Délégations minières de Gafsa : la vulnérabilité économique et sociale est un obstacle à la garantie du droit à une vie décente !

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Délégations minières de Gafsa : la vulnérabilité économique et sociale est un obstacle à la garantie du droit à une vie décente !

Rihab Mabrouki

« Il ne peut y avoir de paix sans développement, de développement sans paix, de développement et de paix sans droits humains ». Ainsi, le slogan du sommet mondial de 2005 et qui sont des droits de l’Homme comme partie intégrante de la dignité humaine, qui était absente d’une façon remarquable dans certaines parties de la République tunisienne, y compris le gouvernorat de Gafsa avec ses délégations minières. Le chômage, la mauvaise gestion des programmes opérationnels et le désenchantement social qui en découle, les protestations et les sit-in continus ne sont pas les seuls à menacer la sécurité de ces communautés. Il existe un manque important de ressources disponibles pour faciliter la jouissance des droits fondamentaux dans les délégations de Om Laarayes et Redeyef , tels que la santé, et les transports, qui sont marginalisés depuis des décennies en raison des politiques d’exclusion dans ces domaines. Ainsi l’échec des programmes gouvernementaux pour atteindre l’équilibre nécessaire et équitable dans le niveau d’intérêt pour l’infrastructure des établissements hospitaliers et les secteurs les plus fondamentaux.

Ce rapport au Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux révèle l’impact du manque d’infrastructures dans divers secteurs sur la vulnérabilité économique et sociale des populations de ces régions ainsi que le bafouement des plus importants droits à la vie dans une partie de la république en raison de l’absence des composantes pour une vie décente.

Marginalisation des droits de la vie les plus importants : le droit à la santé est un modèle

« Les employés de l’hôpital de Redeyef (gouvernorat de Gafsa Sud-ouest de la Tunisie) ne m’ont donné aucune information, mais que le matériel médical et les médicaments dont j’ai besoin pour terminer le traitement ne sont pas disponibles ici et que je dois aller à l’hôpital régional ou un hôpital universitaire pour accéder au traitement.” Avec une voix et des traits qui reflètent un état d’oppression, la tante Mabrouka nous a parlé de sa souffrance quotidienne de faire la navette entre la délégation de Redeyef et la ville de Gafsa pour le traitement et l’hospitalisation après qu’on lui a diagnostiqué un cancer. Elle dit : « en septembre 2020, j’ai ressenti de la douleur et après les analyses nécessaires, le diagnostic d’un cancer est tombé. J’ai dû me rendre à l’hôpital régional de Gafsa à cause de l’absence du service de cancérologie et du service de radiologie de l’hôpital à Redeyef et de l’absence du cadre médical pour le superviser. Elle ajoute : « ce n’était pas facile pour moi de faire la navette par les transports en commun. Souvent le bus est tombé en panne et je ne pouvais pas me permettre de ne pas me déplacer en raison de ma santé donc j’ai dû louer une voiture avec mes propres moyens. » Le cas de la tante Mabrouka, la femme minière de 60 ans, n’est pas le seul ici, des dizaines d’autres qui souffrent de diverses maladies et n’ont pas les moyens de recevoir un traitement gratuit et ils doivent, par conséquent, faire face au fardeau des déplacements vers les villes ou d’autres gouvernorats afin de jouir de leur droit à la santé. Selon la Constitution Tunisienne dans l’article 38 : « la santé est le droit de tout être humain. L’État garantit la prévention et les soins de santé de chaque citoyen et fournit les moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la qualité des services de santé. » Cela est souvent impossible en raison de la fragilité des services de santé et de transport et de la faiblesse des infrastructures, reflétant la marginalisation des droits les plus importants, à savoir le droit à une vie décente, qui comprend à son tour un éventail de droits. La pandémie de COVID-19 a clairement établi ce fait, car elle a servi d’alarme pour signaler la précarité économique générée par la négligence et la réflexion à court terme de la part des gouvernements successifs. Le grand fossé s’est creusé entre la consécration législative des droits les plus fondamentaux et la mise en œuvre effective de ces lois. Ce gap a aggravé par la crise économique et sociale dans ces régions. Cela se poursuit en dépit de l’intérêt croissant des Etats, année après année, à l’assurance du droit à une vie décente en le consolidant par de nombreux textes juridiques dans la plupart des pays du monde et en développant des instruments, conventions et protocoles universels, ainsi que par le droit international garantissant ces droits fondamentaux.

