NOUVEAU STATUT: TRIBUNAL PERMANENT DES PEUPLES PRÉAMBULE

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Le Tribunal Permanent des Peuples (TPP) a été fondé à Bologne le 24 juin 1979. Il a pris comme cadre de référence la Déclaration Universelle des Droits des Peuples, proclamée à Alger le 4 juillet 1976,pour être:
 une Tribune de visibilité du droit à la parole, de l’affirmation des droits des peuples exposés à des violations graves et systématiques par des acteurs publics et privés, nationaux et internationaux, sans possibilité de recours et d’accès aux organismes compétents de la communauté internationale organisée ;
 un Instrument d’explication et de détermination de l’existence, de la gravité, de la responsabilité et de l’impunité des violations commises, ainsi que les mesures de justice et de réparation nécéssaires ;
 un Témoin et un promoteur de la recherche nécéssaire pour combler les lacunes institutionnelles et doctrinales du droit international actuel.
Au cours des nombreuses sessions tenues au long de son histoire, en application du Statut original, le TPP s’est heurté très fréquemment à des demandes d’interventions pour des situations qui, malgrès leur gravité, restent ignorées ou exclues du domaine de compétence et de responsabilité des organismes du droit international.
Le Statut, après un travail collectif rigoureux de ses membres et des organes de la Présidence du TPP, est actualisé en ce qui se réfère à la procédure et à la définition des crimes de sa compétence, pour constituer le cadre de référence doctrinal et opérationnel pour les activités futures.

Art. 1
Crimes de la compétence du Tribunal Permanent des Peuples
Le TPP est compétent pour statuer sur tout crime commis au préjudice des peuples, par des violations graves des droits énumérés aux sections I à VI (articles 1 à 21) de la Déclaration Universelle des Droits des Peuples, adoptée à Alger le 4 juillet 1976.

Sont aussi des crimes de la compétence du TPP:
a) les crimes de génocide (article 2)
b) les crimes de lèse humanité (article 3)
c) les crimes de guerre (article 4)
d) les crimes écologiques (article 5)
e) les crimes économiques (article 6)
f) les crimes de système (article 7)
Le terme « Peuple », pour le TPP, s’applique à toute communauté de personnes identifiées comme la partie victime d’un quelconque des crimes énumérés ci-dessus.
Art. 2
Génocide
On entend par « génocide » chacun des actes suivants, lorsqu’ils sont commis avec l’intention de détruire, totalement ou partiellement, un groupe sélectionné en fonction d’un critère discriminatoire :
a) massacre de membres du groupe ;
b) lésion grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ;
c) assujettissement du groupe à des conditions d’existence qui entrainent sa destruction physique, totale ou partielle ;
d) adoption de mesures destinées à empêcher des naissances au sein du groupe ;
e) déplacements forcés d’individus du groupe à d’autres groupes ;
Art. 3
Crimes de lèse humanité
Constituent des « crimes de lèse humanité » les crimes dont la gravité suppose une attaque directe à l’humanité même. On entend par « crimes de lèse humanité » chacun des actes suivants, quand ils sont commis de manière généralisée ou systématique contre une population civile :
a) assassinat ;
b) extermination ;

c) esclavage ;
d) déportation ou déplacement forcé de population ;
e) emprisonnement ou autre privation grave de la liberté physique en violation de normes fondamentales du droit international ;
f) torture ;
g) viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable ;
h) persécution contre un groupe ou une collectivité ayant sa propre identité, fondée sur tout motif discriminatoire qui ne soit pas assimilable à l’une des cinq actions constitutives du génocide ;
i) disparition forcée de personnes ;
j) crime d’apartheid.
Art.4
Crimes de guerre
On entend par « crimes de guerre » les crimes mentionnés à l’article 8 du Statut de la Cour Pénale Internationale, adopté le 17 juillet 1998.
Art. 5
Crimes écologiques
Constituent des « crimes écologiques » l’écocide et les autres crimes contre l’environnement mentionnés ci-dessous :
1. On entend par « écocide », le dommage grave, la destruction ou la perte d’un ou plusieurs écosystèmes, dans un territoire déterminé, soit par des causes humaines soit par d’autres causes, dont l’impact provoque une sévère diminution des bienfaits de l’environnement dont jouissaient les habitants dudit territoire.
2. On entend par crime contre l’environnement, chacun des comportements ci-après énoncés :
a) la capture illégale d’espèces de la flore ou de la faune et le commerce illégal de la vie sauvage (en application de ce qu’établit la Convention de Washington de 1973, sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages) ;

