Des associations tunisiennes proclament leur solidarité avec des milliers d’activistes saoudiens et saoudiennes

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Journée Internationale de la Femme/8 mars 2017 Des associations tunisiennes proclament leur solidarité avec des milliers d’activistes saoudiens et saoudiennes qui réclament l’annulation de la tutelle de l’homme sur la femme   Les associations signataires ci-dessous expriment leur entière solidarité avec des milliers de citoyennes et de citoyens saoudiens participant à la campagne pour l’annulation du système de la tutelle de l’homme sur la femme et ses restrictions arbitraires qui violent les droits de l’homme, et réclament à l’occasion de la – Journée  Internationale de la Femme –l’éliminationdes limitations qui portent atteinte aux droits fondamentaux des femmes saoudiennes à l’éducation,à la libre circulation, à l’emploi et à la santé. La loi saoudienne accorde à l’homme le droit de tutelle sur la femme, même si elle est plus âgée ou plus gradée que lui, en termes de diplômes et d’expertise. Cela conduit, par exemple, à la non-obtention par la femme saoudienne d’un passeport, sans l’accord du tuteur. Il s’agit en général du père, du frère, du mari, et même du fils. Par ailleurs, elle ne peut pas voyager,louer une maison, se marier ou se faire avorter, en cas de danger pour sa vie, sans l’accord de son tuteur. Elle ne peut pas, non plus, conduire une voiture. Selon des organisations de défense des droits humains et des médias, la campagne pour l’annulation du système de la tutelle de l’homme sur la femme au Royaume d’Arabie Saoudite a eu un large soutien de la part de milliers d’utilisateurs des réseaux sociaux qui ont signé une pétition l’année dernière,appelant à mettre fin à cette tutelle injuste. Cette action a valu aux principaux participants à la campagne, parmi lesquels la défenseuse des droits humains, Mariam AlOteibi, des sanctions qui ont varié entre l’agression physique et l’incarcération. Les associations signataires ci-dessous appellent à l’annulation de toutes les lois et les règlements protégeant  la tutelle de l’homme, la discrimination et la violence à l’égard des saoudiennes, et à l’adoption d’une législation équitable, à l’heure où se multiplient les voix, partout dans le monde, y compris dans la région arabe, appelant à l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur le genre. Par ailleurs, elles soulignent leur entière solidarité avec le combat mené par lesfemmes saoudiennes pour la défense de leurs droits – inaliénables- à la liberté, la dignité et l’égalité.   Les associations signataires: –  Association Tunisienne des Femmes Démocrates –  Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement – Association « Beity » – Association Lame Chaml – Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux – Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme – Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse – Organisation contrela torture en Tunisie – Association tunisienne pour la Défense des Valeurs Universitaires – Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civique

Des associations tunisiennes proclament leur solidarité avec des milliers d’activistes saoudiens et saoudiennes

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Journée Internationale de la Femme/8 mars 2017 Des associations tunisiennes proclament leur solidarité avec des milliers d’activistes saoudiens et saoudiennes qui réclament l’annulation de la tutelle de l’homme sur la femme   Les associations signataires ci-dessous expriment leur entière solidarité avec des milliers de citoyennes et de citoyens saoudiens participant à la campagne pour l’annulation du système de la tutelle de l’homme sur la femme et ses restrictions arbitraires qui violent les droits de l’homme, et réclament à l’occasion de la – Journée  Internationale de la Femme –l’éliminationdes limitations qui portent atteinte aux droits fondamentaux des femmes saoudiennes à l’éducation,à la libre circulation, à l’emploi et à la santé. La loi saoudienne accorde à l’homme le droit de tutelle sur la femme, même si elle est plus âgée ou plus gradée que lui, en termes de diplômes et d’expertise. Cela conduit, par exemple, à la non-obtention par la femme saoudienne d’un passeport, sans l’accord du tuteur. Il s’agit en général du père, du frère, du mari, et même du fils. Par ailleurs, elle ne peut pas voyager,louer une maison, se marier ou se faire avorter, en cas de danger pour sa vie, sans l’accord de son tuteur. Elle ne peut pas, non plus, conduire une voiture. Selon des organisations de défense des droits humains et des médias, la campagne pour l’annulation du système de la tutelle de l’homme sur la femme au Royaume d’Arabie Saoudite a eu un large soutien de la part de milliers d’utilisateurs des réseaux sociaux qui ont signé une pétition l’année dernière,appelant à mettre fin à cette tutelle injuste. Cette action a valu aux principaux participants à la campagne, parmi lesquels la défenseuse des droits humains, Mariam AlOteibi, des sanctions qui ont varié entre l’agression physique et l’incarcération. Les associations signataires ci-dessous appellent à l’annulation de toutes les lois et les règlements protégeant  la tutelle de l’homme, la discrimination et la violence à l’égard des saoudiennes, et à l’adoption d’une législation équitable, à l’heure où se multiplient les voix, partout dans le monde, y compris dans la région arabe, appelant à l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur le genre. Par ailleurs, elles soulignent leur entière solidarité avec le combat mené par lesfemmes saoudiennes pour la défense de leurs droits – inaliénables- à la liberté, la dignité et l’égalité.   Les associations signataires: –  Association Tunisienne des Femmes Démocrates –  Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement – Association « Beity » – Association Lame Chaml – Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux – Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme – Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse – Organisation contrela torture en Tunisie – Association tunisienne pour la Défense des Valeurs Universitaires – Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civique

OST: Rapport Janvier 2017 des mouvements sociaux

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Rapport de l’Observatoire Social Tunisien

Janvier  2017

Le début de l’année 2017 a coïncidé avec de fortes précipitations accompagnées d’une grande vague de froid et de neige dans plusieurs gouvernorats du pays ; et pour autant que les conditions météorologiques étaient normales et naturelles dans une telle période, ce sont les conditions sociales de nombreuses catégories qui ont été très difficiles.

 Il en parait, encore une fois, les limites de l’infrastructure qui ne répond plus à la nature de l’étape, essentiellement, dans les domaines sociaux, environnementaux, et économiques.

Situation qui exige une reconsidération fondamentale pour que les fortes pluies ne se transforment plus en déluge entrainant la mort de personnes ou d’animaux, le gaspillage environnemental important, l’arrêt ou la suspension des différentes activités économiques et éducatives.

Des fortes précipitations neigeuses dans les hauteurs et les régions intérieures du nord-ouest et du centre-ouest ont été à l’origine de l’isolement de la population dans un contexte de forte précarité sociale et économique véhiculée par les différents médias audio-visuels ainsi que les réseaux sociaux.

Français

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  Arabe

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Kalaa Sghira : Le pollueur porte plainte contre ses victimes !

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Zoé Vernin

Janvier 2017, des habitants d’une petite ville près de Sousse démarrent l’année avec une assignation de la garde nationale à venir répondre aux chefs d’accusations d’une plainte déposée le 31 décembre 2016 à l’encontre de la coordination locale de protection de l’environnement. Ce n’est malheureusement pas la première fois que le propriétaire de l’usine dont les pollutions dévastent Kalaa Sghira s’en prend à ceux qui dénoncent les atteintes à la santé et à l’environnement.

Mercredi 25 janvier, il est environ 17h30 à Kalaa Sghira, et « c’est le clair-obscur » comme le dit si bien Krifa.

 

Une briqueterie qui désole et révolte les habitants

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Anis a demandé au louage – taxi collectif depuis Tunis – de me déposer à la sortie de l’autoroute pour me récupérer. Avec Ajmi, ils tiennent à commencer par me faire un tour en voiture, histoire de planter le décor : légèrement vallonné, l’urbanisation y est effectivement très dense. Parsemée d’habitations et d’universités, la zone comprend également un stade olympique et un hôpital universitaire.

L’usine fait très exactement la frontière entre Sousse capitale du Sael, et à l’ouest Kalaa Sghira, ville d’environ 40 000 habitants.

Ajmi m’explique que le vent dominant selon les saisons souffle tantôt sur Sousse, tantôt sur Kalaa Sghira. En ce moment c’est l’hiver, et c’est davantage sur Sousse que les fumées grises se répandent et se maintiennent dans les endroits les plus enclavés.

 

Néanmoins, la pollution de la Briqueterie Kalaa Sghira – dite BKS – resterait jusqu’à présent « une problématique kaléenne ». A Sousse, « les habitants en auraient moins conscience sans doute par manque de visibilité » selon Ajmi. Il est vrai que les hauts immeubles de la grande ville ont la fâcheuse tendance à cacher ses quatre cheminées fumantes.

Précisons au cas où, qu’à la BKS on fabrique des briques à base d’argile. Si on se fie à la page wikipédia de Kalaa Sghira, c’est « le plus grand site de fabrication de briques de Tunisie ». Une poussière rouge teinte d’ailleurs les bords de la route qui finit par nous y conduire. Derrière les murs – en brique – de l’usine, une montagne d’argile culmine en plein air, une manière de stocker sa matière première.

 
« A Kalaa, tout le monde vous le dira …»
 

On s’arrête devant la maison d’Anis, qui fait face à la BKS. Il l’a quitté temporairement car dernièrement, sa fille âgée d’à peine quelques mois a commencé à avoir des difficultés respiratoires.

Anis me fait entrer. Il m’explique que l’atmosphère y est toujours très humide à l’intérieur car il ne peut jamais l’aérer. Toutefois, à voir les traces noires sur les rideaux blancs qui dessinent le contour des fenêtres, cela n’empêche pas complètement l’air de s’infiltrer. Anis insiste sur les effets psychologiques de la pollution due aux fumées, et des contraintes que cela génère sur son lieu de vie : « C’est le sentiment d’être enfermé qui domine, et d’être abandonné aussi. On ne vaut rien aux yeux de ce gouvernement ».

Anis fait parti des activistes contre qui le propriétaire de la BKS a porté plainte mais je l’apprendrais un peu plus tard, car il tenait d’abord à laisser d’autres voix s’exprimer.

Anis commence donc par me présenter son voisin Swaya, agriculteur et éleveur. L’usine surplombe sa maison et ses terres qui comptent environ 270 oliviers, et quelques cultures de grenadiers et de fenouille. Il n’est plus possible de faire pousser du persil, des épinards ou des oignons au pied des oliviers comme autrefois.

La terre est devenue rouge et craquelée : « Elle est recouverte de l’argile que le vent dépose. Et elle n’absorbe désormais plus l’eau ».

On traverse ses terrains, et on s’arrête à la hauteur de la colline d’argile, Quatre oliviers sont morts cette année.

Avec son frère, Swaya a une fois essayé de demander une aide matérielle au propriétaire de l’usine pour assainir ses terres. En vain. Aujourd’hui, il envisage de changer d’activité. Qu’adviendra-t-il de ses parcelles agricoles si personne n’a les moyens d’affronter les couches argileuses ?

Un peu plus loin, on rencontre aussi Selem qui à l’habitude de faire paitre ses moutons en contrebas de la briqueterie. Lorsqu’on évoque le sujet de l’usine, il nous dit que certains de ses agneaux sont déjà morts intoxiqués après s’être nourris de la végétation environnante. Il accuse la BKS dans laquelle il a d’ailleurs travaillé 28 ans.

Tous les kaléens que nous avons rencontré au hasard de notre visite des alentours, expriment des gènes et des inquiétudes quant à la pollution de l’air. Dans le quartier d’à coté, les ouvrières du textile en pause déjeuner, témoignent que « l’odeur est en permanence suffocante ». Alaya, un habitant, précise que « vers 18-19 heures, on ne voit plus rien à cause des fumées qui deviennent noires, noires comme les murs de nos maisons ».

o o Pour Habib, garagiste situé en face de l’usine, « à Kalaa, on est tous malade, et on meurt tous bichwaïa, bichawaïapetit à petit ». o o  

Même si la causalité entre la pollution et les maladies est souvent difficile à démontrer sans réserve, Issam, médecin à Kalaa, n’a pas de doute sur les effets des fumées sur la santé. Ayant travaillé à l’hôpital CHU Farhat Hached de Sousse, il sait que « Kalaa est la ville où le taux de cancers est le plus élevé de tout le Grand Sousse ». Il y a ainsi beaucoup de cancers des poumons et du sang, ainsi que des cancers du sein chez les femmes, et des cancers de la vessie chez les hommes. Malgré tout, rares sont ceux qui parlent de leur maladie, ce qui retarde selon lui une prise de conscience sur l’ampleur du phénomène. Effectuant des visites à domicile à Kalaa Sghira notamment dans les quartiers les plus exposés, il a aussi « régulièrement l’occasion de constater le développement important d’allergies cutanées et respiratoires chez les habitants ». Il n’est d’ailleurs pas le seul de sa profession à s’en inquiéter. Une pétition signée par environ cinquante médecins de la région en 2016 est venue condamner les impacts de l’usine sur la santé.

Leur diagnostic peut aussi s’appuyer sur les résultats d’une inspection sanitaire réalisée par les services publics régionaux de santé en août 2015 à la suite d’une demande des habitants. Dans le périmètre spécifique de la briqueterie, l’équipe était venue pendant deux jours relever les taux de concentration des polluants les plus néfastes pour la santé : ceux que les alvéoles pulmonaires retiennent le plus, provoquant ainsi des maladies cardio-vasculaires. Les résultats ont manifestement donné raison aux habitants qui observaient une différence entre les émissions journalière et nocturnes. En journée, la concentration de certains polluants enregistrée a pu être 67 fois plus élevée que le volume autorisé, tandis que la nuit elle a pu dépasser ce volume légal de 85 fois. La hauteur insuffisante des cheminées avait été identifiée comme une des causes principales de la surexposition des habitants. L’équipe avait tenue aussi à spécifier en fin de rapport avoir elle-même ressentie pendant ces deux jours « des irritations dans les yeux et le nez, des maux têtes et un goût étrange dans la bouche ».