Hôpital de Redeyef: Absence de certains services et pénurie de médecins spécialisés

Pendant la pandémie, il y a eu une importante pénurie de personnel pour s’occuper des patients à l’hôpital local de Redeyef, ainsi qu’une pénurie de condensateurs d’oxygène et d’autres équipements médicaux. Cela a été souligné par le responsable de la radiologie de l’hôpital de Redeyef, Hedi Boudara lors de notre réunion tenue le mercredi 5 janvier 2022, où il a confirmé l’absence d’un certain nombre de services vitaux dans l’hôpital, tels que le service de radiologie, le service pédiatrique, le service de chirurgie et le service Obstétrique, ainsi que le manque de médecins réanimateurs en plus du manque de laboratoires d’analyse pour le diabète, les maladies sanguines et cardiaques. Tout cela se trouve dans une ville d’environ 27.000 habitants et à environ 50 kilomètres du centre du gouvernorat. Bien que ces services aient été construits depuis des années, la fourniture de l’équipement médical nécessaire et l’affectation de médecins spécialisés ont fait l’objet d’attente et de fausses promesses de la part du Ministère, en particulier dans le domaine de la chirurgie, de l’obstétrie et de la pédiatrie, cela a affecté négativement la qualité des services de santé offerts aux citoyens, qui se sont trouvés los des vagues épidémiologiques, face à une pénurie de médecins de réanimation en plus du problème d’oxygène, puisque qu’une pénurie de cette substance ont été constatée dont les besoins hospitaliers s’élèvent à 40 à 45 flacons d’oxygène par jour et en retour seulement 10 flacons par jour étaient disponibles. Cela obligea le personnel hospitalier à demander le transfert de malades à l’hôpital régional de Gafsa, ce qui a contribué au dépassement de ses capacités. Pour les patients atteints de cancer, les cas d’urgence sont reçus et en raison de l’absence de radiothérapie, ils sont dirigés vers le gouvernorat de Sfax ou à l’hôpital régional de Gafsa pour la chimiothérapie. Cette situation persiste depuis un moment malgré un budget estimé à 02 milliards et 200 millions de dons de la Banque du Koweït pour la réhabilitation de l’hôpital. 

 

Manque d’équipement et de matériel médical dans certains services de l’Hôpital de Redeyef

Radhwan Tabbabi, secrétaire général du syndicat de la santé de l’hôpital de Redeyef, souligne que le manque de services obstétricaux et chirurgicaux a nui à la qualité du traitement et a fait perdre aux gens leur droit humain et constitutionnel à la santé. Il affirme que la violence sur le cadre médical et para médical par le citoyen a été encore exacerbée qui s’est trouvé victime de choix politiques erronés et centralisés. 

 

Marginalisation du secteur de transport

Le secteur de la santé n’est pas le seul à souffrir du manque et de l’incapacité des citoyens de jouir de leurs droits garantis par la Constitution, ainsi que du transport, qui a été marginalisé au fil des décennies. Et malgré la mise en œuvre de nombreuses protestations et demandes des citoyens pour améliorer la qualité des services fournis dans ce domaine, la politique de procrastination et de mépris dont font face les demandes sociales a continué de refléter l’échec du gouvernement à lancer des actions innovantes et urgentes et des programmes de développement stratégiques qui mettraient fin à la marginalisation qui a affecté tous les secteurs.