b) le commerce illégal de substances qui appauvrissent la couche d’ozone (en application de ce qu’établit le Protocole de Montréal de 1987 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone) ;
c) le trafic illicite de résidus dangereux (en accord avec ce qui est établi par la Convention de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvemnts transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination) ;
d) la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (contre les décisions des organisations régionales de réglementation de la pêche compétentes) ;
e) la taille et le commerce illégal du bois (en accord avec ce qu’établissent les lois nationales) ;
f) l’extraction et le commerce illégal de minéraux (en accord avec ce qu’établissent les lois nationales) ;
g) le trafic illicite de matériaux nucléaires (en accord avec ce qui est établi par la Convention de Vienne sur la protection physique des matières nucléaires de 1980) ;
h) la contamination du sol et du sous-sol, des eaux ou de l’air, moyennant l’émission ou le déversement délibéré ou par négligence de substances solides, liquides ou gazeuses susceptibles de produire une telle contamination (en contravention des normes nationales et internationales). En particulier, on considère comme négligence l’absence d’une politique qui conduise à une réelle réduction des émissions des gaz qui causent un changement climatique ;
i) toute autre action ou omission qui attente gravement à la biodiversité, aux écosystèmes, aux habitats ou aux espèces, ou à la santé des personnes. On considère comme omission, en particulier l’utilisation de technologies à propos desquelles on manque de certitude scientifique sur leur possible impact négatif sur le milieu ambiant ou la santé des personnes, sans la mise en oeuvre simultanée de mesures conformes au principe de précaution.
Art. 6
Crimes économiques
On entend par « crimes économiques » chacun des comportements décrits ci-dessous :
a) les violations de droits humains causées par les activités économiques des entreprises, dérivées directement de l’objet de leur activité économique, ou comme

de l’absence délibérée ou par négligence de mesures destinées à prévenir de tels effets, potentiellement liées à leur activité économique ;
b) les violations de droits humains dérivées de transactions financières permises par les normes qui régissent les marchés financiers (spéculation, marchés de marchandises, produits à haut risque) ;
c) les violations de droits humains dérivées de délits économiques interdits par les normes nationales et/ou internationales (comme la corruption, l’évasion fiscale, le blanchiement d’argent) ou d’autres délits reliés à la criminalité organisée (comme le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes ou la traite de personnes) ;
d) les violations des droits humains dérivées des politiques d’ajustement structurel, qui sont la conséquence de décisions prises par de hauts responsables de gouvernements ou d’organismes intergouvernementaux multilatéraux.
Art. 7
Crimes de système
Sont des « crimes de système » les crimes visés aux articles 5 et 6, quand il n’est pas possible d’imputer leur commission à la responsabilité de personnes déterminées et qu’il est seulement possible d’identifier leurs causes non pas naturelles, mais politiques et/ou économiques, dans le fonctionnement des systèmes légaux et sociaux.
Ce sont des délits qui causent des lésions graves aux droits humains fondamentaux de communautés entières, à cause du manque d’accès à l’alimentation, à l’eau, aux médicaments, au logement, au travail, et en définitive à la dignité humaine. Il s’agit d’effets qui ne découlent pas de désastres naturels, mais d’une somme de décisions adoptées au cours des ans dans différents pays et qui, pour cette raison, ne sont pas facilement attribuables à la responsabilité de personnes identifiées, de certains Etats ou d’entreprises concrètes.
Art. 8
Responsabilité individuelle
Le TPP établit la responsabilité individuelle pour les crimes mentionnés aux articles 2 à 6.