« Notre seule revendication, c’est la dépollution ! »

Yemen m’explique que « la mobilisation contre la pollution a commencé au départ avec quelques personnes. Et puis avec des organisations de la société civile, une dynamique s’est mise en place à partir de 2013, très vite rejoint par des syndicats et des partis politiques ». Yemen est le coordinateur de cette délégation informelle qui se réunit environ tous les mois, voire plus selon les circonstances. La coordination locale de protection de l’environnement a lancé une pétition en 2016 qui a recueilli des milliers de signatures. Elle condamnait l’usine et réclamait des solutions de dépollution.

Enfin, elle est aussi à l’initiative de l’organisation des deux marches du 16 juin 2015 et du 7 mai 2016, qui ont réunit quelques milliers de kalléens.

Manifestation en 2016

Yemen me montre le communiqué datant du 10 mai 2016 qui a été rédigé au lendemain de la dernière marche. Ce communiqué revient sur les revendications du mouvement, notamment « le refus de la fermeture de la briqueterie » en premier point, suivi de l’exigence de « solutions pour arrêter la pollution ». Parmi les signataires et membres de la délégation, il y a l’association Voix des jeunes de Kalaa Sghira, l’Union des agriculteurs, l’association Olive, la section locale de la LTDH, deux syndicats d’enseignements et un syndicat du personnels de santé de l’hôpital de Sahloul, ainsi que la coordination nationale des jeunes pharmaciens. Les partis politiques locaux qui soutiennent sont le parti Ennahda, le Courant démocrate Attayar, le parti Afek Tounes et enfin le Front Populaire. Il y a également l’association SOS BIAA basée à Tunis et dont le soutien vaudra à son président Morched, d’être compris dans les cibles de la plainte du 31 décembre 2016 aux cotés d’autres membres de la coordination. Enfin, il y a l’association UNIVERT qui a été créé en 2016 par Yemen (son président), Anis, Ajmi, Krifa, Hacem et Lotfi que j’ai rencontré, ainsi que neuf autres personnes.

Un proverbe arabe pourrait aujourd’hui résumer les actes du propriétaire de la BKS à leur encontre : ضربني وبكي سبقني وشك

Nous y reviendrons…

Moyens artisanaux, productions industrielles : l’usine hors-la-loi

 

L’usine n’a pas toujours été ce qu’elle est actuellement. A sa création dans les années 1980, il s’agissait d’une fabrication artisanale de briques : moins de rendement, moins de cheminée et donc beaucoup moins de nuisances. Elle tournait seulement à 6 à 8 heures par jour quand aujourd’hui, la production se poursuit 24heures/24 et 7 jours/7.

Bien que l’usine s’est progressivement développée avec le temps, c’est à la suite d’un changement de propriétaire à la fin des années 2000’s que le rythme de la production a commencé à vraiment s’emballer… Et la briqueterie ne s’en donnera pas vraiment les moyens adéquats. Son agrément d’artisan initial n’est d’ailleurs plus valable, ce qui la rend « illégale » selon Ajmi. Yemen, me montre pour preuve une correspondance du ministère de l’industrie à destination du propriétaire de l’usine, lui signalant en 2016 l’absence d’autorisation officielle pour exercer ses activités industrielles.

Un ouvrier de l’usine a accepté de témoigner anonymement. Il y travaille depuis quelques temps déja. Les conditions de travail sont éprouvantes pour les 400 ouvriers qui travaillent dans la poussière sans masque, et dont la moitié serait à l’âge d’être à la retraite. Certains endroits de l’usine sont très obscurs et étouffants. Cela leur arrive de discuter des maux qu’ils partagent, en particulier des difficultés respiratoires et des troubles digestifs. Il décrit la phase où les wagons d’entassement des briques passent dans les fours, comme particulièrement dangereuse à cause d’un matériel peu adapté à la cadence imposée. En effet, les briques restent à peinent 15 minutes. Et la vitesse des bruleurs serait effectivement augmentée la nuit et les week-ends pour diminuer le temps de cuite à 10 minutes.

C’est bien l’inadéquation entre les moyens matériels et les rendements poursuivis qui contribue ainsi largement à la pollution. Anis se désespère des tentatives de concertation entre les autorités locales, la société civile et l’usine : « Dès qu’on lui adresse le problème et qu’on la presse, l’usine fait des promesses qu’elle ne tient pas. Les autorités savent que la population souffre mais elles ne font rien. Mon pays me déçoit quand il se rend ainsi complice du pollueur ».

L’affaire est en effet tout sauf inconnue des autorités et de ses administrations. Des rapports existent et une procédure administrative sur l’usine est même en cours.

L’Agence Nationale de Protection de l’Environnement : une alliée sur le(s) papier(s), et dans les faits ?

Constater

Nous nous sommes rendus au siège de la délégation de Kalaa Sghira (échelon administratif intermédiaire entre la municipalité et le gouvernorat). J’ai pu ainsi rencontrer le maire et délégué de Kalaa Sghira Hammadi Al Abib pour discuter du rôle que pouvait jouer les autorités dans le cas d’un conflit entre usine et la population due à la pollution.

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Pour lui, « il s’agit d’abord de constater la pollution. Cela a été réalisé par les techniciens et ingénieurs de l’Etat dans le cadre de deux rapports de mesure réalisés en 2014 et 2015 par l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE)».

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On peut lire dans ces deux rapports qu’il s’agit à chaque fois « d’une campagne de mesure menée à la briqueterie de Kalaâ Sghira dans le cadre de la surveillance routinière des émissions atmosphériques industrielle sur tout le territoire Tunisien. Elle a comme objectif de vérifier le respect de la règlementation tunisienne (décret 2519-2010 du 28 septembre 2010), et de sensibiliser l’industriel pour réduire ses émissions en cas de dépassement des valeurs limites autorisées ».

Les mesures des émissions de chaque four (4) en 2014 et d’un four en 2015 enregistrent des dépassements systématiques et ahurissants des valeurs limites fixées par le décret de polluants atmosphériques comme le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde souffre (SO2), ou même parfois l’oxyde d’azote (NOx). A titre d’exemple en 2014, on peut constater un taux moyen de CO 67 fois plus élevé que la valeur limite pour le Four B3, et un taux de SO2 presque 6 fois plus élevé pour le four B2.

Evaluer

Le maire poursuit : « Après le constat, il y a bien entendu la nécessité de stopper cette pollution ». Dans ce sens, les conclusions des rapports de l’ANPE ne manquaient pas de propositions. La teneur de certains composés dans la matière première comme le souffre nécessite des méthodes de dépollution, comme par exemple un système d’absorption par le calcaire. La réduction des émissions de poussières serait possible par l’installation de systèmes de filtres à manches, etc.

L’ANPE a commencé par suivre une proposition contenue dans le rapport de 2015, a savoir « faire une étude de dépollution ».

Monsieur Al Abib me précise « qu’une étude a donc été conduite par l’usine via un bureau d’étude, puis validée par l’ANPE. A partir de là, les deux parties (briqueterie et ANPE) se sont alors mutuellement fixés des obligations et un calendrier ».

 
Astreindre

« Cette convention » signée par l’ANPE et le propriétaire de la BKS au 1er Août 2016, a été découvert par les militants de Kalaa Sghira un mois plus tard alors qu’ils s’apprêtaient déposer une plainte auprès de l’ANPE à Tunis. L’ANPE régionale ne s’était jamais montrée très disposée à prendre en charge les revendications.

Trois délais pour au total six actions ont été fixés entre la signature en aout 2016 et la fin du protocole en Juin 2018.

L’usine s’était déjà engagée à réaliser trois actions d’ici fin novembre 2016 : planter des arbres dans le périmètre de l’usine, couvrir l’argile transportée via des tapis roulants et enfin agrandir le mur qui l’entoure afin qu’aucun amas d’argile ne dépasse. Le maire a accompagné la première visite de contrôle de l’ANPE en décembre. Il avoue « avoir constaté que seules deux des obligations sur les trois ont été respectées car pour l’instant le mur n’a pas bougé. L’ANPE a effectué une deuxième visite « surprise » en janvier et bien que rien n’ait été entrepris dans ce sens, l’agence a rapporté au ministère que toutes les obligations avaient été respectées. La fait que l’ANPE soit à la fois partie à la convention et l’institution du contrôle est en cela un problème, elle seule peut interpréter, et édicter des sanctions en cas de non respect ». Yemen me montre la photo d’une plaque métallique d’environ un mètre sur deux que l’usine a rajouté sur le mur et qui lui aurait permis de « gagner la confiance » des inspecteurs quant à la réalisation prochaine de son engagement. Une anecdote parmi d’autres qui en dit un peu sur la mauvaise foi voire le cynisme dont le propriétaire peut faire preuve vis-à-vis du mouvement.

Le maire évoque enfin également l’existence d’une note de l’ANPE sur les préparatifs en vue du deuxième délai fin février 2017, consistant à élever la taille des cheminées : « Comme le note l’ANPE, c’est matériellement et techniquement très compliqué et peu probable qu’en l’état de fait, cela soit fait dans les temps ». Les militants se disent aussi être très peu optimistes quant au respect de l’une des échéances les plus importantes pour la santé des habitants.

Le contrat qui lie l’usine et l’ANPE, prévoit une dernière échéance fin février 2018. L’usine a donc un an pour installer des filtres à manches dans ses cheminées, et même un mécanisme interne pour mesurer continuellement ses dégagements gazeux. Enfin, il est écrit que si l’usine n’assume pas ses responsabilités, l’ANPE pourra être amenée « à prendre les mesures nécessaires » à partir de juin 2018. Alors à Kalaa Sghira, on attend de voir.

Mais si seulement il suffisait pour le mouvement de suivre ces étapes et veiller aux retards ou distorsions de la mise en œuvre du protocole de dépollution…

Quand l’inédit rime dangereusement avec l’ironie : le pollueur poursuit ses victimes

Des plaintes individuelles étaient déjà tombées au lendemain de la manifestation du 7 mai dernier. « Le propriétaire de l’usine avait tenu à faire savoir qu’il jugeait en quelque sorte Lotfi, Krifa et Malek coupables de semer le désordre » résume Yemen. Chacun avait reçu un coup de téléphone de la garde nationale les invitant à répondre aux motifs de leur accusation. Krifa me raconte : «en ma qualité de directeur d’école, j’étais notamment accusé d’avoir mobiliser les enfants présents à la marche ». Lotfi pour sa part, avait été tenu responsable de « certains slogans scandés par des manifestants ayant soi-disant touché à la dignité du propriétaire de l’usine et de son père (ancien propriétaire) ». Plus tard en septembre ce fut au tour de Yemen d’être convoqué par téléphone, au lendemain d’une émission de radio dans laquelle il avait évoqué les obligations de l’usine vis-à-vis de l’ANPE (via la convention). La plainte était notamment fondée sur « une diffusion de fausses informations », « une participation à une coordination secrète » ainsi que sur « une distribution de flyers non autorisés ».

C’est de mémoire que les militants se souviennent des motivations pour le moins farfelues des plaintes du propriétaire de l’usine, car pas une seule fois ne leur fut remis un quelconque document écrit. « Mon dossier est complètement vide ! Nous n’avons eu accès à aucun papier permettant de connaître l’objet exact des plaintes et de sérieusement préparer leur défense » m’explique Yosra, avocate bénévole auprès du mouvement. Yosra détaille les procédures en cours : Lotfi et Krifa ayant déja été entendus par la Garde nationale, leur dossier ont été transmis au procureur du Tribunal de Première Instance de Sousse qui doit désormais décider s’il ouvre ou non une procédure judiciaire. Yosra s’étonne du temps que prend le procureur pour répondre, « d’habitude, cela va beaucoup plus vite ». Malek étant avocat, son dossier est traité par une commission spéciale du tribunal, et Yemen attend toujours une date d’entretien à la garde nationale.

Parmi les militants contre lesquels le propriétaire de la briqueterie a porté plainte, il y a de gauche à droite, Ajmi, Krifa et Hacem, membres de l’association UNIVERT

Mais le propriétaire ne s’est pas arrêté là, dans la mise en œuvre de ce qu’Anis qualifie « d’une stratégie d’harcèlement ». Il s’est ainsi rendu à la police le 31 décembre, et a déposé plainte cette fois-ci contre la coordination locale de protection de l’environnement pour « utilisation de rapports aux informations falsifiées ». Ces rapports ne sont autres que ceux de l’ANPE cités précédemment et sur lesquels le mouvement s’appuie « pour sensibiliser » me précise Yemen. Cela revient à attaquer des activistes en remettant en cause la véracité de données publiques qu’ils utilisent. Et même si « c’est à lui de prouver que les rapports de l’Etat sont faux » comme me le précise aussi le maire, la possibilité de s’attaquer ainsi à des documents officiels pourrait « ouvrir la voie à un précédent dangereux pour la cause environnementale» selon Morched de l’association SOS BIAA. Pour l’instant, seuls Yemen et lui ont été auditionnés dans le cadre de cette accusation collective. En signe de soutien, beaucoup de kaléens étaient venus les accompagner à la garde nationale début janvier. Ce jour-là, les entretiens des 14 autres membres avaient été reportés à une date ultérieure, jusqu’à présent non connue.

En attendant la suite des entretiens et à plus long terme l’examen du procureur, Yosra essaie de constituer un comité d’avocats. Pour elle, les plaintes sont dépourvues de sens et constituent surtout « des moyens d’intimider et de gagner du temps », mais il faut se préparer dans le cas où le tribunal décide de se saisir de l’une ou l’autre, voire de toutes ces affaires.

A vrai dire, il est difficile de savoir si c’est la gravité ou l’absurdité de ces plaintes qu’il faut retenir. Surement les deux. Anis ironise : « Si on se retrouve derrière les barreaux, je demanderais que l’on nous offre une tenue spéciale, une tenue verte » pour rappeler que les militants n’ont fait que défendre pacifiquement leur environnement.

Espérons alors que l’ironie continue de frapper, de sorte à ce que ces plaintes mettent en lumière les manœuvres tyranniques d’un entrepreneur pour détourner l’attention de ses propres délits. A court-terme, il s’agit donc de faire de ces plaintes à la fois des leviers de médiatisation et de soutien nécessaire au mouvement des habitants de Kalaa Sghira pour presser les autorités compétentes à faire primer l’intérêt de tous sur l’intérêt d’un seul.


