter, ils n’appliquent pas la loi, ils la violent.

Contexte

En décembre 2024, le « décret Flussi » (converti en loi 145/2024) relatif à la législation en matière de migration et d’asile adopté par le gouvernement italien est entré en vigueur. Il renforce les dispositions déjà restrictives du « décret Piantedosi », prévoyant comme sanctions des amendes, la détention et la confiscation définitive des navires de recherche et de sauvetage. Les nouvelles dispositions facilitent la confiscation des navires en rendant les armateurs responsables des violations répétées, quel que soit le capitaine, et constituent donc un levier supplémentaire pour entraver les activités des ONG de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale.

Il y a dix ans, les ONG de recherche et de sauvetage ont commencé à combler le vide mortel laissé par l’UE et ses États membres en Méditerranée centrale. Alors que l’UE se concentre de plus en plus sur le contrôle et l’externalisation des frontières afin d’empêcher toute arrivée sur les côtes européennes, plus de 175 500 personnes ont été secourues par des navires d’ONG depuis 2015. Cependant, depuis 2017, les acteurs SAR sont de plus en plus exposés à la criminalisation et à l’entrave de leurs activités en raison de lois et de politiques restrictives qui contredisent le droit maritime international et les droits humains.

Nous exigeons :

  •     L’abrogation immédiate des décrets Piantedosi et Flussi, mettant fin aux demandes inhumaines imposant aux navires de sauvetage de procéder à des débarquements partiels et à l’affectation de ports éloignés. Conformément au droit maritime international, les personnes qui viennent d’être secourues doivent être débarquées sans délai dans le lieu sûr le plus proche ; elles ne doivent pas être contraintes d’endurer de longs voyages et être instrumentalisées à des fins politiques.
  •     La libération immédiate du navire de surveillance Nadir et la fin de la criminalisation et des entraves aux activités SAR non gouvernementales.
  •     Que les États membres de l’UE remplissent leur devoir de sauvetage en mer et respectent le droit international. Les autorités devraient fournir à tous les navires des ONG le soutien nécessaire à la coordination des opérations de sauvetage afin qu’ils puissent assumer leur responsabilité de secourir les personnes en détresse.
  •     La mise en place d’un programme de recherche et de sauvetage financé et coordonné par l’UE.
  •     Des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe afin d’empêcher que des personnes soient contraintes de monter à bord d’embarcations précaires et d’entreprendre des voyages périlleux et parfois mortels.
  1. Association for Juridical Studies on Immigration (ASGI)
  2. borderline-europe, Human rights without borders e.V.
  3. Captain Support Network
  4. Cilip | Bürgerrechte & Polizei
  5. CompassCollective
  6. CONVENZIONE DEI DIRITTI NEL MEDITERRANEO
  7. EMERGENCY
  8. European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
  9. Gruppo Melitea
  10. iuventa-crew
  11. LasciateCIEntrare
  12. Maldusa project
  13. Médecins Sans Frontières
  14. MEDITERRANEA Saving Humans
  15. MEM.MED Memoria Mediterranea
  16. migration-control.info project
  17. MV Louise Michel project
  18. Open Arms
  19. RESQSHIP
  20. r42 Sail And Rescue
  21. Refugees in Libya
  22. Salvamento Marítimo Humanitario (SMH)
  23. SARAH-Seenotrettung
  24. Sea-Eye
  25. Sea Punks e.V
  26. Sea-Watch
  27. SOS Humanity
  28. SOS MEDITERRANEE
  29. Statewatch
  30. Tunisian Forum for Social and Economic Rights FTDES
  31. United4Rescue
  32. Watch the Med Alarm Phone