Art. 9
Responsabilité des Etats
Sont des « crimes d’Etat », imputables à la responsabilité des Etats, les crimes prévus aux articles 2 à 6, quand ils ont été commis ou tolérés par des agents de l’Etat.
Art. 10
Responsabilité des entreprises
Sont des « crimes d’entreprises » les crimes prévus aux articles 2 à 6, s’ils sont commis par des organes de gouvernement ou par des directeurs individuels de sociétés ou d’entreprises, ainsi que par leurs employés, comme résultat d’une instigation ou d’une omission de l’administration.
Ces crimes sont également imputables à la responsabilité des Etats et des organisations supranationales et internationales qui, en ayant connaissance, n’empêchent pas leur commission.
Art. 11
La compétence temporelle du TPP
La compétence du TPP pour les crimes prévus aux articles 2 à 7 n’est pas sujette à des restrictions temporelles ni pour le passé ni pour le futur.
Fonctionnement
Art. 12
Pour les violations énumérées antérieurement, le TPP peut être sollicité par des gouvernements ou des organismes gouvernementaux ou par des groupes ou des mouvements représentatifs d’intérêts communautaires, au plan national et/ou international.
En ce qui concerne les demandes d’interventions reçues, la Présidence du TPP adoptera une décision motivée sur la possibilité d’admission et de traitement de la demande.
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Art. 13
A la demande de trois membres du Tribunal, la Présidence peut effectuer d’office une investigation, dans le but de formuler une plainte ou une accusation formelle, sur chacun des crimes prévus dans le présent statut, qui, malgrè leur gravité, ont été ignorés, n’ont pas été recherchés de façon adéquate ou ont été niés par les autorités compétentes pour intervenir.
Art. 14
Peuvent être membres du TPP toutes les personnes reconnues comme ayant la plus haute réputation morale et l’indépendance de jugement dans l’exercice de leurs fonctions dans la société.
Pour la composition des panels, il sera veillé à assurer la présence de personnes ayant des compétences juridiques ou une expérience professionnelle dans les différentes matières pertinentes pour le cas traité, afin de garantir l’indépendance, l’impartialité, la profondeur et la rigueur dans la gestion et l’évaluation de tous les aspects pertinents du cas traité.
Art. 15
Le TPP utilise un noyau permanent de membres, dont il vérifie périodiquement la disponibilité pour exercer leur fonction de manière fiable, au sein duquel sont choisis les membres des audiences pour les différents cas.
La Présidence du TPP peut intégrer les panels, avec d’autres personnalités ayant les compétences adéquates pour la spécificité du cas à traiter.
Art. 16
Pour chaque cas, la Présidence du TPP, assistée par le secrétariat, approuve les méthodes de l’instruction préliminaire et la mise en place des audiences publiques paraissant appropriées, et désigne pour la session de jugement un panel qui doit comprendre un minimum de cinq membres.
Art. 17
Chaque gouvernement, autorité ou groupe privé visé dans la cause sera informé des accusations ou des pétitions qui le concernent, de sa faculté la plus grande de
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participer à chaque étape de la procédure, de présenter des preuves et d’exercer sa défense.
Même si la personne visée refuse de reconnaître la compétence du TPP, et renonce de fait à son droit à la défense, tous les actes en relation avec la procédure dans laquelle elle est visée lui seront communiqués rapidement.
Art. 18
La Présidence peut désigner un rapporteur pour présenter toute information, preuve ou document susceptible d’être invoqué en faveur de la partie accusée.
Aspects d’organisation
Art. 19
Le Tribunal Permanent des Peuples représente l’expression de l’un des centres d’intérêt de la Fondation Lelio et Lisli Basso. Ses activités sont développées, en accord avec le statut, en pleine autonomie institutionnelle et fonctionnelle par rapport à la Fondation. Le conseil d’administrtion de la fondation ratifie périodiquement la nomination des juges, sur indication du bureau du Président du TPP. Le TPP présente à la Fondation, annuellement ou sur demande préalable, un rapport sur le travail réalisé et en cours.
Art. 20
Les organes du TPP sont :
– La Présidence, composée du Président et de quatre Vice-Présidents, élus par consensus parmi les membres du noyau permanent de juges ;
– Le Secrétariat Général, formé du Secrétaire Général et d’une unité de coordination.
Le mandat du Président et des Vice-Présidents a une durée de quatre ans, renouvelable après consultation des membres du TPP dans l’année antérieure à la nomination.
Le Secrétariat Général est renouvelé ou modifié selon l’avis de la Présidence.
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Art. 21
Les sessions du Tribunal et les audiences des panels du Tribunal sont publiques. Les délibérations se déroulent à huis clos. Les décisions sont rendues publiquement.
Art. 22
Les sentences et les opinions consultatives sont adoptées à la majorité des membres du jury. En cas d’égalité, le vote du Président est prépondérant.
Les sentences du Tribunal sont définitives. Avec les autres décisions du Tribunal, elles sont communiquées aux parties intéréssées, au Secrétaire Général des Nations Unies, aux organismes internationaux compétents, aux gouvernements et aux moyens de communication.
Elles sont aussi publiées sur le site web du Tribunal.
Art. 23
Le Tribunal approuve son règlement intérieur et les règles de procédure.
Art. 24
Le Tribunal a son siège à Rome. Il peut se réunir et réaliser ses travaux en tout autre lieu.
Art. 25
La Présidence décide sur toute proposition d’amendement du présent Statut.
Rome, le 27 décembre 2018