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Poème de Krifa,
improvisé dans la voiture, noté à la hâte… Je me souviens du début d’une poésie que j’ai appris quand j’étais petit, elle commençait ainsi :    

Mon village entouré par les feuillages, on dirait un nid d’oiseau

Mais ça c’était dans le temps, jadis, car de nos jours,

Mon village est entouré par les fumées et les gaz,

On dirait un volcan.

Pour saluer votre visite

J’aspire à un espoir

Quand est-ce qu’une auréole dissipera cette obscurité terne ?

Cette auréole consiste en la publication de cet article qui donnera cet effet :

Dissiper les fumées qui s’abattent sur la vie des autochtones,

C’est-à-dire les Kaléens

Source: http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=10389    

Kalaa Sghira : Le pollueur porte plainte contre ses victimes !

Zoé Vernin

Janvier 2017, des habitants d’une petite ville près de Sousse démarrent l’année avec une assignation de la garde nationale à venir répondre aux chefs d’accusations d’une plainte déposée le 31 décembre 2016 à l’encontre de la coordination locale de protection de l’environnement. Ce n’est malheureusement pas la première fois que le propriétaire de l’usine dont les pollutions dévastent Kalaa Sghira s’en prend à ceux qui dénoncent les atteintes à la santé et à l’environnement.

Mercredi 25 janvier, il est environ 17h30 à Kalaa Sghira, et « c’est le clair-obscur » comme le dit si bien Krifa.

 

Une briqueterie qui désole et révolte les habitants

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Anis a demandé au louage – taxi collectif depuis Tunis – de me déposer à la sortie de l’autoroute pour me récupérer. Avec Ajmi, ils tiennent à commencer par me faire un tour en voiture, histoire de planter le décor : légèrement vallonné, l’urbanisation y est effectivement très dense. Parsemée d’habitations et d’universités, la zone comprend également un stade olympique et un hôpital universitaire.

L’usine fait très exactement la frontière entre Sousse capitale du Sael, et à l’ouest Kalaa Sghira, ville d’environ 40 000 habitants.

Ajmi m’explique que le vent dominant selon les saisons souffle tantôt sur Sousse, tantôt sur Kalaa Sghira. En ce moment c’est l’hiver, et c’est davantage sur Sousse que les fumées grises se répandent et se maintiennent dans les endroits les plus enclavés.

 

Néanmoins, la pollution de la Briqueterie Kalaa Sghira – dite BKS – resterait jusqu’à présent « une problématique kaléenne ». A Sousse, « les habitants en auraient moins conscience sans doute par manque de visibilité » selon Ajmi. Il est vrai que les hauts immeubles de la grande ville ont la fâcheuse tendance à cacher ses quatre cheminées fumantes.

Précisons au cas où, qu’à la BKS on fabrique des briques à base d’argile. Si on se fie à la page wikipédia de Kalaa Sghira, c’est « le plus grand site de fabrication de briques de Tunisie ». Une poussière rouge teinte d’ailleurs les bords de la route qui finit par nous y conduire. Derrière les murs – en brique – de l’usine, une montagne d’argile culmine en plein air, une manière de stocker sa matière première.

 
« A Kalaa, tout le monde vous le dira …»
 

On s’arrête devant la maison d’Anis, qui fait face à la BKS. Il l’a quitté temporairement car dernièrement, sa fille âgée d’à peine quelques mois a commencé à avoir des difficultés respiratoires.

Anis me fait entrer. Il m’explique que l’atmosphère y est toujours très humide à l’intérieur car il ne peut jamais l’aérer. Toutefois, à voir les traces noires sur les rideaux blancs qui dessinent le contour des fenêtres, cela n’empêche pas complètement l’air de s’infiltrer. Anis insiste sur les effets psychologiques de la pollution due aux fumées, et des contraintes que cela génère sur son lieu de vie : « C’est le sentiment d’être enfermé qui domine, et d’être abandonné aussi. On ne vaut rien aux yeux de ce gouvernement ».

Anis fait parti des activistes contre qui le propriétaire de la BKS a porté plainte mais je l’apprendrais un peu plus tard, car il tenait d’abord à laisser d’autres voix s’exprimer.

Anis commence donc par me présenter son voisin Swaya, agriculteur et éleveur. L’usine surplombe sa maison et ses terres qui comptent environ 270 oliviers, et quelques cultures de grenadiers et de fenouille. Il n’est plus possible de faire pousser du persil, des épinards ou des oignons au pied des oliviers comme autrefois.

La terre est devenue rouge et craquelée : « Elle est recouverte de l’argile que le vent dépose. Et elle n’absorbe désormais plus l’eau ».

On traverse ses terrains, et on s’arrête à la hauteur de la colline d’argile, Quatre oliviers sont morts cette année.

Avec son frère, Swaya a une fois essayé de demander une aide matérielle au propriétaire de l’usine pour assainir ses terres. En vain. Aujourd’hui, il envisage de changer d’activité. Qu’adviendra-t-il de ses parcelles agricoles si personne n’a les moyens d’affronter les couches argileuses ?

Un peu plus loin, on rencontre aussi Selem qui à l’habitude de faire paitre ses moutons en contrebas de la briqueterie. Lorsqu’on évoque le sujet de l’usine, il nous dit que certains de ses agneaux sont déjà morts intoxiqués après s’être nourris de la végétation environnante. Il accuse la BKS dans laquelle il a d’ailleurs travaillé 28 ans.

Tous les kaléens que nous avons rencontré au hasard de notre visite des alentours, expriment des gènes et des inquiétudes quant à la pollution de l’air. Dans le quartier d’à coté, les ouvrières du textile en pause déjeuner, témoignent que « l’odeur est en permanence suffocante ». Alaya, un habitant, précise que « vers 18-19 heures, on ne voit plus rien à cause des fumées qui deviennent noires, noires comme les murs de nos maisons ».

o o Pour Habib, garagiste situé en face de l’usine, « à Kalaa, on est tous malade, et on meurt tous bichwaïa, bichawaïapetit à petit ». o o  

Même si la causalité entre la pollution et les maladies est souvent difficile à démontrer sans réserve, Issam, médecin à Kalaa, n’a pas de doute sur les effets des fumées sur la santé. Ayant travaillé à l’hôpital CHU Farhat Hached de Sousse, il sait que « Kalaa est la ville où le taux de cancers est le plus élevé de tout le Grand Sousse ». Il y a ainsi beaucoup de cancers des poumons et du sang, ainsi que des cancers du sein chez les femmes, et des cancers de la vessie chez les hommes. Malgré tout, rares sont ceux qui parlent de leur maladie, ce qui retarde selon lui une prise de conscience sur l’ampleur du phénomène. Effectuant des visites à domicile à Kalaa Sghira notamment dans les quartiers les plus exposés, il a aussi « régulièrement l’occasion de constater le développement important d’allergies cutanées et respiratoires chez les habitants ». Il n’est d’ailleurs pas le seul de sa profession à s’en inquiéter. Une pétition signée par environ cinquante médecins de la région en 2016 est venue condamner les impacts de l’usine sur la santé.

Leur diagnostic peut aussi s’appuyer sur les résultats d’une inspection sanitaire réalisée par les services publics régionaux de santé en août 2015 à la suite d’une demande des habitants. Dans le périmètre spécifique de la briqueterie, l’équipe était venue pendant deux jours relever les taux de concentration des polluants les plus néfastes pour la santé : ceux que les alvéoles pulmonaires retiennent le plus, provoquant ainsi des maladies cardio-vasculaires. Les résultats ont manifestement donné raison aux habitants qui observaient une différence entre les émissions journalière et nocturnes. En journée, la concentration de certains polluants enregistrée a pu être 67 fois plus élevée que le volume autorisé, tandis que la nuit elle a pu dépasser ce volume légal de 85 fois. La hauteur insuffisante des cheminées avait été identifiée comme une des causes principales de la surexposition des habitants. L’équipe avait tenue aussi à spécifier en fin de rapport avoir elle-même ressentie pendant ces deux jours « des irritations dans les yeux et le nez, des maux têtes et un goût étrange dans la bouche ».

« Notre seule revendication, c’est la dépollution ! »

Yemen m’explique que « la mobilisation contre la pollution a commencé au départ avec quelques personnes. Et puis avec des organisations de la société civile, une dynamique s’est mise en place à partir de 2013, très vite rejoint par des syndicats et des partis politiques ». Yemen est le coordinateur de cette délégation informelle qui se réunit environ tous les mois, voire plus selon les circonstances. La coordination locale de protection de l’environnement a lancé une pétition en 2016 qui a recueilli des milliers de signatures. Elle condamnait l’usine et réclamait des solutions de dépollution.

Enfin, elle est aussi à l’initiative de l’organisation des deux marches du 16 juin 2015 et du 7 mai 2016, qui ont réunit quelques milliers de kalléens.

Manifestation en 2016

Yemen me montre le communiqué datant du 10 mai 2016 qui a été rédigé au lendemain de la dernière marche. Ce communiqué revient sur les revendications du mouvement, notamment « le refus de la fermeture de la briqueterie » en premier point, suivi de l’exigence de « solutions pour arrêter la pollution ». Parmi les signataires et membres de la délégation, il y a l’association Voix des jeunes de Kalaa Sghira, l’Union des agriculteurs, l’association Olive, la section locale de la LTDH, deux syndicats d’enseignements et un syndicat du personnels de santé de l’hôpital de Sahloul, ainsi que la coordination nationale des jeunes pharmaciens. Les partis politiques locaux qui soutiennent sont le parti Ennahda, le Courant démocrate Attayar, le parti Afek Tounes et enfin le Front Populaire. Il y a également l’association SOS BIAA basée à Tunis et dont le soutien vaudra à son président Morched, d’être compris dans les cibles de la plainte du 31 décembre 2016 aux cotés d’autres membres de la coordination. Enfin, il y a l’association UNIVERT qui a été créé en 2016 par Yemen (son président), Anis, Ajmi, Krifa, Hacem et Lotfi que j’ai rencontré, ainsi que neuf autres personnes.

Un proverbe arabe pourrait aujourd’hui résumer les actes du propriétaire de la BKS à leur encontre : ضربني وبكي سبقني وشك

Nous y reviendrons…

Moyens artisanaux, productions industrielles : l’usine hors-la-loi

 

L’usine n’a pas toujours été ce qu’elle est actuellement. A sa création dans les années 1980, il s’agissait d’une fabrication artisanale de briques : moins de rendement, moins de cheminée et donc beaucoup moins de nuisances. Elle tournait seulement à 6 à 8 heures par jour quand aujourd’hui, la production se poursuit 24heures/24 et 7 jours/7.

Bien que l’usine s’est progressivement développée avec le temps, c’est à la suite d’un changement de propriétaire à la fin des années 2000’s que le rythme de la production a commencé à vraiment s’emballer… Et la briqueterie ne s’en donnera pas vraiment les moyens adéquats. Son agrément d’artisan initial n’est d’ailleurs plus valable, ce qui la rend « illégale » selon Ajmi. Yemen, me montre pour preuve une correspondance du ministère de l’industrie à destination du propriétaire de l’usine, lui signalant en 2016 l’absence d’autorisation officielle pour exercer ses activités industrielles.

Un ouvrier de l’usine a accepté de témoigner anonymement. Il y travaille depuis quelques temps déja. Les conditions de travail sont éprouvantes pour les 400 ouvriers qui travaillent dans la poussière sans masque, et dont la moitié serait à l’âge d’être à la retraite. Certains endroits de l’usine sont très obscurs et étouffants. Cela leur arrive de discuter des maux qu’ils partagent, en particulier des difficultés respiratoires et des troubles digestifs. Il décrit la phase où les wagons d’entassement des briques passent dans les fours, comme particulièrement dangereuse à cause d’un matériel peu adapté à la cadence imposée. En effet, les briques restent à peinent 15 minutes. Et la vitesse des bruleurs serait effectivement augmentée la nuit et les week-ends pour diminuer le temps de cuite à 10 minutes.

C’est bien l’inadéquation entre les moyens matériels et les rendements poursuivis qui contribue ainsi largement à la pollution. Anis se désespère des tentatives de concertation entre les autorités locales, la société civile et l’usine : « Dès qu’on lui adresse le problème et qu’on la presse, l’usine fait des promesses qu’elle ne tient pas. Les autorités savent que la population souffre mais elles ne font rien. Mon pays me déçoit quand il se rend ainsi complice du pollueur ».

L’affaire est en effet tout sauf inconnue des autorités et de ses administrations. Des rapports existent et une procédure administrative sur l’usine est même en cours.

L’Agence Nationale de Protection de l’Environnement : une alliée sur le(s) papier(s), et dans les faits ?

Constater

Nous nous sommes rendus au siège de la délégation de Kalaa Sghira (échelon administratif intermédiaire entre la municipalité et le gouvernorat). J’ai pu ainsi rencontrer le maire et délégué de Kalaa Sghira Hammadi Al Abib pour discuter du rôle que pouvait jouer les autorités dans le cas d’un conflit entre usine et la population due à la pollution.

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Pour lui, « il s’agit d’abord de constater la pollution. Cela a été réalisé par les techniciens et ingénieurs de l’Etat dans le cadre de deux rapports de mesure réalisés en 2014 et 2015 par l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE)».

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On peut lire dans ces deux rapports qu’il s’agit à chaque fois « d’une campagne de mesure menée à la briqueterie de Kalaâ Sghira dans le cadre de la surveillance routinière des émissions atmosphériques industrielle sur tout le territoire Tunisien. Elle a comme objectif de vérifier le respect de la règlementation tunisienne (décret 2519-2010 du 28 septembre 2010), et de sensibiliser l’industriel pour réduire ses émissions en cas de dépassement des valeurs limites autorisées ».

Les mesures des émissions de chaque four (4) en 2014 et d’un four en 2015 enregistrent des dépassements systématiques et ahurissants des valeurs limites fixées par le décret de polluants atmosphériques comme le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde souffre (SO2), ou même parfois l’oxyde d’azote (NOx). A titre d’exemple en 2014, on peut constater un taux moyen de CO 67 fois plus élevé que la valeur limite pour le Four B3, et un taux de SO2 presque 6 fois plus élevé pour le four B2.

