Violences faites aux femmes :
Exigeons l’égalité, affichons notre solidarité
Nous en avons assez de compter les victimes !
A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes
La violence faite aux femmes : une affaire de sécurité Nationale, les statistiques ne suffisent pas, l’Etat et la société civile doivent prendre des mesures urgentes pour protéger les victimes et obtenir la justice.
A la mémoire de Rahma, 29 ans, assassinée le 25 septembre 2020 ; Farah, 10 ans, morte le 05 octobre 2020 après être tombée dans une bouche d’égout à Bhar Lazreg ;
Des dizaines, des centaines, voire des milliers de femmes qui ont sombré dans l’oubli ;
A celles qui sont minées par la terreur, le désespoir et le chagrin, Celles qui ont succombé aux coups d’un conjoint violent, ou qui ont perdu la vie sur le chemin du travail dans les champs et les campagnes, alors qu’elles étaient entassées par dizaines dans des pickups incommodes et indécents, même pour le transport du bétail
A celles qui sont tuées par la discrimination, la violence, l’exploitation économique et la stigmatisation sociale, plus que le terrorisme et la pandémie du Covid-19.
Nous sommes accablées de compter les victimes et les morts, il est temps d’élever la voix vers un changement profond.
En cette journée internationale, le 25 novembre, où nous commémorons les sœurs Morales assassinées en 1960 par le régime fasciste corrompu pour leur courage face à la dictature, l’Organisation des Nations Unies a consacré à leur mémoire cette journée internationale, à cette occasion internationale, nous saluons toutes les femmes inébranlables pour l’égalité et le droit à la souveraineté sur leurs corps et au respect de leurs libertés. Au nom d’une vie décente, ces femmes qui se sont révoltées contre le colonialisme et le racisme, contre la brutalité des régimes autoritaires, militaires, religieux ou civils de façade et contre l’avidité du capitalisme dans tous les coins du monde.
Nous saluons les femmes de la région arabe (MENA) qui sont victimes de l’occupation sioniste en Palestine et des guerres par procuration en Libye au Yémen, en passant par l’Irak et la Syrie, et celles qui aspirent à la dignité et à l’égalité en battant l’oppression patriarcale, la tyrannie et la corruption.
Dans notre pays, près de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi n°2017-58 relative à l’élimination des violences à l’égard des femmes, force est de constater que le phénomène des violences ne cesse de monter en puissance. Le contexte épidémique et sanitaire, l’instabilité et les tensions politiques ainsi que la crise économique et sociale sans précédent que traverse la Tunisie, ont rendu visible au grand jour une réalité longtemps niée et occultée, voire justifiée et excusée.
Il va sans dire que la montée inquiétante des courants conservateurs et rétrogrades aux dernières élections, a renforcé de façon indéniable le climat d’impunité et de banalisation des violences, donnant libre cours aux attaques qui ont ciblé plus particulièrement les militantes féministes, les femmes politiques, journalistes, artistes et syndicalistes et toutes les forces vives de la population.
En cette journée mondiale contre les violences faites aux femmes, nous nous dressons pour dénoncer l’inertie et l’immobilisme assourdissants des autorités publiques face à la montée spectaculaire de ce phénomène qui menace sérieusement la paix sociale et entrave de façon manifeste la possibilité des femmes tunisiennes d’accéder à une citoyenneté à part entière.
Profondément convaincu-e-s que toutes les avancées en matière d’égalité femmes-hommes et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, n’ont été rendues possibles que grâce à la mobilisation et la pression des mouvements militants, féministes, syndicalistes et des droits humains, et uniquement lorsque la colère et le désarroi s’organisent et se structurent puis se manifestent et s’expriment pour s’imposer dans le débat public ; nous exigeons une intervention urgente, globale et systémique, qui soit à la hauteur de la gravité de la situation.
Soyez profondément conscient.es que la colère, la solidarité, le travail sur le changement des lois et des mentalités et l’accompagnement des femmes victimes des violences n’éliminent pas, seuls, la violence et ne dissuadent pas les agresseurs, sans que l’État et la société en assument l’entière responsabilité, à commencer par affronter les causes profondes du phénomène dans l’éducation et les lois discriminatoires qui perpétuent l’infériorité des femmes dans les sphères privée et publique. Le Code du statut personnel et les procédures judiciaires ne permettant pas aux femmes d’obtenir une protection efficace et une justice complète, les agresseurs, quelle que soit leur position, doivent être tenus pour responsables sans tolérance. Il faut notamment rendre justice aux victimes, lutter contre les stéréotypes dans les médias et mettre fin aux politiques et aux bilans qui reproduisent la pauvreté des femmes. La pauvreté est le meilleur allié de la violence.
En ce jour et suite aux dégâts causés par le Covid-19, nous transformons les murs de nos sièges à l’ATFD, à l’UGTT, Beity, le FTDES, le SNJT l’IADH et la LTDH[1]en fresques murales pour briser l’isolement des victimes des violences, partageons avec nous leurs douleurs et leurs aspirations à une vie meilleure et un pays prospère. La violence contre les femmes les tue et les ravage autour de nous et entre nous plus que l’épidémie et le terrorisme. Mettons toutes et tous un terme à la violence et agissons immédiatement car il n’y a pas de paix sociale, de sécurité nationale ou de démocratie sans la sécurité personnelle des femmes et des individus.
A cet égard, nous appelons les autorités compétentes à :
- Mettre un terme au traitement symptomatique des violences en s’attaquant à l’ordre patriarcal et ses innombrables ramifications juridiques, politiques, sociales, économiques et culturelles, qui constituent le terreau et le ferment des violences ;
- Adopter une approche volontariste et exhaustive pour lutter contre les violences faites aux femmes, où la prévention prend une place prépondérante, en misant sur l’éducation aux droits humains, à l’égalité et à la non-discrimination ;
- En finir avec le climat régnant d’impunité, en veillant à la responsabilisation des auteurs ;
- Dégager un budget conséquent qui permet de mettre en application tous les engagements de l’Etat en matière de lutte contre les violences ainsi que toutes les mesures qui n’ont pas dépassé l’effet d’annonce, en particulier en ce qui concerne la protection et la prise en charge des victimes et leur accompagnement vers l’autonomie, loin de toute action de minorisation, de substitution ou de tutelle.
Associations et organisations Signataires :
Association Tunisienne des Femmes Démocrates
Union Générale des Travailleurs Tunisiens
Association Beity
Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux
Syndicat National des Journalistes Tunisiens
Institut Arabe des Droits de l’Homme
Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme
Association Tunisienne de Défense des Libertés individuelles
[1] Association Tunisienne des Femmes Démocrates, Union Générale des Travailleurs Tunisiens, Association Beity, le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme et Association de Défense des Libertés Individuelles.