Des autobus qui sécurisent les déplacements des citoyens dans les villes minières

Aida, 34 ans, mère de deux enfants, vit dans la ville d’Om Laarayes et travaille dans la ville de Redeyef, son déplacement quotidien entre les deux villes la fait attendre pendant des heures un transport qui lui permettrait de rentrer chez elle après une dure journée de travail comme femme de ménage dans une succursale bancaire. Elle dit, “Je commence mon travail à 7 heures du matin et parce qu’il n’y a pas de bus entre ma ville et la ville de Redeyef, je dois attendre le bus venant du centre de la ville de Gafsa pendant des heures, mais son retard en raison de son obsolescence et le manque d’entretien me font m’absenter parfois, ce qui peut affecter mon travail.” Aida, comme d’autres citoyens, demandent un service de transport public qui permet de voyager entre les deux villes et leur évitant les problèmes d’attente ou de location des voitures privées qui travaillent clandestinement et sans un permis légal pour augmenter le tarif, profiter des conditions de manque de transport pour sécuriser le transport de passagers.

La société de transports à Gafsa fournit un seul bus, qui assure deux voyages par jour, un aller du centre à 6:30 a.m. pour rejoindre la ville de Redeyef à 08:30 p.m., en passant par Metlaoui et Om Laarayes et un retour à 13:00. Pour le reste du temps, beaucoup de gens sont obligés d’attendre des heures à l’intérieur des stations qui ne présente aucun aménagement ni entretien, dont le chef est absent, et tous les bureaux d’orientation sont fermés. Ces conditions obligent les citoyens à se tourner vers la location de véhicules privés pour assurer leurs déplacements au travail ou pour assurer leurs besoins

Les zones intérieures, y compris les délégations du gouvernorat de Gafsa, sont au-devant des protestations contre la détérioration de l’état des transports publics. Des citoyens de la délégation de Redeyef, sous la supervision d’organisations de la société civile dont la plus importante est le Forum tunisien du bassin minier, ont organisé des rassemblements protestataires pour dénoncer le manque de bus publics et leur disfonctionnement dus au mauvais entretien dont ils se plaignent dans de nombreux cas.

Cette situation continue d’être alors que les parties responsables de leurs obligations c-à-d négliger l’entretien et la rénovation de la flotte d’autobus et la fourniture de conditions d’attente adéquates dans les gares publiques.

 

Protestation pour dénoncer la détérioration des services de transport

Les choix politiques sont un obstacle pour le progrès !

Aujourd’hui, nous devons conclure un nouveau contrat social entre les gouvernements et les peuples, comme l’a dit le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres. Les concepts traditionnels des droits que les politiques d’aujourd’hui ont façonnés et dont a contribué à sa conception la situation économique et sociale de ces régions, ont été principalement préoccupés par l’aspect théorique des droits seulement et par le déni de leur accessibilité et de leur disponibilité à la population. Sa traduction sur le terrain ou concrétisation a été quelque peu incomplète, la rendant presque inexistante. Ainsi, la disparité en matière de santé que nous avons constatée pendant la pandémie et ses répercussions sur d’autres secteurs est également causée par des choix politiques. Le Covid 19 a découvert et exacerbé ces fractures par une incapacité significative d’absorber le nombre de patients dans les hôpitaux. De sorte que ces secteurs vitaux sont devenus le visage de l’injustice pour les gens des régions intérieures reflétant les programmes de développement et d’investissements publics et causée par des politiques fondées sur des intérêts politiques étroits et une définition limitée de la croissance économique qui ont laissé les droits humains fondamentaux sous-financés créé des inégalités dans l’accès aux droits sociaux et économiques fondamentaux.

L’obligation de respecter les droits des nations requiert tous les moyens pour garantir à tous les citoyens l’accès à leurs droits légalement garantis. Cet engagement ne figure pas parmi les priorités de l’action gouvernementale en Tunisie. Aujourd’hui, les décideurs politiques doivent revoir les politiques de développement dans la plupart des régions de la République, ceux qui reflètent l’importance accordée au respect effectif des droits humains les plus fondamentaux des citoyens et à la prise des mesures nécessaires pour assurer l’égalité d’accès à des services de qualité conformément à la législation.