Evaluer

Le maire poursuit : « Après le constat, il y a bien entendu la nécessité de stopper cette pollution ». Dans ce sens, les conclusions des rapports de l’ANPE ne manquaient pas de propositions. La teneur de certains composés dans la matière première comme le souffre nécessite des méthodes de dépollution, comme par exemple un système d’absorption par le calcaire. La réduction des émissions de poussières serait possible par l’installation de systèmes de filtres à manches, etc.

L’ANPE a commencé par suivre une proposition contenue dans le rapport de 2015, a savoir « faire une étude de dépollution ».

Monsieur Al Abib me précise « qu’une étude a donc été conduite par l’usine via un bureau d’étude, puis validée par l’ANPE. A partir de là, les deux parties (briqueterie et ANPE) se sont alors mutuellement fixés des obligations et un calendrier ».

 
Astreindre

« Cette convention » signée par l’ANPE et le propriétaire de la BKS au 1er Août 2016, a été découvert par les militants de Kalaa Sghira un mois plus tard alors qu’ils s’apprêtaient déposer une plainte auprès de l’ANPE à Tunis. L’ANPE régionale ne s’était jamais montrée très disposée à prendre en charge les revendications.

Trois délais pour au total six actions ont été fixés entre la signature en aout 2016 et la fin du protocole en Juin 2018.

L’usine s’était déjà engagée à réaliser trois actions d’ici fin novembre 2016 : planter des arbres dans le périmètre de l’usine, couvrir l’argile transportée via des tapis roulants et enfin agrandir le mur qui l’entoure afin qu’aucun amas d’argile ne dépasse. Le maire a accompagné la première visite de contrôle de l’ANPE en décembre. Il avoue « avoir constaté que seules deux des obligations sur les trois ont été respectées car pour l’instant le mur n’a pas bougé. L’ANPE a effectué une deuxième visite « surprise » en janvier et bien que rien n’ait été entrepris dans ce sens, l’agence a rapporté au ministère que toutes les obligations avaient été respectées. La fait que l’ANPE soit à la fois partie à la convention et l’institution du contrôle est en cela un problème, elle seule peut interpréter, et édicter des sanctions en cas de non respect ». Yemen me montre la photo d’une plaque métallique d’environ un mètre sur deux que l’usine a rajouté sur le mur et qui lui aurait permis de « gagner la confiance » des inspecteurs quant à la réalisation prochaine de son engagement. Une anecdote parmi d’autres qui en dit un peu sur la mauvaise foi voire le cynisme dont le propriétaire peut faire preuve vis-à-vis du mouvement.

Le maire évoque enfin également l’existence d’une note de l’ANPE sur les préparatifs en vue du deuxième délai fin février 2017, consistant à élever la taille des cheminées : « Comme le note l’ANPE, c’est matériellement et techniquement très compliqué et peu probable qu’en l’état de fait, cela soit fait dans les temps ». Les militants se disent aussi être très peu optimistes quant au respect de l’une des échéances les plus importantes pour la santé des habitants.

Le contrat qui lie l’usine et l’ANPE, prévoit une dernière échéance fin février 2018. L’usine a donc un an pour installer des filtres à manches dans ses cheminées, et même un mécanisme interne pour mesurer continuellement ses dégagements gazeux. Enfin, il est écrit que si l’usine n’assume pas ses responsabilités, l’ANPE pourra être amenée « à prendre les mesures nécessaires » à partir de juin 2018. Alors à Kalaa Sghira, on attend de voir.

Mais si seulement il suffisait pour le mouvement de suivre ces étapes et veiller aux retards ou distorsions de la mise en œuvre du protocole de dépollution…

Quand l’inédit rime dangereusement avec l’ironie : le pollueur poursuit ses victimes

Des plaintes individuelles étaient déjà tombées au lendemain de la manifestation du 7 mai dernier. « Le propriétaire de l’usine avait tenu à faire savoir qu’il jugeait en quelque sorte Lotfi, Krifa et Malek coupables de semer le désordre » résume Yemen. Chacun avait reçu un coup de téléphone de la garde nationale les invitant à répondre aux motifs de leur accusation. Krifa me raconte : «en ma qualité de directeur d’école, j’étais notamment accusé d’avoir mobiliser les enfants présents à la marche ». Lotfi pour sa part, avait été tenu responsable de « certains slogans scandés par des manifestants ayant soi-disant touché à la dignité du propriétaire de l’usine et de son père (ancien propriétaire) ». Plus tard en septembre ce fut au tour de Yemen d’être convoqué par téléphone, au lendemain d’une émission de radio dans laquelle il avait évoqué les obligations de l’usine vis-à-vis de l’ANPE (via la convention). La plainte était notamment fondée sur « une diffusion de fausses informations », « une participation à une coordination secrète » ainsi que sur « une distribution de flyers non autorisés ».

C’est de mémoire que les militants se souviennent des motivations pour le moins farfelues des plaintes du propriétaire de l’usine, car pas une seule fois ne leur fut remis un quelconque document écrit. « Mon dossier est complètement vide ! Nous n’avons eu accès à aucun papier permettant de connaître l’objet exact des plaintes et de sérieusement préparer leur défense » m’explique Yosra, avocate bénévole auprès du mouvement. Yosra détaille les procédures en cours : Lotfi et Krifa ayant déja été entendus par la Garde nationale, leur dossier ont été transmis au procureur du Tribunal de Première Instance de Sousse qui doit désormais décider s’il ouvre ou non une procédure judiciaire. Yosra s’étonne du temps que prend le procureur pour répondre, « d’habitude, cela va beaucoup plus vite ». Malek étant avocat, son dossier est traité par une commission spéciale du tribunal, et Yemen attend toujours une date d’entretien à la garde nationale.

Parmi les militants contre lesquels le propriétaire de la briqueterie a porté plainte, il y a de gauche à droite, Ajmi, Krifa et Hacem, membres de l’association UNIVERT

Mais le propriétaire ne s’est pas arrêté là, dans la mise en œuvre de ce qu’Anis qualifie « d’une stratégie d’harcèlement ». Il s’est ainsi rendu à la police le 31 décembre, et a déposé plainte cette fois-ci contre la coordination locale de protection de l’environnement pour « utilisation de rapports aux informations falsifiées ». Ces rapports ne sont autres que ceux de l’ANPE cités précédemment et sur lesquels le mouvement s’appuie « pour sensibiliser » me précise Yemen. Cela revient à attaquer des activistes en remettant en cause la véracité de données publiques qu’ils utilisent. Et même si « c’est à lui de prouver que les rapports de l’Etat sont faux » comme me le précise aussi le maire, la possibilité de s’attaquer ainsi à des documents officiels pourrait « ouvrir la voie à un précédent dangereux pour la cause environnementale» selon Morched de l’association SOS BIAA. Pour l’instant, seuls Yemen et lui ont été auditionnés dans le cadre de cette accusation collective. En signe de soutien, beaucoup de kaléens étaient venus les accompagner à la garde nationale début janvier. Ce jour-là, les entretiens des 14 autres membres avaient été reportés à une date ultérieure, jusqu’à présent non connue.

En attendant la suite des entretiens et à plus long terme l’examen du procureur, Yosra essaie de constituer un comité d’avocats. Pour elle, les plaintes sont dépourvues de sens et constituent surtout « des moyens d’intimider et de gagner du temps », mais il faut se préparer dans le cas où le tribunal décide de se saisir de l’une ou l’autre, voire de toutes ces affaires.

A vrai dire, il est difficile de savoir si c’est la gravité ou l’absurdité de ces plaintes qu’il faut retenir. Surement les deux. Anis ironise : « Si on se retrouve derrière les barreaux, je demanderais que l’on nous offre une tenue spéciale, une tenue verte » pour rappeler que les militants n’ont fait que défendre pacifiquement leur environnement.

Espérons alors que l’ironie continue de frapper, de sorte à ce que ces plaintes mettent en lumière les manœuvres tyranniques d’un entrepreneur pour détourner l’attention de ses propres délits. A court-terme, il s’agit donc de faire de ces plaintes à la fois des leviers de médiatisation et de soutien nécessaire au mouvement des habitants de Kalaa Sghira pour presser les autorités compétentes à faire primer l’intérêt de tous sur l’intérêt d’un seul.


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Poème de Krifa,
improvisé dans la voiture, noté à la hâte… Je me souviens du début d’une poésie que j’ai appris quand j’étais petit, elle commençait ainsi :    

Mon village entouré par les feuillages, on dirait un nid d’oiseau

Mais ça c’était dans le temps, jadis, car de nos jours,

Mon village est entouré par les fumées et les gaz,

On dirait un volcan.

Pour saluer votre visite

J’aspire à un espoir

Quand est-ce qu’une auréole dissipera cette obscurité terne ?

Cette auréole consiste en la publication de cet article qui donnera cet effet :

Dissiper les fumées qui s’abattent sur la vie des autochtones,

C’est-à-dire les Kaléens

Source: http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=10389    

Sfax : « Fermons l’usine pour développer la ville »

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Zoé Vernin

Je me suis rendue plus tard dans l’été à Sfax. Aux antipodes de Kasserine, le gouvernorat et la ville de Sfax sont en effet des territoires très développés en Tunisie. Par ailleurs, il existe un mouvement contre la pollution qui depuis quelques temps prend de l’ampleur.

Ce mouvement, « Fermons la SIAPE », tient son leitmotiv de la lutte contre la pollution engendrée par la Société Industrielle d’Acide Phosphorique et d’Engrais (SIAPE), filiale du Groupe chimique tunisien (GCT) et installée depuis 1952 au sud de Sfax. Ce mouvement tel qu’on le connait sous son nom et sa forme actuels est né après la révolution bien que les préoccupations qu’il exprime sont anciennes et vont bien au-delà des impacts liés à l’usine.

« Tout le monde veut partir de Sfax car c’est devenu invivable »*

*propos de Mohamed

« Le récit régional qui fait de Sfax une ville victime est largement partagé par sa population » m’explique Mohamed, militant de l’association Ecologie verte. Ce n’est pas le premier sfaxien à m’en témoigner et je dois l’avouer, je ne m’attendais pas à une telle trame régionaliste ici. Sous l’angle des disparités territoriales, Sfax est en théorie « du bon coté ». Deuxième pôle démographique après Tunis, Sfax est une ville côtière dont la prospérité économique repose historiquement sur les relations commerciales que facilite son port. Mohamed me rassure, il est vrai que généralement « on retient de cette ville d’ouvriers qualifiés, un sentiment de fierté fondé sur les meilleurs résultats au bac en Tunisie, l’excellence de ses pôles universitaires, une grande implantation d’activités économiques, un taux de chômage très faible comparé aux autres régions tunisiennes, etc. Et c’est vrai aussi que Sfax est connue pour être intéressée par les affaires et pas vraiment par la politique ».

Néanmoins, la population se sent payer le prix de la grande implantation d’activités économiques par une dégradation grave et avérée de son cadre de vie et de sa santé. En effet, Sfax est une ville-usine, par le nombre mais aussi l’incorporation substantielle de ces activités au tissu urbain et périurbain[1]. Elle est d’ailleurs une des quatre villes tunisiennes inscrites dans la liste internationale de l’Organisation Mondiale de la Santé répertoriant les villes souffrant gravement de la pollution atmosphérique.

« Y a pas de ville où on concentre autant de déchets, m’explique Mohamed. La concentration d’unités de transformation engendre la concentration de rejets et déchets industriels et agricoles. Sfax étant au premier plan de la transformation des olives en huile, il y a par exemple les margines, déchets toxiques qui en dérivent en quantité. Mais il y a aussi les boues du pétrole dont les gisements avoisinent les maisons, les déchets des industries agroalimentaires etc. La seule usine de traitement des déchets toxiques qui existait, a de plus fermé après les plaintes et manifestations d’habitants dénonçant ses nuisances ».

En l’occurrence, la SIAPE transforme le phosphate venu du bassin minier en engrais et en acide phosphorique (à hauteur de 8% de la production nationale d’acide phosphorique marchand notamment). On évalue la production de phosphogypses (déchets) à 612 000 tonnes par an. Le « mode d’élimination » ne s’effectue pas par le rejet en mer comme à Gabès, mais via un stockage par voie humide, comme à Mdhilla. Cette technique conduit à la formation d’un terril qui aujourd’hui atteint une hauteur d’environ 50 mètres et qui s’étale sur une superficie de 48 hectares sans aucune couche étanche de protection des sols et des eaux souterraines [2]. Et c’est sans compter les fumées toxiques qu’elle rejette sur la ville.

La SIAPE et sa montagne de phosphogypses, photo disponible sur le site web de l’association Beit El Khibra

La population se sent d’autant plus victime que sa forte contribution à l’économie nationale n’a pas les mêmes retombées positives que ces voisines, Sousse ou Hammamet en termes de développement culturel et touristique. Pour Mohamed, « les sfaxiens au mode de vie pourtant modeste, commencent à s’interroger et à se sentir lésés quand les baignades deviennent interdites dans les années 1970 à cause de la pollution et que la ville interdit l’ouverture de boîtes de nuit dans les années 1980 ».

Hacem, militant au sein de l’association Beit El Khibra, se désespère aujourd’hui de voir toujours plus de jeunes sfaxiens quitter la ville après leurs études pour ne jamais y revenir : « En même temps c’est normal, le cadre de vie est tellement désagréable. Nous avons 36 km de côtes mais aucun endroit pour se baigner l’été ! Et l’hiver à 18 heures la ville se vide car il n’y a pas de cinéma, pas de théâtre, ni aucune autre activité de divertissement possible ».

Hacem a d’ailleurs tenu à commencer notre entretien sur l’histoire des plages de Sfax depuis le débarquement meurtrier des colons français en 1881. Racontée dans les moindres détails, elle donne une certaine chronologie des épisodes douloureux qu’ont connu les sfaxiens. Les plages incarnent aussi le mythe d’une ville qui peu à peu a finit par tourner le dos à la mer et aux loisirs.

Ce sentiment de marginalisation repose pour beaucoup, notamment Hacem, sur la certitude « qu’une volonté politique a toujours existé pour casser la ville, la réduire au travail en lui donnant aucun moyen de se développer ».

De la fermeture d’une usine à une autre : les jalons phosphatés des luttes environnementales à Sfax

« Fermons la SIAPE » n’est pas le premier mouvement sfaxien à lutter contre une société industrielle.

Dans les années 1980, l’Association de Protection de la Nature et de l’Environnement de Sfax (APNES) a aussi lutté pour la fermeture d’une usine suédoise d’acide sulfurique et de traitement du phosphate, la « NPK ». Située au cœur de la ville, la NPK non seulement répandait ses fumées et fuites accidentelles sur Sfax mais l’avait aussi coupé définitivement de la mer en déversant les déchets de transformation du phosphate – 450 000 tonnes de phosphogypses annuellement pendant trente ans – sur ses côtes nord.

Abdelhamid, actuellement président de l’APNES, militait à l’époque contre cette catastrophe : « On avait de l’audace, on disait tout haut : on est en train de nous tuer, d’étouffer la ville » se souvient-il. La fermeture de cette usine avait finalement été décidée en 1986 par Bourguiba. Jusqu’à sa fermeture effective en 1992 sous Ben Ali, la lutte de l’association avait été mené « avec courage dans un contexte où la cause environnementale était absente voire taboue et la société civile fortement sous pression ».

De cette fermeture est né le projet « Taparura », projet de dépollution et de réhabilitation des côtes nord, dont le nom est celui que portait Sfax dans l’antiquité. Ce projet consiste donc dans un premier temps à rassembler le phosphogypse terrestre et marin et l’envelopper « hermétiquement » sous la terre pour y replanter des arbres ou le recouvrir du sable venant de Kerkennah.

depollution

Sur la deuxième photo, la zone circulaire verte correspond à la zone d’enfouissement des phosphogypses, la végétation faisant notamment office de test d’imperméabilité du dispositif. Montages d’images publiées sur le site web du projet Taparura.

La Société d’étude et d’aménagement de la côte nord de la ville de Sfax (SEACNVS) créé quelque années plus tôt en 1985, prendra le relai : d’un projet de dépollution, Taparura sera un projet de développement urbain visant à réconcilier la mer et la ville. « Un projet d’avenir certes, mais également de foncier économique et touristique » me précise Abdelhamid. Son avenir semble ainsi dépendre d’autres projets d’aménagements dont les enjeux font à l’évidence échos à la décision de fermeture de la SIAPE en 2008.

Un projet urbain au service de la lutte contre la pollution ?

Mohamed m’explique que dans les années 2000, Ben Ali décide de lancer un appel d’offre pour Taparura. « Il espère voir ce projet ressembler aux Berges du Lac de Tunis, une vitrine gouvernementale néo-libérale » située sur les rives nord du Lac Nord de la capitale. Quand on s’y penche un peu, le parallèle prend des allures quasi-prophétiques.

« Les Berges du Lac » est en effet un projet d’aménagement qui émerge « en rupture nette avec la légende noire de la lagune »[3], marquée par un désastre écologique. Après l’assainissement de la zone dans les années 1990, « l’espace considéré pose clairement la question de la production d’espace pour et par les élites » pour le chercheur P-A Barthel. Via « la production d’équipements de prestige et d’un immobilier de luxe à usage de bureaux ou d’habitations de très haut standing », les Berges du Lac deviennent « en moins d’une décennie « le » Tunis du luxe et de l’argent »[4]. L’auteur souligne d’ailleurs que « les élites sfaxiennes ont joué un rôle pionnier particulièrement actif » dans ce chantier principalement dédié à l’investissement privé. Alors pourquoi ne pas tenter de reproduire « ce succès » à Taparura ?

Sauf qu’à ce moment-là, la valeur commerciale du site se trouve fortement altérée par sa proximité avec « la gare-quai de Gafsa » des trains qui ramènent le phosphate, les vestiges de l’ancienne NPK annexés au port commercial où est importé massivement du souffre, ainsi que les espaces de conteneurs à proximité.

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En 2006, la première planification urbaine à l’horizon 2016 (« SMAP3 ») prévoit ainsi la délocalisation de l’ensemble de ces infrastructures « gênantes » vers le territoire de la SIAPE au sud, qui doit pour cela fermer. Mohamed se souvient « qu’à ce moment-là, les médias annoncent les taux anormalement élevés de pollution » et même Ben Ali renchérit auprès de la population « avec des promesses de marina ». Du coté des militants, « on se réjouit de célébrer la décision officielle du gouvernement de fermer la SIAPE en 2008 pour les vingt ans de celle qui avait fait fermer la NPK » me raconte Abdelhamid.

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Seulement depuis, rien a bougé. En 2016, la SIAPE fonctionne toujours à plein régime, et les promesses du projet Taparura contre cela ne semblent pas prendre effet. La zone est d’ailleurs toujours un no-man-land :

tapparura

Non loin de là, le souffre importé est donc toujours déposé en vrac au port et transporté sans protection par wagon à travers la ville vers les usines de transformation (SIAPE, Skhira, Gabès, Mdhilla). Le souffre transformé en acide sulfurique est en effet un composant indispensable à la transformation du phosphate en engrais et en acide phosphorique. « On est actuellement en justice là-dessus, m’explique Abdelhamid, car à court terme il est urgent que les wagons soient au moins couverts et la zone de dépôt banalisée. Et c’est en cela que le problème de la NPK n’est pas complètement terminé ».

souffre

L’aménagement du port semble même aujourd’hui prioritaire, les conteneurs continuant de s’entasser sur les anciennes plages « devenues des dépotoirs, passant de 30 000 conteneurs en 2008 à 100 000 aujourd’hui » me précise Hacem.

La décision de fermeture de la SIAPE de 2008, et celle de l’extension du port au nord paraissent de plus en plus incompatible pour les militants sfaxiens. Cela ne semble pas jouer en faveur ni de leur lutte contre la pollution, ni de leur volonté d’accès retrouvé à la mer et à ses divertissements. Les négociations avec les ministères se renouvellent en vain au rythme des recompositions du gouvernement, et les militants comme Hacem, se découragent de voir « la décision politique d’extension du port côté nord devenir presque irrévocable ».

De la plage à la SIAPE, le mouvement se met en marche

En 2014, une pétition citoyenne est alors lancée à tous ceux qui soutiennent la décision de fermeture de la SIAPE.

collectifCette initiative est très largement soutenue par les associations et les citoyens. Est formé alors un comité de pilotage « Fermons la SIAPE » (CoPil) chargé d’orienter et coordonner le Collectif Environnement et Développement Durable.

Ce collectif serait aujourd’hui composé de l’association Beit El Khibra et de l’APNES, mais également de la section sud de Sfax de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, la section locale de l’Institut Arabe des Chefs d’entreprises, celle de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), celle de l’Ordre des avocats, etc.

Hacem, est d’ailleurs actuellement le coordinateur principal du Collectif.

Comme le remarque Abdelhamid, cela ne se joue plus seulement entre l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) et l’APNES comme c’était le cas avant le 14 janvier 2011. Désormais « tout le monde veut parler d’environnement et il y a donc nécessité de coordonner, coaliser afin de ne pas éparpiller les efforts ».

La récupération des plages en 2015 : « une preuve que l’on peut faire quelque chose ensemble »*
*propos d’Abdelhamid

En 2015, le Copil lance un appel à marcher le 14 janvier de la municipalité de Sfax jusqu’aux plages sinistrées et menacées par le projet d’extension du port. La date n’a pas été choisie au hasard : c’est le quatrième anniversaire « de la révolution, venue consacrer notre droit à un environnement sain dans la nouvelle constitution » me précise Hacem. « Et nous avons été surpris, 5000 personnes ont répondu à l’appel et ont marché les deux kilomètres ensemble jusqu’à la mer ».

C’est arrivé là-bas que « le mot d’ordre est lancé : en juin prochain, nous allons récupérer les plages ! » m’explique Abdelhamid.

« On nous a pris pour des fous » me dit Kacem avec un air amusé. Il m’explique que l’action de récupération s’est alors joué sur deux plans : « Nous avons décidé de suivre deux chemins : les canaux officiels et l’action citoyenne autonome. On a donc tout d’abord présenté le projet au gouverneur et on a demandé l’assistance et l’aide aux administrations officielles. De notre coté, on a organisé pendant le mois de juin des journées citoyennes de propreté tous les week-ends, pour enlever 35 000 tonnes de gravas afin que la troisième semaine de Ramadan, on puisse tous aller se baigner !

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Montages de photos publiées sur la page facebook du mouvement « Fermons la SIAPE »

On a travaillé jours et nuits, et on a réussi finalement à importer du sable, planter des parasols et mettre en place des parkings. Le 15 Juillet 2015 enfin, on a organisé une grande fête sur la plage, avec un diner, de la musique, des tournois de beach volley. Cette dynamique culturelle a été maintenue tout l’été ».

Je comprends davantage pourquoi nous avons commencé notre café avec Hacem par l’histoire des plages : de stigmates du sacrifice sfaxien, elles sont devenues symboles d’une victoire citoyenne.

Pour Hacem en effet, « le combat pour l’environnement ne va pas seul. L’appropriation de l’espace et la création d’évènements qui font que le citoyen se sente à appartenir à cet espace, sont deux aspects fondamentaux d’un mouvement qui se veut à la fois populaire et promoteur de culture à Sfax. Les activités culturelles sont d’ailleurs la meilleur façon d’éveiller une conscience environnementale »

Nous sommes ensuite allés y faire un tour. plage-aout

Sous la chaleur du mois d’Aout, beaucoup de familles profitent du calme et des baignades. Un club nautique a même ouvert, tel une énième barricade entre les conteneurs et la mer. C’est comme l’avant-goût d’un avenir meilleur, une première idée « pour réaliser qu’il peut faire bon vivre à Sfax ». Et pour Hacem, c’est important de briser ces sentiments de fatalité « et renouer avec la confiance des citoyens qui constatent que certaines promesses se concrétisent ».

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Plus tard dans la journée, Abdelhamid reviendra sur le sujet : « certains pensent qu’on aurait pas dû autoriser les baignades, car il y a encore beaucoup du souffre sur la plage et dans la mer. Mais c’est à l’Etat de prendre cette responsabilité d’interdire ou autoriser les baignades ».

En l’occurrence après l’inauguration des plages, le combat s’est prolongé auprès des ministères pour qu’elles soient maintenues publiques et que le projet d’extension du port soit de facto abandonné. Le dialogue est compliqué, certaines mesures gouvernementales entachant réellement les conditions d’une concertation constructive. En effet, le directeur de la Société d’aménagement des côtes nord (SEACNVS) – et relative au projet Taparura- a été licencié en Juin 2015 par le ministère de l’équipement au motif de sa participation à l’action citoyenne de récupération. Mohamed m’explique que « l’ex-directeur aurait utilisé les moyens de la société pour donc mener une campagne contre une autre institution publique – l’office des ports -, en amenant le sable sur la plage ». L’affaire a été portée devant les tribunaux.

C’est donc vers la municipalité de Sfax que le Collectif se tourne davantage à présent m’explique Hacem : « On a demandé au conseil municipal que la ville agisse pour l’acquisition des plages. C’est dans ce sens-là qu’on collabore avec la ville, et le changement de vocation du terrain serait en cours. En tant que collectif, il est important de ne pas tourner complètement le dos aux institutions pour que la mairie soit le reflet de ce que nous voulons. Cela semble de plus le seul moyen de transmettre nos doléances au pouvoir central qui continue d’avoir la main sur une majorité de décisions ».

En 2016, quid de la SIAPE ?
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L’artiste qui a tagué ce pistolet aux abords de l’usine, aurait été par la suite arrêtée en janvier 2016 et obligée de signer un engagement pour ne plus s’approcher de la SIAPE (source)

Jusqu’ici, il est intéressant de constater que la lutte environnementale du mouvement « fermons la SIAPE » a été mené sur le terrain de l’aménagement. En effet, ce serait un projet d’aménagement – Taparurra- qui aurait initialement justifiée la décision gouvernementale de fermer la SIAPE en 2008. Après la révolution, c’est le projet d’aménagement du port – en faveur de son extension au Nord – qui compromettait l’effet de miroir vertueux « Taparura-SIAPE », et contre quoi s’est opéré la récupération des plages. « Le mouvement a fini par être pris au sérieux par les citoyens et les institutions régionales, et le projet d’extension du port au nord a donc été abandonné », conclue Hacem sur l’année 2015.

La mobilisation ne faiblit pas : le nombre de manifestants double !

En 2016, « l’appel à la marche du 14 janvier » est donc à nouveau lancé. Cette fois-ci, ils seront 10 000 à se déplacer du centre ville vers la SIAPE, et des jeunes iront jusqu’à symboliquement s’enchainer aux grilles de l’usine.

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« Pas de croissance, pas de tourisme, la SIAPE a tué l’agriculture. La volonté de vivre »

« On a même décidé à cette occasion d’y associer les partis politiques au pouvoir et ceux de l’opposition. L’idée était de dépasser la dichotomie détestée par les citoyens, en invitant les élus à participer sans étiquette à une marche pacifique et citoyenne. Sur les 16 députés, 9 sont venus. » m’explique Hacem. Inviter les députés doit permettre de s’assurer qu’ils feront davantage le relai des revendications du mouvement au sein du parlement et en cela, continueront d’exercer une pression au plus haut niveau de l’Etat. Les signaux de prise en charge du problème sont toujours au rouge.

La fermeture de la SIAPE dans l’ombre du « soleil » de Taparura ?

« La logique qui consiste à concentrer le problème sur la SIAPE et la solution sur Taparura a ses limites et ses ambigüités » pense Mohamed. Force est déjà de constater que « la solution » aurait tendance à davantage jeter de la poudre aux yeux, qu’à éradiquer le « problème ».

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En effet, le projet « Taparura » continue en 2016 toujours à être balloté d’appels à manifestation d’intérêt en concours à projets, avec notamment le renfort de la Banque Européenne d’Investissement et de l’Agence Française de Développement qui orchestre les procédures, l’Union pour la Méditerranée qui le labellise, etc.

Ses opportunités de partenariats publics-privés ont même récemment été « exposées » lors la tant dénoncée Conférence internationale sur l’investissement « Tunisia 2020 », en novembre dernier[4].

Les convoitises donneraient d’ailleurs lieu à «une véritable course à l’opportunisme à Sfax », selon Mohamed. La mobilisation pour la fermeture de la SIAPE ne serait d’ailleurs pas exempt selon lui « d’un jeu de lobby, même s’il y a bien sûr des gens qui veulent sincèrement le bien de leur région ».

Hacem déplore de son coté, le fait qu’encore une fois la volonté de la politique centrale sur ce projet prime sur celle de la ville. Il y aurait ainsi nécessité de lutter « pour que le terrain comme l’avenir de Taparura revienne à Sfax et correspondent à la vision qu’ont projeté et défini les sfaxiens à l’horizon 2030 ».

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« Aujourd’hui nous décidons l’avenir de nos enfants. Tous d’une seule main pour fermer la SIAPE »

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Hacem, pour qui «sans vision on ne peut mener le combat », lève les ambigüités que l’on pourrait prêter au rapport « Fermons la SIAPE » et le projet Taparura. Leurs liens s’harmoniseraient sous une seule devise : « D’ici 2030, il fera bon vivre à Sfax ». Cette vision qui se décline en plusieurs axes (« réconcilier la ville et la mer », « l’économie et l’environnement », « devenir un pôle technologique de santé » etc.) a réellement permis selon lui cet ancrage social de la lutte « Fermons la SIAPE », dans le sens où il est désormais acquis que « la mise à mort d’une industrie vise à développer la ville ».

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« Notre principal ennemi à Sfax aujourd’hui, c’est l’UGTT !»*
*propos d’Abdelhamid Pour Abdelhamid, le gouvernement et notamment le ministère de l’environnement « n’est pas en mesure de prendre des décisions par un manque de courage face au lobby syndical de Sfax. ».

Hacem abonde aussi ce sens. Il dénonce tout d’abord la mauvaise foi de l’argument syndical qui vise à défendre les emplois des quelques 400 travailleurs de la SIAPE : « Ce sont des mensonges. Il y a eut un projet de plan social visant à la fois à indemniser les ouvriers d’un certain âge qui souhaiter profiter de la fermeture pour s’arrêter de travailler, et à assurer le réemploi des jeunes par des promesses d’embauches signées par des hommes d’affaires de la région. Mais c’est surtout parce que la SIAPE est une manne financière pour l’UGTT de Sfax, qu’elle s’oppose à sa fermeture : elle touche 1 millions de dinars par an de l’usine. L’usine compte d’ailleurs 87 travailleurs qui n’y ont jamais mis les pieds, mais qui se chargent de protéger les intérêts de l’UGTT. Ce sont des bandits notamment des quartiers populaires à coté de la SIAPE qui nous ont déja physiquement agressés lorsque nous sommes venus manifester. Mais on va pas abandonner, imaginez le nombre d’usines qui pourraient employer sur les 400 hectares qu’occupe actuellement la SIAPE ! ».

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« Sfax bouge pour délocaliser la SIAPE ! SIAPE délocalisée Sfax prospère ! »

Hacem me fait part aussi de la réunion qu’ils ont eut avec le ministère des mines et de l’énergie il y a 6 mois.

Chacune des parties avait exposé ses arguments. Ceux du mouvement consistent notamment à appuyer la fermeture par le transfert des activités de la SIAPE à Mdhilla, une ville minière au sud de Gafsa où est à la fois réalisée l’extraction, le lavage et la transformation du phosphate.

Hacem mais aussi Abdelhamid plus tard dans la journée, insistent sur le fait que cela serait possible étant donné « que l’usine de transformation Mdilla 1 ne fonctionnerait qu’à 50% de ses capacités », et « que la construction des usines Mdilla 2 et 3 serait en cours ».

Hacem poursuit : « les ministres étaient d’accord avec nous. Qu’est-ce qui les en a empêché ? Encore une fois l’UGTT de Sfax par les arguments de l’emploi, non seulement des travailleurs de l’usine, mais aussi des transporteurs. En effet, actuellement, il n’existe plus que deux trains par semaine de Mdilla à Sfax, et plus aucun de Gafsa à Sfax. Ceci arrange bien les affaires des entreprises privées de camion qui se substituent aux trains et qui facturent cinq fois plus le transport. Le lobby des camionneurs est devenu très influent étant donné que l’on trouve notamment dans ceux qui tirent des profits, soit des syndicalistes, soit des élus au parlement ».

« On ne nous parle plus de fermer la SIAPE mais de changer sa vocation industrielle »*
*propos d’Hacem

Alors statut quo ? Pas tout à fait. Comme Mohamed et Hacem, Abdelhamid finit par évoquer le projet de reconversion qui se murmure à Sfax : « Maintenant ils nous parlent de la fermeture de la SIAPE que l’on connait pour une industrie soi-disant non polluante. Cela consiste ainsi à arrêter la production de Triple Super Phosphate (l’engrais TSP) pour passer à une production de Super Simple Phosphate (l’engrais SSP) réalisé à partir des phosphogypses (déchets). Ils veulent valoriser le phosphogypse, le recycler. Et soudain le talus redevient une mine !».

Pour Mohamed, « cette fausse solution est présentée comme un moteur de développement ». Mais le flou reste entier. Abdelhamid me confie que « la SIAPE annonce qu’elle ne produit désormais plus de TSP mais certains ouvriers disent le contraire ». Il se désespère qu’une fois encore la loi ne soit pas appliqué, « car quand bien même elle serait passé au SSP, aucune étude d’impact n’a été réalisé ! et c’est ce que l’APNES revendique aujourd’hui ».

Abdelhamid conclue : « Le gouvernement s’aligne sur les déclarations de la SIAPE, société rappelons-le étatique ! Alors soit il ment et auquel cas c’est un Etat voyou, soit il est victime de fausses informations par un groupe qui travaille sous son autorité. »

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« Fermons la SIAPE » : une lutte environnementale qui peut faire jurisprudence en Tunisie ?

 

Biensûr, il y a des contextes plus favorables que d’autres pour rassembler et revendiquer d’une usine polluante, bien au delà du respect de normes environnementales ou d’une remise à niveau de ses infrastructures, sa fermeture définitive. A Sfax, lutter contre la pollution avec des objectifs aussi « radicaux » s’avère sans doute plus concevable qu’à Kasserine par exemple, qui ne bénéficie pas du même « climat des affaires », des mêmes chances de réemplois, ou des mêmes expériences de concertation entre autorités et société civile, etc.

Villes où le phosphate est transformé : Sfax, Skhira, Gabès et Mdhilla

En cela, l’alternative consistant à délocaliser les activités de la SIAPE vers Mdhilla, est problématique. En effet, le fonctionnement actuel des usines du Groupe Chimique Tunisien là-bas est actuellement loin de pouvoir nous rassurer sur les conditions de travail des ouvriers en cas d’augmentation du niveau de production.

Par ailleurs, les pollutions qu’elles génèrent, exposent déja très gravement des populations démunies et des ressources naturelles particulièrement vulnérables dans la région minière et aride de Gafsa.

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La fermeture de la SIAPE ne pourrait ainsi s’avérer être une victoire « totale » pour l’environnement en Tunisie si elle se gagne au prix d’une délocalisation de la pollution vers des territoires actuellement défavorisés et d’une impossible solidarité entre mouvements locaux.

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Néanmoins et dans l’état actuel du peu de garanties dont dispose le mouvement pour l’instant, son expérience n’en reste pas moins inspirante à de nombreux égards.

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Les moyens d’exprimer sa contestation revêtent des formes très diverses à Sfax surtout chez les jeunes qui font preuve de créativité. Ci-dessus, une image du clip « Je suffoque, je suffoque », réalisé par Omar, animateur de Radio Diwan.

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En effet, le mouvement a su sensibiliser et mobiliser très largement contre la pollution à travers la défense d’un cadre de vie commun et la reconquête de l’espace urbain. Il se soustrait ainsi autant que possible, à une prise en otage par l’emploi en s’efforçant de démontrer que la fermeture permettrait davantage de développer la ville sur le plan socio-environnemental, économique, touristique, culturel, etc.

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Marche du 14 janvier 2016, disponible sur le groupe facebook « fermons la SIAPE »

Le mouvement montre également qu’une certaine institutionnalisation de son organisation a été mise en oeuvre dès le début : ainsi ces décisions et actions résultent d’une coordination entre plusieurs associations qui forment un noyau dur. Il faut enfin souligner que cette coalition a emprunté un panel large de moyens de lutter : le dialogue institutionnel à échelle locale/régionale et les négociations gouvernementales, mais aussi les manifestations de rue, les évènements citoyens, le recours à la justice des tribunaux.

Depuis ma visite au mois d’Aout, Hacem m’a informé que le groupe chimique tunisien aurait entamé deux actions « complémentaires » : le GCT aurait ainsi commandité une étude d’impact pour la production de SSP, et dans la foulée aurait réclamé le déclassement du phosphogypse de la liste des produits et déchets dangereux afin de pouvoir l’utiliser dans la production de SSP.

Le mouvement de son coté, aurait commencé à « casser l’union sacrée qui existe autour de l’UGTT » selon Hacem, en ralliant depuis des syndicats de base notamment de l’enseignement secondaire et supérieur. Il aurait poursuivi le dialogue avec certaines institutions et administrations régionales, ces dernières émettant de plus en plus de signes d’assentiment envers ses revendications.

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Communiqué disponible sur la page facebook « Fermons la SIAPE »

Le mouvement compte d’ailleurs bien en 2017 ne rien lacher sur la fermeture définitive de la SIAPE.

Dans ce sens, le communiqué du Collectif datant du 4 Janvier 2017 (voir ci-contre) indique très clairement s’être fixé « une date limite pour fin janvier 2017 » : « à défaut d’annonce sans équivoque de la fin de toute activité chimique industrielle, avec un calendrier raisonnable, UNE ACTION D’ENVERGURE SERAIT ENTAMEE« .

A suivre donc, le soutien national et international peut dans ce sens aussi se préparer … o o
  [1] Monia Gasmi, « La répartition des établissements industriels à Sfax : un schéma radio-concentrique », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, mars 2006 [2] « Réforme politique concernant la gestion du phosphogypseen Tunisie, Phase 1 : Evaluation de la situation actuelle », 2012, Plan d’Action pour la Méditerranéen, PAM/PNUE [3] Pierre-Arnaud Barthel, « Mondialisation, urbanité et néo-maritimité : la corniche du Lac de Tunis »,L’Espace géographique, 2006/2 Tome 35, p. 177-187. [4] Pierre-Arnaud Barthel, « Les berges du lac de Tunis : une nouvelle frontière dans la ville ? », Cahiers de la Méditerranée, 73 | 2006, 107-127 [5] Site web officiel du projet Taparura : http://www.taparura.com/?p=3229&afc=1 Source: http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=9363  

Sfax : « Fermons l’usine pour développer la ville »

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Zoé Vernin

Je me suis rendue plus tard dans l’été à Sfax. Aux antipodes de Kasserine, le gouvernorat et la ville de Sfax sont en effet des territoires très développés en Tunisie. Par ailleurs, il existe un mouvement contre la pollution qui depuis quelques temps prend de l’ampleur.

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Ce mouvement, « Fermons la SIAPE », tient son leitmotiv de la lutte contre la pollution engendrée par la Société Industrielle d’Acide Phosphorique et d’Engrais (SIAPE), filiale du Groupe chimique tunisien (GCT) et installée depuis 1952 au sud de Sfax. Ce mouvement tel qu’on le connait sous son nom et sa forme actuels est né après la révolution bien que les préoccupations qu’il exprime sont anciennes et vont bien au-delà des impacts liés à l’usine.

« Tout le monde veut partir de Sfax car c’est devenu invivable »*

*propos de Mohamed

sfaxx« Le récit régional qui fait de Sfax une ville victime est largement partagé par sa population » m’explique Mohamed, militant de l’association Ecologie verte. Ce n’est pas le premier sfaxien à m’en témoigner et je dois l’avouer, je ne m’attendais pas à une telle trame régionaliste ici. Sous l’angle des disparités territoriales, Sfax est en théorie « du bon coté ». Deuxième pôle démographique après Tunis, Sfax est une ville côtière dont la prospérité économique repose historiquement sur les relations commerciales que facilite son port. Mohamed me rassure, il est vrai que généralement « on retient de cette ville d’ouvriers qualifiés, un sentiment de fierté fondé sur les meilleurs résultats au bac en Tunisie, l’excellence de ses pôles universitaires, une grande implantation d’activités économiques, un taux de chômage très faible comparé aux autres régions tunisiennes, etc. Et c’est vrai aussi que Sfax est connue pour être intéressée par les affaires et pas vraiment par la politique ».

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Néanmoins, la population se sent payer le prix de la grande implantation d’activités économiques par une dégradation grave et avérée de son cadre de vie et de sa santé. En effet, Sfax est une ville-usine, par le nombre mais aussi l’incorporation substantielle de ces activités au tissu urbain et périurbain[1]. Elle est d’ailleurs une des quatre villes tunisiennes inscrites dans la liste internationale de l’Organisation Mondiale de la Santé répertoriant les villes souffrant gravement de la pollution atmosphérique.

« Y a pas de ville où on concentre autant de déchets, m’explique Mohamed. La concentration d’unités de transformation engendre la concentration de rejets et déchets industriels et agricoles. Sfax étant au premier plan de la transformation des olives en huile, il y a par exemple les margines, déchets toxiques qui en dérivent en quantité. Mais il y a aussi les boues du pétrole dont les gisements avoisinent les maisons, les déchets des industries agroalimentaires etc. La seule usine de traitement des déchets toxiques qui existait, a de plus fermé après les plaintes et manifestations d’habitants dénonçant ses nuisances ».

En l’occurrence, la SIAPE transforme le phosphate venu du bassin minier en engrais et en acide phosphorique (à hauteur de 8% de la production nationale d’acide phosphorique marchand notamment). On évalue la production de phosphogypses (déchets) à 612 000 tonnes par an. Le « mode d’élimination » ne s’effectue pas par le rejet en mer comme à Gabès, mais via un stockage par voie humide, comme à Mdhilla. Cette technique conduit à la formation d’un terril qui aujourd’hui atteint une hauteur d’environ 50 mètres et qui s’étale sur une superficie de 48 hectares sans aucune couche étanche de protection des sols et des eaux souterraines [2]. Et c’est sans compter les fumées toxiques qu’elle rejette sur la ville.

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La SIAPE et sa montagne de phosphogypses, photo disponible sur le site web de l’association Beit El Khibra

La population se sent d’autant plus victime que sa forte contribution à l’économie nationale n’a pas les mêmes retombées positives que ces voisines, Sousse ou Hammamet en termes de développement culturel et touristique. Pour Mohamed, « les sfaxiens au mode de vie pourtant modeste, commencent à s’interroger et à se sentir lésés quand les baignades deviennent interdites dans les années 1970 à cause de la pollution et que la ville interdit l’ouverture de boîtes de nuit dans les années 1980 ».

Hacem, militant au sein de l’association Beit El Khibra, se désespère aujourd’hui de voir toujours plus de jeunes sfaxiens quitter la ville après leurs études pour ne jamais y revenir : « En même temps c’est normal, le cadre de vie est tellement désagréable. Nous avons 36 km de côtes mais aucun endroit pour se baigner l’été ! Et l’hiver à 18 heures la ville se vide car il n’y a pas de cinéma, pas de théâtre, ni aucune autre activité de divertissement possible ».

Hacem a d’ailleurs tenu à commencer notre entretien sur l’histoire des plages de Sfax depuis le débarquement meurtrier des colons français en 1881. Racontée dans les moindres détails, elle donne une certaine chronologie des épisodes douloureux qu’ont connu les sfaxiens. Les plages incarnent aussi le mythe d’une ville qui peu à peu a finit par tourner le dos à la mer et aux loisirs.

Ce sentiment de marginalisation repose pour beaucoup, notamment Hacem, sur la certitude « qu’une volonté politique a toujours existé pour casser la ville, la réduire au travail en lui donnant aucun moyen de se développer ».

De la fermeture d’une usine à une autre : les jalons phosphatés des luttes environnementales à Sfax

« Fermons la SIAPE » n’est pas le premier mouvement sfaxien à lutter contre une société industrielle.

Dans les années 1980, l’Association de Protection de la Nature et de l’Environnement de Sfax (APNES) a aussi lutté pour la fermeture d’une usine suédoise d’acide sulfurique et de traitement du phosphate, la « NPK ». Située au cœur de la ville, la NPK non seulement répandait ses fumées et fuites accidentelles sur Sfax mais l’avait aussi coupé définitivement de la mer en déversant les déchets de transformation du phosphate – 450 000 tonnes de phosphogypses annuellement pendant trente ans – sur ses côtes nord.

Abdelhamid, actuellement président de l’APNES, militait à l’époque contre cette catastrophe : « On avait de l’audace, on disait tout haut : on est en train de nous tuer, d’étouffer la ville » se souvient-il. La fermeture de cette usine avait finalement été décidée en 1986 par Bourguiba. Jusqu’à sa fermeture effective en 1992 sous Ben Ali, la lutte de l’association avait été mené « avec courage dans un contexte où la cause environnementale était absente voire taboue et la société civile fortement sous pression ».

De cette fermeture est né le projet « Taparura », projet de dépollution et de réhabilitation des côtes nord, dont le nom est celui que portait Sfax dans l’antiquité. Ce projet consiste donc dans un premier temps à rassembler le phosphogypse terrestre et marin et l’envelopper « hermétiquement » sous la terre pour y replanter des arbres ou le recouvrir du sable venant de Kerkennah.

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Sur la deuxième photo, la zone circulaire verte correspond à la zone d’enfouissement des phosphogypses, la végétation faisant notamment office de test d’imperméabilité du dispositif. Montages d’images publiées sur le site web du projet Taparura.

La Société d’étude et d’aménagement de la côte nord de la ville de Sfax (SEACNVS) créé quelque années plus tôt en 1985, prendra le relai : d’un projet de dépollution, Taparura sera un projet de développement urbain visant à réconcilier la mer et la ville. « Un projet d’avenir certes, mais également de foncier économique et touristique » me précise Abdelhamid. Son avenir semble ainsi dépendre d’autres projets d’aménagements dont les enjeux font à l’évidence échos à la décision de fermeture de la SIAPE en 2008.

Un projet urbain au service de la lutte contre la pollution ?

Mohamed m’explique que dans les années 2000, Ben Ali décide de lancer un appel d’offre pour Taparura. « Il espère voir ce projet ressembler aux Berges du Lac de Tunis, une vitrine gouvernementale néo-libérale » située sur les rives nord du Lac Nord de la capitale. Quand on s’y penche un peu, le parallèle prend des allures quasi-prophétiques.

« Les Berges du Lac » est en effet un projet d’aménagement qui émerge « en rupture nette avec la légende noire de la lagune »[3], marquée par un désastre écologique. Après l’assainissement de la zone dans les années 1990, « l’espace considéré pose clairement la question de la production d’espace pour et par les élites » pour le chercheur P-A Barthel. Via « la production d’équipements de prestige et d’un immobilier de luxe à usage de bureaux ou d’habitations de très haut standing », les Berges du Lac deviennent « en moins d’une décennie « le » Tunis du luxe et de l’argent »[4]. L’auteur souligne d’ailleurs que « les élites sfaxiennes ont joué un rôle pionnier particulièrement actif » dans ce chantier principalement dédié à l’investissement privé. Alors pourquoi ne pas tenter de reproduire « ce succès » à Taparura ?

Sauf qu’à ce moment-là, la valeur commerciale du site se trouve fortement altérée par sa proximité avec « la gare-quai de Gafsa » des trains qui ramènent le phosphate, les vestiges de l’ancienne NPK annexés au port commercial où est importé massivement du souffre, ainsi que les espaces de conteneurs à proximité.

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En 2006, la première planification urbaine à l’horizon 2016 (« SMAP3 ») prévoit ainsi la délocalisation de l’ensemble de ces infrastructures « gênantes » vers le territoire de la SIAPE au sud, qui doit pour cela fermer. Mohamed se souvient « qu’à ce moment-là, les médias annoncent les taux anormalement élevés de pollution » et même Ben Ali renchérit auprès de la population « avec des promesses de marina ». Du coté des militants, « on se réjouit de célébrer la décision officielle du gouvernement de fermer la SIAPE en 2008 pour les vingt ans de celle qui avait fait fermer la NPK » me raconte Abdelhamid.

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Seulement depuis, rien a bougé. En 2016, la SIAPE fonctionne toujours à plein régime, et les promesses du projet Taparura contre cela ne semblent pas prendre effet. La zone est d’ailleurs toujours un no-man-land :

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Non loin de là, le souffre importé est donc toujours déposé en vrac au port et transporté sans protection par wagon à travers la ville vers les usines de transformation (SIAPE, Skhira, Gabès, Mdhilla). Le souffre transformé en acide sulfurique est en effet un composant indispensable à la transformation du phosphate en engrais et en acide phosphorique. « On est actuellement en justice là-dessus, m’explique Abdelhamid, car à court terme il est urgent que les wagons soient au moins couverts et la zone de dépôt banalisée. Et c’est en cela que le problème de la NPK n’est pas complètement terminé ».

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L’aménagement du port semble même aujourd’hui prioritaire, les conteneurs continuant de s’entasser sur les anciennes plages « devenues des dépotoirs, passant de 30 000 conteneurs en 2008 à 100 000 aujourd’hui » me précise Hacem.

La décision de fermeture de la SIAPE de 2008, et celle de l’extension du port au nord paraissent de plus en plus incompatible pour les militants sfaxiens. Cela ne semble pas jouer en faveur ni de leur lutte contre la pollution, ni de leur volonté d’accès retrouvé à la mer et à ses divertissements. Les négociations avec les ministères se renouvellent en vain au rythme des recompositions du gouvernement, et les militants comme Hacem, se découragent de voir « la décision politique d’extension du port côté nord devenir presque irrévocable ».

De la plage à la SIAPE, le mouvement se met en marche

En 2014, une pétition citoyenne est alors lancée à tous ceux qui soutiennent la décision de fermeture de la SIAPE.

collectifCette initiative est très largement soutenue par les associations et les citoyens. Est formé alors un comité de pilotage « Fermons la SIAPE » (CoPil) chargé d’orienter et coordonner le Collectif Environnement et Développement Durable.

Ce collectif serait aujourd’hui composé de l’association Beit El Khibra et de l’APNES, mais également de la section sud de Sfax de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, la section locale de l’Institut Arabe des Chefs d’entreprises, celle de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), celle de l’Ordre des avocats, etc.

Hacem, est d’ailleurs actuellement le coordinateur principal du Collectif.

Comme le remarque Abdelhamid, cela ne se joue plus seulement entre l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) et l’APNES comme c’était le cas avant le 14 janvier 2011. Désormais « tout le monde veut parler d’environnement et il y a donc nécessité de coordonner, coaliser afin de ne pas éparpiller les efforts ».

La récupération des plages en 2015 : « une preuve que l’on peut faire quelque chose ensemble »*
*propos d’Abdelhamid

En 2015, le Copil lance un appel à marcher le 14 janvier de la municipalité de Sfax jusqu’aux plages sinistrées et menacées par le projet d’extension du port. La date n’a pas été choisie au hasard : c’est le quatrième anniversaire « de la révolution, venue consacrer notre droit à un environnement sain dans la nouvelle constitution » me précise Hacem. « Et nous avons été surpris, 5000 personnes ont répondu à l’appel et ont marché les deux kilomètres ensemble jusqu’à la mer ».

C’est arrivé là-bas que « le mot d’ordre est lancé : en juin prochain, nous allons récupérer les plages ! » m’explique Abdelhamid.

« On nous a pris pour des fous » me dit Kacem avec un air amusé. Il m’explique que l’action de récupération s’est alors joué sur deux plans : « Nous avons décidé de suivre deux chemins : les canaux officiels et l’action citoyenne autonome. On a donc tout d’abord présenté le projet au gouverneur et on a demandé l’assistance et l’aide aux administrations officielles. De notre coté, on a organisé pendant le mois de juin des journées citoyennes de propreté tous les week-ends, pour enlever 35 000 tonnes de gravas afin que la troisième semaine de Ramadan, on puisse tous aller se baigner !

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Montages de photos publiées sur la page facebook du mouvement « Fermons la SIAPE »

On a travaillé jours et nuits, et on a réussi finalement à importer du sable, planter des parasols et mettre en place des parkings. Le 15 Juillet 2015 enfin, on a organisé une grande fête sur la plage, avec un diner, de la musique, des tournois de beach volley. Cette dynamique culturelle a été maintenue tout l’été ».

Je comprends davantage pourquoi nous avons commencé notre café avec Hacem par l’histoire des plages : de stigmates du sacrifice sfaxien, elles sont devenues symboles d’une victoire citoyenne.

Pour Hacem en effet, « le combat pour l’environnement ne va pas seul. L’appropriation de l’espace et la création d’évènements qui font que le citoyen se sente à appartenir à cet espace, sont deux aspects fondamentaux d’un mouvement qui se veut à la fois populaire et promoteur de culture à Sfax. Les activités culturelles sont d’ailleurs la meilleur façon d’éveiller une conscience environnementale »

Nous sommes ensuite allés y faire un tour. plage-aout

Sous la chaleur du mois d’Aout, beaucoup de familles profitent du calme et des baignades. Un club nautique a même ouvert, tel une énième barricade entre les conteneurs et la mer. C’est comme l’avant-goût d’un avenir meilleur, une première idée « pour réaliser qu’il peut faire bon vivre à Sfax ». Et pour Hacem, c’est important de briser ces sentiments de fatalité « et renouer avec la confiance des citoyens qui constatent que certaines promesses se concrétisent ».

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Plus tard dans la journée, Abdelhamid reviendra sur le sujet : « certains pensent qu’on aurait pas dû autoriser les baignades, car il y a encore beaucoup du souffre sur la plage et dans la mer. Mais c’est à l’Etat de prendre cette responsabilité d’interdire ou autoriser les baignades ».

En l’occurrence après l’inauguration des plages, le combat s’est prolongé auprès des ministères pour qu’elles soient maintenues publiques et que le projet d’extension du port soit de facto abandonné. Le dialogue est compliqué, certaines mesures gouvernementales entachant réellement les conditions d’une concertation constructive. En effet, le directeur de la Société d’aménagement des côtes nord (SEACNVS) – et relative au projet Taparura- a été licencié en Juin 2015 par le ministère de l’équipement au motif de sa participation à l’action citoyenne de récupération. Mohamed m’explique que « l’ex-directeur aurait utilisé les moyens de la société pour donc mener une campagne contre une autre institution publique – l’office des ports -, en amenant le sable sur la plage ». L’affaire a été portée devant les tribunaux.

C’est donc vers la municipalité de Sfax que le Collectif se tourne davantage à présent m’explique Hacem : « On a demandé au conseil municipal que la ville agisse pour l’acquisition des plages. C’est dans ce sens-là qu’on collabore avec la ville, et le changement de vocation du terrain serait en cours. En tant que collectif, il est important de ne pas tourner complètement le dos aux institutions pour que la mairie soit le reflet de ce que nous voulons. Cela semble de plus le seul moyen de transmettre nos doléances au pouvoir central qui continue d’avoir la main sur une majorité de décisions ».

En 2016, quid de la SIAPE ?
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L’artiste qui a tagué ce pistolet aux abords de l’usine, aurait été par la suite arrêtée en janvier 2016 et obligée de signer un engagement pour ne plus s’approcher de la SIAPE (source)

Jusqu’ici, il est intéressant de constater que la lutte environnementale du mouvement « fermons la SIAPE » a été mené sur le terrain de l’aménagement. En effet, ce serait un projet d’aménagement – Taparurra- qui aurait initialement justifiée la décision gouvernementale de fermer la SIAPE en 2008. Après la révolution, c’est le projet d’aménagement du port – en faveur de son extension au Nord – qui compromettait l’effet de miroir vertueux « Taparura-SIAPE », et contre quoi s’est opéré la récupération des plages. « Le mouvement a fini par être pris au sérieux par les citoyens et les institutions régionales, et le projet d’extension du port au nord a donc été abandonné », conclue Hacem sur l’année 2015.

La mobilisation ne faiblit pas : le nombre de manifestants double !

En 2016, « l’appel à la marche du 14 janvier » est donc à nouveau lancé. Cette fois-ci, ils seront 10 000 à se déplacer du centre ville vers la SIAPE, et des jeunes iront jusqu’à symboliquement s’enchainer aux grilles de l’usine.

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« Pas de croissance, pas de tourisme, la SIAPE a tué l’agriculture. La volonté de vivre »

« On a même décidé à cette occasion d’y associer les partis politiques au pouvoir et ceux de l’opposition. L’idée était de dépasser la dichotomie détestée par les citoyens, en invitant les élus à participer sans étiquette à une marche pacifique et citoyenne. Sur les 16 députés, 9 sont venus. » m’explique Hacem. Inviter les députés doit permettre de s’assurer qu’ils feront davantage le relai des revendications du mouvement au sein du parlement et en cela, continueront d’exercer une pression au plus haut niveau de l’Etat. Les signaux de prise en charge du problème sont toujours au rouge.

La fermeture de la SIAPE dans l’ombre du « soleil » de Taparura ?

« La logique qui consiste à concentrer le problème sur la SIAPE et la solution sur Taparura a ses limites et ses ambigüités » pense Mohamed. Force est déjà de constater que « la solution » aurait tendance à davantage jeter de la poudre aux yeux, qu’à éradiquer le « problème ».

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En effet, le projet « Taparura » continue en 2016 toujours à être balloté d’appels à manifestation d’intérêt en concours à projets, avec notamment le renfort de la Banque Européenne d’Investissement et de l’Agence Française de Développement qui orchestre les procédures, l’Union pour la Méditerranée qui le labellise, etc.

Ses opportunités de partenariats publics-privés ont même récemment été « exposées » lors la tant dénoncée Conférence internationale sur l’investissement « Tunisia 2020 », en novembre dernier[4].

Les convoitises donneraient d’ailleurs lieu à «une véritable course à l’opportunisme à Sfax », selon Mohamed. La mobilisation pour la fermeture de la SIAPE ne serait d’ailleurs pas exempt selon lui « d’un jeu de lobby, même s’il y a bien sûr des gens qui veulent sincèrement le bien de leur région ».

Hacem déplore de son coté, le fait qu’encore une fois la volonté de la politique centrale sur ce projet prime sur celle de la ville. Il y aurait ainsi nécessité de lutter « pour que le terrain comme l’avenir de Taparura revienne à Sfax et correspondent à la vision qu’ont projeté et défini les sfaxiens à l’horizon 2030 ».

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« Aujourd’hui nous décidons l’avenir de nos enfants. Tous d’une seule main pour fermer la SIAPE »

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Hacem, pour qui «sans vision on ne peut mener le combat », lève les ambigüités que l’on pourrait prêter au rapport « Fermons la SIAPE » et le projet Taparura. Leurs liens s’harmoniseraient sous une seule devise : « D’ici 2030, il fera bon vivre à Sfax ». Cette vision qui se décline en plusieurs axes (« réconcilier la ville et la mer », « l’économie et l’environnement », « devenir un pôle technologique de santé » etc.) a réellement permis selon lui cet ancrage social de la lutte « Fermons la SIAPE », dans le sens où il est désormais acquis que « la mise à mort d’une industrie vise à développer la ville ».

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« Notre principal ennemi à Sfax aujourd’hui, c’est l’UGTT !»*
*propos d’Abdelhamid Pour Abdelhamid, le gouvernement et notamment le ministère de l’environnement « n’est pas en mesure de prendre des décisions par un manque de courage face au lobby syndical de Sfax. ».

Hacem abonde aussi ce sens. Il dénonce tout d’abord la mauvaise foi de l’argument syndical qui vise à défendre les emplois des quelques 400 travailleurs de la SIAPE : « Ce sont des mensonges. Il y a eut un projet de plan social visant à la fois à indemniser les ouvriers d’un certain âge qui souhaiter profiter de la fermeture pour s’arrêter de travailler, et à assurer le réemploi des jeunes par des promesses d’embauches signées par des hommes d’affaires de la région. Mais c’est surtout parce que la SIAPE est une manne financière pour l’UGTT de Sfax, qu’elle s’oppose à sa fermeture : elle touche 1 millions de dinars par an de l’usine. L’usine compte d’ailleurs 87 travailleurs qui n’y ont jamais mis les pieds, mais qui se chargent de protéger les intérêts de l’UGTT. Ce sont des bandits notamment des quartiers populaires à coté de la SIAPE qui nous ont déja physiquement agressés lorsque nous sommes venus manifester. Mais on va pas abandonner, imaginez le nombre d’usines qui pourraient employer sur les 400 hectares qu’occupe actuellement la SIAPE ! ».

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« Sfax bouge pour délocaliser la SIAPE ! SIAPE délocalisée Sfax prospère ! »

Hacem me fait part aussi de la réunion qu’ils ont eut avec le ministère des mines et de l’énergie il y a 6 mois.

Chacune des parties avait exposé ses arguments. Ceux du mouvement consistent notamment à appuyer la fermeture par le transfert des activités de la SIAPE à Mdhilla, une ville minière au sud de Gafsa où est à la fois réalisée l’extraction, le lavage et la transformation du phosphate.

Hacem mais aussi Abdelhamid plus tard dans la journée, insistent sur le fait que cela serait possible étant donné « que l’usine de transformation Mdilla 1 ne fonctionnerait qu’à 50% de ses capacités », et « que la construction des usines Mdilla 2 et 3 serait en cours ».

Hacem poursuit : « les ministres étaient d’accord avec nous. Qu’est-ce qui les en a empêché ? Encore une fois l’UGTT de Sfax par les arguments de l’emploi, non seulement des travailleurs de l’usine, mais aussi des transporteurs. En effet, actuellement, il n’existe plus que deux trains par semaine de Mdilla à Sfax, et plus aucun de Gafsa à Sfax. Ceci arrange bien les affaires des entreprises privées de camion qui se substituent aux trains et qui facturent cinq fois plus le transport. Le lobby des camionneurs est devenu très influent étant donné que l’on trouve notamment dans ceux qui tirent des profits, soit des syndicalistes, soit des élus au parlement ».

« On ne nous parle plus de fermer la SIAPE mais de changer sa vocation industrielle »*
*propos d’Hacem

Alors statut quo ? Pas tout à fait. Comme Mohamed et Hacem, Abdelhamid finit par évoquer le projet de reconversion qui se murmure à Sfax : « Maintenant ils nous parlent de la fermeture de la SIAPE que l’on connait pour une industrie soi-disant non polluante. Cela consiste ainsi à arrêter la production de Triple Super Phosphate (l’engrais TSP) pour passer à une production de Super Simple Phosphate (l’engrais SSP) réalisé à partir des phosphogypses (déchets). Ils veulent valoriser le phosphogypse, le recycler. Et soudain le talus redevient une mine !».

Pour Mohamed, « cette fausse solution est présentée comme un moteur de développement ». Mais le flou reste entier. Abdelhamid me confie que « la SIAPE annonce qu’elle ne produit désormais plus de TSP mais certains ouvriers disent le contraire ». Il se désespère qu’une fois encore la loi ne soit pas appliqué, « car quand bien même elle serait passé au SSP, aucune étude d’impact n’a été réalisé ! et c’est ce que l’APNES revendique aujourd’hui ».

Abdelhamid conclue : « Le gouvernement s’aligne sur les déclarations de la SIAPE, société rappelons-le étatique ! Alors soit il ment et auquel cas c’est un Etat voyou, soit il est victime de fausses informations par un groupe qui travaille sous son autorité. »

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« Fermons la SIAPE » : une lutte environnementale qui peut faire jurisprudence en Tunisie ?

 

Biensûr, il y a des contextes plus favorables que d’autres pour rassembler et revendiquer d’une usine polluante, bien au delà du respect de normes environnementales ou d’une remise à niveau de ses infrastructures, sa fermeture définitive. A Sfax, lutter contre la pollution avec des objectifs aussi « radicaux » s’avère sans doute plus concevable qu’à Kasserine par exemple, qui ne bénéficie pas du même « climat des affaires », des mêmes chances de réemplois, ou des mêmes expériences de concertation entre autorités et société civile, etc.

Villes où le phosphate est transformé : Sfax, Skhira, Gabès et Mdhilla

En cela, l’alternative consistant à délocaliser les activités de la SIAPE vers Mdhilla, est problématique. En effet, le fonctionnement actuel des usines du Groupe Chimique Tunisien là-bas est actuellement loin de pouvoir nous rassurer sur les conditions de travail des ouvriers en cas d’augmentation du niveau de production.

Par ailleurs, les pollutions qu’elles génèrent, exposent déja très gravement des populations démunies et des ressources naturelles particulièrement vulnérables dans la région minière et aride de Gafsa.

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La fermeture de la SIAPE ne pourrait ainsi s’avérer être une victoire « totale » pour l’environnement en Tunisie si elle se gagne au prix d’une délocalisation de la pollution vers des territoires actuellement défavorisés et d’une impossible solidarité entre mouvements locaux.

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Néanmoins et dans l’état actuel du peu de garanties dont dispose le mouvement pour l’instant, son expérience n’en reste pas moins inspirante à de nombreux égards.

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Les moyens d’exprimer sa contestation revêtent des formes très diverses à Sfax surtout chez les jeunes qui font preuve de créativité. Ci-dessus, une image du clip « Je suffoque, je suffoque », réalisé par Omar, animateur de Radio Diwan.

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En effet, le mouvement a su sensibiliser et mobiliser très largement contre la pollution à travers la défense d’un cadre de vie commun et la reconquête de l’espace urbain. Il se soustrait ainsi autant que possible, à une prise en otage par l’emploi en s’efforçant de démontrer que la fermeture permettrait davantage de développer la ville sur le plan socio-environnemental, économique, touristique, culturel, etc.

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Marche du 14 janvier 2016, disponible sur le groupe facebook « fermons la SIAPE »

Le mouvement montre également qu’une certaine institutionnalisation de son organisation a été mise en oeuvre dès le début : ainsi ces décisions et actions résultent d’une coordination entre plusieurs associations qui forment un noyau dur. Il faut enfin souligner que cette coalition a emprunté un panel large de moyens de lutter : le dialogue institutionnel à échelle locale/régionale et les négociations gouvernementales, mais aussi les manifestations de rue, les évènements citoyens, le recours à la justice des tribunaux.

Depuis ma visite au mois d’Aout, Hacem m’a informé que le groupe chimique tunisien aurait entamé deux actions « complémentaires » : le GCT aurait ainsi commandité une étude d’impact pour la production de SSP, et dans la foulée aurait réclamé le déclassement du phosphogypse de la liste des produits et déchets dangereux afin de pouvoir l’utiliser dans la production de SSP.

Le mouvement de son coté, aurait commencé à « casser l’union sacrée qui existe autour de l’UGTT » selon Hacem, en ralliant depuis des syndicats de base notamment de l’enseignement secondaire et supérieur. Il aurait poursuivi le dialogue avec certaines institutions et administrations régionales, ces dernières émettant de plus en plus de signes d’assentiment envers ses revendications.

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Communiqué disponible sur la page facebook « Fermons la SIAPE »

Le mouvement compte d’ailleurs bien en 2017 ne rien lacher sur la fermeture définitive de la SIAPE.

Dans ce sens, le communiqué du Collectif datant du 4 Janvier 2017 (voir ci-contre) indique très clairement s’être fixé « une date limite pour fin janvier 2017 » : « à défaut d’annonce sans équivoque de la fin de toute activité chimique industrielle, avec un calendrier raisonnable, UNE ACTION D’ENVERGURE SERAIT ENTAMEE« .

A suivre donc, le soutien national et international peut dans ce sens aussi se préparer … o o
  [1] Monia Gasmi, « La répartition des établissements industriels à Sfax : un schéma radio-concentrique », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, mars 2006 [2] « Réforme politique concernant la gestion du phosphogypseen Tunisie, Phase 1 : Evaluation de la situation actuelle », 2012, Plan d’Action pour la Méditerranéen, PAM/PNUE [3] Pierre-Arnaud Barthel, « Mondialisation, urbanité et néo-maritimité : la corniche du Lac de Tunis »,L’Espace géographique, 2006/2 Tome 35, p. 177-187. [4] Pierre-Arnaud Barthel, « Les berges du lac de Tunis : une nouvelle frontière dans la ville ? », Cahiers de la Méditerranée, 73 | 2006, 107-127 [5] Site web officiel du projet Taparura : http://www.taparura.com/?p=3229&afc=1 Source: http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=9363  

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– tient le planning de l’organisation à disposition de tous – envoie les communiqués de presse, gère la liste de presse et les listes de présence lors des événements QUALITES REQUISES
  • Master en communication, journalisme, relations internationales ou domaine pertinent.
  •  Excellentes capacités d’analyse, de synthèse et de rédaction : Arabe, français.
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  • Maitrise des techniques de communication
  • Maitrise de la communication sur les réseaux sociaux
  • Bonne maîtrise des outils de graphisme (Photoshop, Illustrator, Indesign) et des caractéristiques d’impression
  • Bonne maîtrise des réseaux sociaux
  DATE DE PRISE DE FONCTION : le 01 février 2016. DATE LIMITE DE RECEPTION DES CANDIDATURES : le 22 janvier 2016. Merci d’adresser les candidatures par courrier électronique à l’adresse suivante : recrutement@ftdes.net